d) Le cas particulier des questions de défense
Les questions de défense relèvent au sein des traités d'un régime très spécifique, lié à des divergences d'approche entre les États membres.
• A l'heure actuelle, le recours aux « coopérations renforcées » au sens strict est explicitement exclu pour les questions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense (article 27 B du traité sur l'Union européenne (TUE)).
Cependant, le TUE lui-même introduit des formes de différenciation entre les États membres , puisque son article 17 (paragraphe 1) précise que la politique de l'Union « n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres », qu'elle « respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) » , et qu'elle est « compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre ».
En outre, le même article (paragraphe 4) reconnaît la possibilité « d'une coopération plus étroite entre deux ou plusieurs États membres au niveau bilatéral, dans le cadre de l'Union de l'Europe occidentale (UEO) et de l'OTAN », dans la mesure où elle n'entre pas en contradiction avec la politique menée par l'Union.
Enfin, il convient de rappeler que le Danemark bénéficie d'une dérogation permanente en matière de défense.
On peut considérer ainsi que le TUE reconnaît l'existence de coopérations spécialisées en matière de défense, celles qui résultent de l'appartenance à l'OTAN ou à l'UEO.
Par ailleurs, les « coopérations plus étroites » mentionnées par l'article 17, paragraphe 4, sont une réalité déjà ancienne, bien que ponctuelle.
Il en est ainsi de la constitution de groupes multinationaux d'intervention comme l'« Eurocorps », créé en 1992, réunissant des forces fournies par l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la France et le Luxembourg, l'« Eurofor » constitué en 1995 entre l'Espagne, la France, l'Italie et le Portugal, l'« Euromarfor » (constitué entre les mêmes États pour les forces maritimes), et le « groupe aérien européen » (constitué entre l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la France, l'Italie, le Royaume-Uni).
Il en est également ainsi des initiatives prises pour la coopération en matière d'armements : Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) créée en 1998, qui regroupe l'Allemagne, la Belgique, la France, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni ; accord-cadre dit « Lettre d'intention » signé en 2000 qui réunit l'Allemagne, la France, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni et la Suède.
• La mise en oeuvre de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) fait intervenir également une différenciation entre les États membres.
Certes, à la base, le lancement d'une opération suppose une décision du Conseil à l'unanimité. Mais l'exigence d'unanimité n'exclut pas toute souplesse. D'une part, les abstentions n'empêchent pas l'unanimité. D'autre part, un État peut assortir son abstention d'une « déclaration formelle » : dans ce cas, il n'est pas tenu d'appliquer la décision, mais il accepte qu'elle engage l'Union.
La planification des opérations lancées sur la base de ces décisions relève du Comité politique et de sécurité (COPS), mis en place par le traité de Nice. Mais la mise en oeuvre repose, au cas par cas, sur des forces fournies par certains États - forces de réaction rapide multinationales, groupements tactiques nationaux ou multinationaux - agissant sous l'égide d'un État ou d'un groupement d'États désigné par le Conseil à sa demande (formule dite de la « nation cadre »).
Le financement des opérations repose également en très large part sur les États membres participants. A la différence des opérations civiles de gestion de crise, les opérations « ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense » ne peuvent en effet être à la charge du budget communautaire. Un mécanisme dénommé « Athéna » a été mis en place en 2004 pour mutualiser les « coûts communs » en les partageant entre les États membres en fonction de leur PNB ; mais ces coûts communs sont constitués de dépenses d'administration et de gestion qui représentent une faible partie du coût d'une opération. Le reste des dépenses est financé par les États membres participants, chacun assumant ses dépenses.