LES LIGNES HAUTE TENSION ET TRÈS HAUTE TENSION DANS LE DÉBAT PUBLIC
Jean-François BERAUD, Secrétaire général de la Commission nationale du débat public
Monsieur le Président, Messieurs les parlementaires, j'ai quelques scrupules à intervenir devant un public de scientifiques aussi éminents que vous. Mais c'est simplement pour vous faire partager l'expérience que nous avons dans le domaine de l'expression du public au travers des « débats publics ».
Comme vous le savez, la Commission nationale a été créée en 1995. Elle a été transformée en autorité indépendante en 2002 et, depuis son origine, les problèmes de lignes électriques ont fait partie des sujets évoqués dans le cadre des débats.
Le premier de ces débats a porté sur la ligne à Très Haute Tension de Boutre-Carros, il y a maintenant près de dix ans. Nous en avons eu, depuis, un certain nombre d'autres : quatre débats publics organisés par la Commission nationale, avec une Commission particulière pour que le public puisse s'exprimer. Cela a été le cas de la ligne France-Espagne. Cela a été le cas de la ligne Lyon-Chambéry et, plus récemment, celui de la ligne Cotentin-Maine pour permettre le lien avec l'EPR de Flamanville.
Nous avons également eu une concertation un peu particulière qui s'est effectuée dans le Lot sur le renforcement du réseau électrique de ce département sous une forme qui, avant la loi de 2002, préfigurait l'évolution du débat public.
Et puis enfin, à l'issue des cinq années prévues par la loi au terme desquelles on aurait dû avoir une déclaration d'Utilité Publique, ce qui n'a pas été le cas, la ligne THT France-Espagne fait aujourd'hui l'objet d'une nouvelle concertation plus spécifique, puisqu'on a transformé le projet de la ligne à Haute Tension aérienne en une ligne enfouie.
Alors, qu'est-ce que la Commission du débat public peut retirer de tous ces débats ? D'abord, il faut rappeler que nous n'avons aucun avis à donner. Nous organisons le débat de telle sorte que le public puisse s'exprimer, puisse donner son opinion. Mais ça ne se traduit pas, à l'issue de la période du débat, par une prise de position de la Commission nationale. Cela est très important à préciser pour que vous compreniez bien que nous gardons la plus grande neutralité possible vis à vis du projet. Nous n'avons donc, en tant que Commission, strictement aucun avis sur les dangers, les risques ou l'absence de risques liés aux lignes à Haute ou Très Haute Tension.
Dans les comptes rendus et les bilans de ces débats, on a pu relever - et je me limiterai à cela - trois remarques que je dirai principales. Une expérience de dix ans nous permet de dire que tout cela est maintenant à peu près confirmé.
La première remarque est que, progressivement, les préoccupations du public sur la santé liée aux lignes électriques ont été de plus en plus présentes au cours des débats. Alors, qu'en son temps, à propos de la ligne Boutre-Carros, le débat portait essentiellement sur son insertion dans l'environnement, il est clair que pour la ligne Cotentin-Maine, les problèmes liés à la santé humaine et animale, ont été - je ne dirai pas centraux - mais très importants. Donc, on voit bien que cette préoccupation sur la santé est une préoccupation qui se développe, parmi tous les acteurs du débat, que ce soit les acteurs associatifs, Monsieur et Madame Tout le monde ou, comme le disait Monsieur Maillard tout à l'heure, les agriculteurs. Sur ce point, je voudrai ouvrir une toute petite parenthèse : il faut aussi faire très attention au fait que, quand on parle du « public » dans le débat public, il convient de raison garder : dans la meilleure des hypothèses, ce sont quelques milliers de personnes qui s'expriment, ce n'est pas la totalité de la population. Et ça ne saurait, en aucun cas, se traduire par une image de referendum ou de sondage : c'est l'expression de ceux qui veulent bien participer au débat et qui s'y intéressent, c'est-à-dire souvent les plus inquiets ou les plus concernés par le projet.
La préoccupation sur la santé est souvent exprimée de façon complètement irrationnelle. C'est davantage l'expression d'un sentiment que d'une conviction, étayée par des certitudes ou par des études. C'est « Oh là là, on nous met une ligne, cela aura forcément des conséquences sur la santé ! » De même, je pense qu'il y a de longues dizaines d'années, lorsque l'on installait une ligne de chemin de fer, on disait « à partir du moment où une locomotive crache, par définition cela doit avoir des conséquences sur la santé ».
Il est significatif que ce soit exprimé de cette façon-là et, en tout cas, c'est ainsi que cela est exprimé par le public ; sauf par ceux qui, pour des raisons qui leur sont propres, utilisent cet argument pour s'opposer de façon plus brutale. Mais je dirai que cet argument radical et idéologique n'est pas l'élément le plus important. Le plus important est la manière selon laquelle le public au sens large, celui qui est intéressé par le projet, s'exprime. Et, la plupart du temps, je le répète, c'est souvent irrationnel et rarement fondé sur des études. « C'est mon sentiment ».... et je me demande si le public ne pourrait pas, à la limite, s'exprimer en disant « Et je ne demande qu'à être rassuré. Je ne demande qu'à être convaincu qu'il n'y a pas de risque. » Tout ceci est quand même un petit peu plus subtile, un peu plus complexe qu'une opposition frontale.
La deuxième observation que l'on peut faire, au travers de ces débats, est qu'à la fois le maître d'ouvrage et les experts ont énormément perdu en crédibilité. Ils ont beau expliquer en s'appuyant sur toutes les études du monde, souvent, on ne les croit pas ; soit parce que l'expert aurait un vague lien avec le maître d'ouvrage, soit parce que l'expert apparaît comme fermé dans ses certitudes. Bref, pour toute une série de raisons, la crédibilité de l'expert - et cela n'est pas propre aux lignes à Haute Tension, mais également vrai dans tous les domaines et dans tous les projets où il nous est donné de faire ces constations - est aujourd'hui très largement mise en cause.
En résumé, quand l'expert est trop définitif sur sa position, la réaction du public est de dire : « En fait, on ne nous dit pas tout. » Et quand il fait part de ses doutes, on pense que « Puisqu'il ne sait pas tout c'est donc que quelque part, on n'est pas sûr qu'il n'y ait pas de risque. » Donc, finalement ce problème de la position de l'expert vis-à-vis de l'opinion publique est assez complexe.
Je dirai, enfin, que le principe de précaution utilisé très largement dans le débat doit être, de la part de tous, un peu plus clairement expliqué. Faute de quoi, nous arriverons très rapidement à un blocage de toute évolution technologique. Car, bien évidemment, je pense qu'aucun d'entre vous n'est absolument assuré de tout savoir.
Voilà donc ce que ces dix ans d'expérience de débats nous permettent de dire. Et, je n'ai pas le sentiment d'avoir dit des choses très originales ! Mais, en tout cas, ceux qui souhaitent relire les comptes rendus ou les bilans des débats peuvent les trouver sur notre site et constateront qu'à chaque fois, ces points ont été très largement évoqués. J'ajoute que de toutes les réunions publiques pour des débats sur les lignes à haute tension que nous organisons, ce sont celles sur la santé animale ou humaine qui sont les plus fréquentées. Voilà ce que je voulais vous dire brièvement et vous remercie de votre attention.
Daniel RAOUL
Merci. Je passe tout de suite la parole à Monsieur Stéphane Le Bouler Rapporteur du COMOP, le Comité opérationnel n°19 : « veille sanitaire et risques émergents » dans le cadre, évidemment, du Grenelle. Vous avez dix minutes.
Stéphane LE BOULER, Rapporteur du comité opérationnel n°19 : veille sanitaire et risques émergents (COMOP 19)
Je vais donc vous présenter les travaux du Comité opérationnel « veille sanitaire et risques émergents » en excusant, tout d'abord, Jean-François Girard qui a eu aussi à souffrir des problèmes de transport puisqu'il devait être à Bruxelles impérativement ce matin.
La mission du Comité opérationnel N°19, telle qu'elle avait été définie par les ministres, était de préciser - je lis le texte - « les dispositions législatives et réglementaires nécessaires, l'organisation à mettre en oeuvre, le calendrier envisageable, les volets formation, information et mobilisation des acteurs et, le cas échéant, du grand public, en ce qui concerne un ensemble de risques émergents et de risques sur lesquels s'étaient focalisée la lettre de mission, à savoir les risques liés aux nanomatériaux et ceux liés à la téléphonie mobile ». Par conséquent, la question des effets sur la santé des lignes à Haute et Très Haute Tension a été prise en charge de façon incidente, au titre d'une réflexion plus globale sur les risques émergents.
La méthode de travail employée dans ce Comité opérationnel était la même que celle utilisée dans tous les autres Comités opérationnels du Grenelle de l'Environnement. On a cherché à développer, puisque telle était la commande, à la fois une approche transversale sur un ensemble de risques émergents, ce qu'on appellera plus tard TEPPR, les Technologies Émergentes Potentiellement Porteuses de Risques, et une approche spécifique, sur les nanomatériaux, la téléphonie mobile et, puisque le débat est venu en séance dans nos travaux, les lignes à Haute Tension et Très Haute Tension.
Les contenus que l'on a mobilisés dans le cadre de ces travaux sont, bien entendu, les matériaux issus du Grenelle, mais aussi les acquis les plus récents de l'expertise. On n'a produit évidemment aucune espèce d'expertise. On a aussi, bien sûr, voulu connaître les projets législatifs et réglementaires et les dernières propositions des parties prenantes puisque le principe de ces Comités opérationnels était qu'il y ait un dialogue soutenu avec l'ensemble des parties du Grenelle. Dans le cas d'espèce, il s'agissait des associations de protection de l'Environnement, des partenaires sociaux - à la fois syndicats et patronats - des associations d'élus, en particulier l'AMF, et bien entendu, de l'ensemble des administrations concernées. C'était donc une sorte de formation interministérielle permanente ouverte aux parties prenantes. Le principe de nos travaux était la recherche du consensus sur les différentes mesures opérationnelles envisagées au titre du Grenelle.
Nous avons eu deux types d'approches dont une générale sur l'ensemble des risques émergents. J'en viendrai plus spécifiquement ensuite aux lignes à Haute Tension et Très Haute Tension.
Dans l'approche générale, nous avons eu à mettre en avant des préoccupations liées à la veille sanitaire : comment mieux articuler la veille sanitaire ? Comment mieux construire l'alerte ? Nous avons eu à faire un certain nombre de recommandations quant à la place et à la mobilisation de la recherche et surtout - sur quoi j'insisterai le plus - sur l'information du public et la concertation. Point sur lequel nous avons fait deux séries de propositions pour prendre en charge la spécificité des risques émergents.
Tout d'abord, des propositions d'action de court terme. Première recommandation : recourir davantage à la Commission Nationale du Débat Public, en élargissant son champ de compétences. Il pourrait par ailleurs être intéressant de créer une instance permanente élargie de débat sur les risques émergents, afin notamment de limiter la dispersion du débat, aujourd'hui organisé, quand il a lieu, dans différentes enceintes. Autre initiative souhaitable : le développement de sites d'information appropriés sur les risques émergents : parce qu'on a vu, sur un certain nombre de sujets, que ceux qui étaient en capacité de livrer de l'information étaient parfois un peu timorés ou s'interdisaient un certain nombre de communications. Et enfin, dernière proposition d'action à court terme : soutenir les associations dans leur rôle de sentinelles dans un cadre, évidemment, précis.
Mais on a voulu aussi faire une proposition plus structurante que l'on doit à Françoise Weber, la Directrice de l'Institut de veille sanitaire et à Alfred Spira, qui ont particulièrement travaillé sur cette proposition consistant à procéduraliser davantage la prise en charge d'un certain nombre de problèmes à partir du moment où ils viennent dans le débat public, problèmes liés à ces risques émergents. En clair, le but est de mettre en place un cadre procédural pour prendre en charge ces questions dans le débat public et dans la constitution de l'expertise. Et parmi les points particulièrement saillants, évidemment, le fait de garantir l'expertise pour pallier un certain nombre de difficultés mises en avant par le Professeur Béraud.
Le modèle déployé ici est celui qui a été mis en cours au fil des ans pour l'expertise en matière de sécurité sanitaire avec, bien entendu, une garantie sur la compétence des experts et la pluridisciplinarité, la question de traiter les conflits d'intérêt, le pluralisme des enceintes et la transparence de l'expertise. On a besoin, quel que soit le sujet émergent, à la fois d'une procéduralisation et d'une expertise garantie dans les meilleurs termes.
Évidemment, puisque la commande nous est venue de façon incidente, nous avons traité des champs extrêmement basses fréquences et des problèmes liés aux lignes à Haute Tension et Très Haute Tension. De façon incidente - je l'ai dit - puisqu'il nous a été demandé de traiter particulièrement une proposition qui avait émergé dans les débats, consistant à interdire la construction dans une zone de 200 mètres de part et d'autre des lignes Très Haute Tension. Le Comité n'a pas retenu cette recommandation, mais il a souhaité faire un certain nombre de recommandations complémentaires en lieu et place de cette recommandation-là. Recommandations complémentaires consistant à développer l'information sur les champs électriques et magnétiques, notamment d'extrêmement basses fréquences, en alimentant pour cela le portail sur le Web « Santé-Environnement » qui nous paraissait le vecteur approprié ; et pour fiabiliser l'information, en incitant au développement de laboratoires certifiés.
Mais nous avons surtout insisté sur ce qu'il était souhaitable de développer sur la durée en matière de recherches. Il nous a semblé que les recommandations du Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France restaient pleinement d'actualité sur le sujet, à savoir l'encouragement dans le cadre de programmes nationaux et européens à la mise en oeuvre d'études expérimentales visant, en particulier, à déterminer le mécanisme des effets biologiques potentiels. Les représentants des associations ont, en outre, demandé que la superposition des champs électriques et magnétiques, dans le voisinage des lignes THT soit mieux étudiée. Et le Comité a été particulièrement sensible à la façon dont on communiquerait sur l'étude EXPERS, tout en sachant qu'il y avait un certain nombre de précautions à prendre par rapport à cette communication et à l'implication des parties prenantes dans cette dernière.
A titre pédagogique et à titre heuristique, le Comité s'est efforcé d'appliquer, pour les risques émergents qui lui étaient confiés, la méthode qu'il préconisait de façon générique. Encore une fois, son rôle n'était absolument pas d'élaborer une nouvelle expertise, mais de tenter de confronter les points de vue opérationnels à une meilleure gestion des risques. Vous trouverez ces travaux développés sur le site du Grenelle de l'Environnement : http://www.legrenelle-environnement.gouv.fr/grenelle-environnement/spip.php?article991. Je vous remercie.
QUESTIONS/DÉBAT
Daniel RAOUL
Merci. C'est la dernière remarque que vous venez de faire qui me fait rebondir : l'Office n'a pas non plus vocation à se transformer en comité d'experts, mais simplement d'alimenter en informations nos collègues du Parlement avec l'état des connaissances au moment où les rapports sont rédigés. Je vous remercie.
Il y a à cet instant du programme un petit espace, une fenêtre de tir, pour des questions. Alors, j'en ai déjà une concernant d'abord les besoins - je suis déformé professionnellement par des démarches pédagogiques. Pourquoi une ligne 400 000 volts par rapport à une de 90 000, à quels besoins ça correspond ? Je parle là en termes de transport simplement. Et quels sont les besoins en termes d'aménagement du territoire et de desserte de nos concitoyens ?
Hervé LAFFAYE, Directeur général adjoint et membre du directoire de RTE
Merci Monsieur le Président. Alors, sur votre première question, historiquement, le choix des niveaux de tension, et notamment celui des 400 000, c'est un choix d'optimisation technico-économique. Pour faire des économies dans les constructions des infrastructures, et on le voit dans tous les pays, il y a un étagement dans les différents niveaux de tension qui dépend de la quantité d'énergie que l'on veut pouvoir transporter.
J'ajoute qu'en termes d'encombrement du paysage, si élever la tension élève les pylônes, puisqu'il faut s'éloigner de cette tension pour s'en protéger, en revanche ça diminue l'emprise au sol. Puisque pour donner des ordres de grandeur, si on voulait avoir la même fonction avec de la Haute Tension, il faudrait multiplier le nombre de lignes parfois jusqu'à dix. Donc, on voit bien qu'en termes d'occupation du territoire, ce serait très différent.
Pour en revenir à votre deuxième question, nous avons besoin d'artères avec des fortes puissances de façon à sécuriser certaines régions françaises. La Bretagne, par exemple, est une région fragile du point de vue de l'alimentation électrique. Donc, quand il y a des zones qui sont, pour des raisons que je ne commente pas ici, importatrices d'électricité, il est très important que le lien qui les raccorde au reste du réseau soit très fort. Donc, c'est aussi le choix qui conditionne les lignes 400 000 volts.
Daniel RAOUL
Merci. Mon collègue Gatignol aura une question, mais il y a un problème de perte en ligne qui est diminué quand on monte en tension.
Claude GATIGNOL
Le Président Raoul a évoqué les 400 000 volts qui sont la règle, à peu près, du transport en France. En comparaison avec d'autres pays, certains utilisent 700 000 volts. Quelle est votre position ? Est-ce que c'est un choix, là aussi, technique ? Que peut-on en dire dans ce comparatif ?
Hervé LAFFAYE
Aujourd'hui, au moins en Europe mais à peu près partout dans le monde, le réseau qui structure le transport d'électricité est en général à 400 000 volts. Quand on dit 400 000, la norme c'est 380 000, mais bon : 400 000 volts. Si je prends l'Europe, vous allez trouver quelques exemples de lignes à 700 000 volts et, dans le monde, quelques exemples de lignes à un million de volts. Ils sont très marginaux et correspondent à des situations particulières où vous avez de la production très distante du lieu de consommation. Je pense au Québec ou au Brésil en particulier. Et en Europe, les exemples sont à prendre dans les pays satellites qui avaient leurs lignes raccordées à l'ex-URSS. Ça reste marginal et, donc partout dans le monde, c'est le réseau 400 kilovolts qui fait le maillage principal.
Pour compléter ma réponse à propos de votre question sur les pertes Monsieur Raoul, effectivement, pour donner un ordre de grandeur : si on devait passer tout de la Très Haute Tension à la Haute Tension, on doublerait les pertes.
Daniel RAOUL
Y a t-il dans la salle une ou deux questions ?
Jean-Claude ETIENNE
Peut-être une question à Monsieur Le Bouler. A propos des 200 mètres à respecter de part et d'autre d'une ligne à Très Haute Tension, C'est très parlant pour le public, ça lui dit quelque chose. La question a été posée et vous vous en êtes - je vais dire - quelque peu dégagé. Qu'est-ce qui vous a permis de vous retirer sur la pointe des pieds face à cette question très concrète, très pratique qui a toujours cours dans l'opinion publique ? Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ça s'est ainsi passé au COMOP 19 ? Pouvez-vous nous le rappeler ?
Stéphane LE BOULER
Comme je vous l'ai dit, ce n'est pas une façon nouvelle de me défausser. Cette question des 200 mètres n'était pas une question issue spécifiquement du Grenelle. Donc, elle n'était pas dans notre périmètre de questionnement à l'origine. Elle est arrivée de façon incidente dans nos travaux. Et on l'a prise en charge au même titre que les autres questions qui nous étaient confiées. Et on a développé la mise en scène de l'expertise sur ces questions des lignes à Très Haute Tension au même titre que la téléphonie mobile ou les nanomatériaux.
Mais, cette proposition n'avait pas de soutien excessivement fort au sein du groupe constitué dans notre Comité opérationnel. Et au même titre que l'on a eu à travailler, voire à récuser un certain nombre de propositions sur les nanomatériaux et sur la téléphonie mobile qui ne nous paraissaient pas, en termes de santé publique, directement efficace ou efficiente, on a récusé cette proposition-là en entourant ce refus d'un certain nombre d'objectifs qui nous paraissaient devoir être privilégiés par rapport à cet objectif consistant à mettre une limitation supplémentaire dans le Code de l'Urbanisme.
Donc, d'un strict point de vue de santé publique, il nous paraissait préférable de développer les recherches pour consolider les connaissances dont on dispose et aussi, parce qu'en termes économiques ou juridiques, il y avait à traiter le cas de l'ensemble des constructions existantes par rapport à cette limitation autour d'un périmètre de 200 mètres. Entre autres questions : que faire concrètement de l'ensemble des constructions dans cette tranche des 200 mètres ? Comment traiter ces questions-là ? Comment affronter le contentieux qui se développerait en la matière ? C'était simplement cela le but du Comité opérationnel et son propos était exclusivement de chercher les méthodes les plus directement opérationnelles, opératoires et de ne pas s'embarquer - si vous me permettez l'expression - dans les dispositifs législatifs ou réglementaires sinon coûteux du moins insuffisamment efficients en termes de santé publique.
Daniel RAOUL
Y a t-il dans l'assemblée, autour de cette table ou dans la salle une autre question ?
M. Jean-Claude BOSSARD, maire du Chefresne (Manche), Coordination interrégionale « Stop THT »
Bonjour. Je suis le maire d'une petite commune de la Manche impactée par le projet Cotentin-Maine et déjà voisin d'une ligne de 400 000 volts et d'une autre de 90 000 volts. J'entends parler d'irrationnel concernant les problèmes à proximité des lignes THT. Écoutez, nous, depuis trente ans, nous avons une ligne 400 000 volts et je peux témoigner que les problèmes existent réellement.
Je ne suis pas expert, mais je peux vous dire que dans les fermes, dans les habitations, on a vu des gens déménager à cause de ces problèmes-là. Alors, quelles sont leurs origines ? C'est aux experts de le dire. Moi, je crois que le transport d'électricité doit se faire. Nous ne sommes pas contre. Mais il doit se faire dans des conditions qui respectent les riverains. Je ne vois pas de quel droit on peut sacrifier une partie de la population pour, c'est vrai, une nécessité qui est d'électrifier toute la France. Mais on a aujourd'hui la Charte de l'Environnement, Article 1 : « chacun a le droit de vivre dans un environnement sain et équilibré et respectueux de la santé » y compris les riverains des lignes THT. Enfin, c'est ce que je pense.
Et il y a de quoi s'interroger et s'énerver quand on voit la méthode concernant le Comité de pilotage du pacte ou alors que la déclaration d'Utilité Publique du projet n'est pas faite, et que l'on commence déjà à mettre en place ces Comités de pilotage pour distribuer des sommes d'argent pour mieux faire accepter les projets et mieux faire oublier les problèmes que cela génère.
Daniel RAOUL
Je vous remercie Monsieur le Maire. Ce n'était pas une question, c'était une déclaration. Dont acte.
Vous évoquez les experts. Eh bien justement, ça va nous fournir une transition toute faite, Monsieur le Maire, et nous allons demander au Docteur Bontoux de nous faire part de ses connaissances.