N° 1556 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 TREIZIÈME LÉGISLATURE |
N° 307 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009 |
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale |
Annexe au procès-verbal de la séance |
le 30 mars 2009 |
du 31 mars 2009 |
OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
RAPPORT
sur
les lignes à haute et très haute tension : quels impacts sur la santé et l' environnement ? (compte rendu de l'audition publique du 29 janvier 2009),
Par M. Daniel RAOUL,
Sénateur.
Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale par M. Claude BIRRAUX Président de l'Office. |
Déposé sur le Bureau du Sénat par M. Jean-Claude ETIENNE Premier Vice-Président de l'Office . |
Composition de l'Office parlementaire d'évaluation
des choix scientifiques et technologiques
Président
M. Claude BIRRAUX
Premier Vice-Président
M. Jean-Claude ETIENNE
Vice-Présidents
M. Claude GATIGNOL, député |
Mme Brigitte BOUT, sénateur |
M. Pierre LASBORDES, député |
M. Christian GAUDIN, sénateur |
M. Jean-Yves LE DÉAUT, député |
M. Daniel RAOUL, sénateur |
Députés |
Sénateurs |
M. Christian BATAILLE |
M. Gilbert BARBIER |
M. Jean-Pierre BRARD |
M. Paul BLANC |
M. Alain CLAEYS |
Mme Marie-Christine BLANDIN |
M. Pierre COHEN |
M. Marcel-Pierre CLÉACH |
M. Jean-Pierre DOOR |
M. Roland COURTEAU |
Mme Geneviève FIORASO |
M. Marc DAUNIS |
M. Alain GEST |
M. Marcel DENEUX |
M. François GOULARD |
M. Serge LAGAUCHE |
M. Christian KERT |
M. Jean-Marc PASTOR |
M. Michel LEJEUNE |
M. Xavier PINTAT |
M. Claude LETEURTRE |
Mme Catherine PROCACCIA |
Mme Bérengère POLETTI |
M. Ivan RENAR |
M. Jean-Louis TOURAINE |
M. Bruno SIDO |
M. Jean-Sébastien VIALATTE |
M. Alain VASSELLE |
Les lignes à Haute et Très Haute Tension :
quels impacts sur la santé et l'environnement ?
Daniel RAOUL
Je vais d'abord laisser la parole à Monsieur Etienne, Premier Vice-président de l'Office qui va vous faire une petite introduction.
INTRODUCTION
Jean-Claude ETIENNE, Premier Vice-président de l'OPECST
Rassurez-vous, cette introduction va être très courte. Il s'agit de vous remercier, d'abord, toutes et tous, de votre présence. L'Office parlementaire, comme vous le savez, est heureux de vous recevoir à l'occasion de cette étude de faisabilité de notre collègue Daniel Raoul. Je voulais simplement vous rappeler que ce qui se passe dans cet Office est une manière assez nouvelle - tout au moins originale et singulière en Europe - de faire de la politique à partir du relevé de terrain en matière de connaissances scientifiques ou de connaissances tout court.
De quoi s'agit-il ? Nous pouvons être saisis, par un organe parlementaire, de tel ou tel problème. Et c'est ainsi que celui autour duquel nous nous retrouvons, ici-même, avec Claude Gatignol entre autre, Vice-président également de l'Office, porte sur un sujet qui a cours dans l'opinion publique. Souvent, nous sommes saisis de questions de cet ordre où il y a une résonnance dans l'opinion publique, ce qui fait que les élus entendent autour d'eux et reçoivent un certain nombre de messages porteurs d'inquiétude : à savoir si telle ou telle avancée scientifique, ou non scientifique d'ailleurs, pourrait être nuisible aux citoyens que nous sommes, à la santé des hommes d'une manière générale ?
C'est ainsi que Daniel Raoul s'est déjà, dans un passé récent, intéressé à la téléphonie mobile et ses influences sur la santé. C'est aussi dans cet esprit qu'il s'est intéressé à la question plus technique, plus scientifique des nanotechnologies, ou les avancées médicales. Et vous voyez que ce non médecin, brillant physicien universitaire qui a créé l'ISTIA à Angers, a eu le soin de s'impliquer pour répondre aux questions qui nous valent d'être saisis.
Dans le cas particulier qui nous vaut de nous retrouver aujourd'hui, cette affaire des Hautes et Très Hautes Tensions a cours dans l'opinion publique. Et j'en voudrais pour preuve, encore, avant-hier, cette dépêche de l'AFP : « vivre près d'une ligne à Très Haute Tension nuit à la santé, selon une étude ». Et d'ailleurs, ceux qui ont assuré cette étude nous font l'honneur d'être présents parmi nous, ce matin, et je les en remercie tout singulièrement.
Cela veut dire que dans l'opinion publique, à partir d'un certain nombre d'éléments d'informations que les médias diffusent - et ils ont raison de le faire - peuvent germer dans nos idéations, dans l'idéation du citoyen tout-venant, un certain nombre d'appréhensions qui peuvent, quelque part, interférer avec son propre comportement et sa vie tout court.
Pour ma part, avec Claude Gatignol, nous sommes actuellement sur un projet de rapport sur les pesticides et leur place à moyen terme : comment trouver exactement là où il y a des risques et là où il n'y en a pas ? C'est une étude rigoureuse et scientifique qui doit permettre de répondre à cette question. Au niveau de l'Office parlementaire, nous entendons développer cette approche moderne - puisque nous sommes les seuls en Europe à véritablement le faire - c'est-à-dire l'Office parlementaire qui comporte moitié des sénateurs, moitié des députés, très exactement dix-huit de chacune des deux assemblées, dans une proportion représentative des groupes politiques tant à l'Assemblée qu'au Sénat. Il nous arrive, ici, très souvent, d'être saisis pour que nous puissions contribuer à identifier ce qui est, quelque part, l'idée frelatée que l'on peut avoir d'une réalité pourtant tout à fait mesurable et appréciable. Mais pas toujours mesurée et appréciée ! Et la notion de mesure du relevé de terrain, quantifiée pour présider au développement de l'analyse, constitue un des outils premiers dont l'Office parlementaire entend se saisir. Et pour mesurer la différence entre la réalité et l'idée que l'esprit humain pense en faire, nous sommes prêts au niveau de l'Office à apporter notre modeste contribution. C'est pour ça que je remercie Daniel Raoul d'avoir organisé cette audition publique d'aujourd'hui qui sur ce chemin difficile et déjà embrumé par un certain nombre de pré-requis, va, je crois, aider tout le monde à y voir plus clair. En tout cas, merci de votre présence. J'ai déjà trop parlé. Maintenant je ne dis plus un mot. C'est à toi, Daniel, d'intervenir.
Daniel RAOUL, Vice-président de l'OPECST, Rapporteur
Merci Monsieur le Premier Vice-président de l'Office. Je salue la présence de Claude Gatignol à mes côtés, ce qui prouve l'intérêt de mes collègues vis-à-vis du sujet qui va nous occuper, ce matin. Je voudrais remercier et souhaiter la bienvenue dans les locaux de l'Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Technologiques, à vous tous, ici présents, malgré les problèmes éventuellement rencontrés aujourd'hui en raison d'une grève en particulier dans les transports.
Je voudrais tout spécialement remercier les intervenants de ce matin qui ont réussi à se rendre disponibles, malgré la difficulté que j'évoquais. J'y vois le grand souci que vous avez d'informer le Parlement des derniers développements scientifiques et de lui apporter toute l'information dont il a besoin pour se prononcer sur les choix du pays.
Pour les personnes du public, je vois aussi dans votre présence nombreuse le grand intérêt de la question qui nous réunit ce matin et la volonté d'en savoir plus, réellement.
Il me revient d'excuser l'absence de Monsieur Claude Birraux qui est notre Président, député de Savoie, et qui a eu quelques problèmes concernant un de ses trains. J'excuse parmi les intervenants le Docteur Robert Baan, du CIRC qui est basé à Lyon, et dont les trains ont été annulés.
Je voudrais maintenant vous présenter et compléter l'introduction de mon collègue le Professeur Etienne, sur la démarche de l'OPECST. Comme il vous l'a dit, l'OPECST est un organe commun du Parlement, Assemblée nationale et Sénat, qui rassemble à parité députés et sénateurs issus de chaque assemblée. Sa mission est d'informer le Parlement sur les grands choix scientifiques et technologiques qui sont déterminants pour l'avenir de notre société moderne. Que ce soit dans le domaine de l'énergie, des transports, des progrès de la médecine - ce que tu as évoqué tout à l'heure - ou le réchauffement climatique... Je ne suis pas exhaustif dans les sujets abordés par l'Office.
Comme il n'y a pas d'auto-saisine de l'Office par lui-même, c'est donc sur une saisine d'un organe du Parlement que l'Office décide d'étudier une question. Quand je dis « un organe du Parlement » ça peut être une Commission permanente de l'Assemblée ou du Sénat, d'un groupe politique ou du Bureau de l'Assemblée ou du Sénat. En l'occurrence, en ce qui nous concerne, la Commission des Affaires économiques du Sénat a décidé de saisir l'OPECST sur l'impact potentiel sur la santé et l'environnement, des champs électromagnétiques produits par les lignes à Haute et Très Haute Tension afin que, je cite la saisine : « l'Office puisse se saisir pleinement de cette question dont les enjeux pour la santé humaine sont fondamentaux, afin de les étudier avec toute la rigueur scientifique nécessaire ». Parallèlement à cette saisine, l'Office a également reçu la mission - mais cette fois-ci du Bureau de l'Assemblée nationale - d'étudier les éventuelles conséquences sur la santé de la téléphonie mobile. C'est une suite au rapport que j'avais fait, il y a quelques années, sur les antennes relais et la santé. C'est mon collègue Alain Gest, député, qui a été nommé rapporteur de cette étude.
Vous voyez donc que l'Office s'intéresse à la question des champs électromagnétiques et a choisi de séparer et de sérier les différentes questions pour mieux identifier les difficultés éventuelles et faire progresser le débat.
En ce qui concerne les lignes à Très Haute Tension, j'ai été nommé rapporteur par notre Office. Dans la phase préliminaire de mon travail, je dois dans les prochaines semaines présenter un premier rapport d'étape qu'on appelle dans notre jargon, « une étude de faisabilité » qui sera examinée collégialement par les membres de l'Office. Cette étude de faisabilité a pour but de dresser un premier état des lieux, et donc, cette séance de ce matin doit lui fournir le maximum d'éléments pour en définir exactement la problématique. L'Office décidera, ou non, de poursuivre le travail et de publier un rapport complet sur la question.
Je tiendrai également compte du fait que, conformément à l'engagement qu'elle a pris devant le Parlement, Madame Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé, a saisi l'AFSSET de cette question, mais sur un spectre bien plus large, celui qui concerne l'environnement électromagnétique dans sa globalité. C'est un rapport que l'AFSSET devrait rendre avant la fin de l'année 2009.
Dans le cadre de cette démarche, j'ai souhaité organiser cette audition publique pour réunir les principaux experts de la question et faire le point. Je les remercie encore d'être présents. L'objectif c'est donc de faire un tour d'horizon de ce que l'on sait, de ce que l'on ne sait pas, et de cerner les zones d'incertitude à propos de l'impact potentiel des champs électromagnétiques sur la santé humaine, sur l'environnement, sur le paysage et sur la santé animale.
Au démarrage de cette étude, j'ai un oeil totalement neuf et neutre, malgré mon passé de physicien, personne n'est parfait. Je souhaite donc entendre tous les avis, toutes les expertises dans les différents domaines.
J'ai aussi voulu que ce travail parlementaire soit entièrement public. J'estime que sur un sujet qui suscite interrogation et parfois inquiétude de la part d'un très large public - à commencer par tous nos concitoyens qui passent, travaillent, vivent à côté des lignes à Très Haute Tension - il est absolument nécessaire d'être transparents et de permettre à chacun d'accéder à l'information la plus sérieuse et la plus complète possible.
C'est pourquoi l'audition a été structurée de telle sorte à faire le point sur le débat public français sur cette question, sur l'expertise nationale et internationale disponibles, sur les études en cours ou très récemment publiées et de réserver, bien sûr, un temps particulier à l'impact potentiel sur les animaux.
Pour cette audition et afin que chacun puisse s'exprimer et disposer du temps nécessaire pour échanger, je vous demande de respecter, strictement, le temps de parole, c'est-à-dire dix minutes par intervention ! Je sais que c'est un exercice difficile à la fois pour les experts, mais aussi pour les passionnés, et qu'il est très difficile de tout dire en dix minutes. Mais si on veut que tout le monde puisse participer, je crois qu'il faut qu'il y ait un espace d'échanges entre vos interventions. C'est absolument nécessaire ! Vous disposez du programme qui est très strict au niveau des horaires. Il m'appartient donc de conduire les débats et d'attribuer la parole aux intervenants et à la salle, éventuellement.
Cette audition fera l'objet d'un compte-rendu intégral qui sera publié. De même que seront rendues consultables sur le site Internet, les présentations qui vont être faites ce matin. Donc, je le dis : mesurez bien vos paroles, soyez clairs !
Je passe tout de suite la parole au premier intervenant, Monsieur Dominique Maillard, Président de RTE, qui est quelque peu concerné par le sujet.