2. Une politique nationale relayée et portée par les collectivités territoriales
La « territorialisation » de la politique des enseignements artistiques, qui aboutit à un maillage dense des établissements, notamment dans le domaine de l'enseignement musical, résulte d'une volonté politique forte de l'Etat. Toutefois, cette politique nationale a été relayée par les collectivités territoriales, principalement les communes, et portée grâce à leurs financements. Il en résulte un héritage riche, mais empreint d'une certaine opacité quant aux responsabilités des différentes collectivités publiques.
a) De l'affirmation d'une volonté politique nationale en faveur du développement des enseignements artistiques...
• Sous l'
impulsion donnée en 1967 par
M. André Malraux
, alors ministre des affaires culturelles,
et son directeur de la musique, M. Marcel Landowski,
notre
réseau territorial des établissements
d'enseignement artistique
s'est considérablement
développé
au point de devenir, de l'avis de nombre de
personnes auditionnées par votre rapporteur - du moins pour la
musique -,
sans équivalent en Europe
.
Le « Plan de dix ans en faveur de l'enseignement musical » , dit « Plan Landowski » , a accompagné le mouvement de décentralisation culturelle et de démocratisation de l'accès à la culture alors insufflé par ce ministère, supposant notamment la multiplication des orchestres en province et le développement de la formation des amateurs.
Cette forte volonté politique de l'État en faveur d'une politique nationale d'enseignement s'est appuyée , certes, sur les structures municipales existantes, essentiellement financées par les villes. Toutefois, l'Etat disposait alors « des moyens de ses ambitions », avec des subventions incitatives d'un niveau conséquent : tout au long du plan décennal, puis jusqu'au milieu des années 1980, la participation financière de l'État progresse , passant ainsi de 12 à 20 % du budget des établissements.
• Le réseau d'écoles
contrôlées par l'État, mais gérées et
financées essentiellement par les collectivités territoriales et
notamment les communes, s'articule désormais en
quatre
niveaux
:
- un niveau supplémentaire est créé, celui des écoles agréées ;
- les écoles nationales de musique, danse et art dramatique (ENMDAD), proposant un ensemble de disciplines cohérentes et pouvant mener, pour certaines, jusqu'à la préprofessionnalisation ; le Plan en prévoyait une par département ;
- les conservatoires nationaux de région (CNR), devant dispenser l'ensemble des disciplines musicales classiques, la danse et le théâtre, de l'initiation jusqu'à la formation préprofessionnelle et nouer des partenariats avec les établissements scolaires afin de proposer aux élèves aptes et motivés un dispositif de classes à horaires aménagées jusqu'au baccalauréat ; il en était prévu un par région ;
- enfin, les conservatoires nationaux supérieurs à vocation professionnelle ; le Plan décennal prévoyait la création d'un réseau de 6 à 9 établissements, qui n'ont finalement pas vu le jour ; en dehors du CNSM de Paris, seul un autre Conservatoire national supérieur de musique et de danse sera créé à Lyon en 1980.
Ces établissements bénéficient d'un financement du ministère de la culture, en contrepartie du contrôle que celui-ci exerce sur leurs activités et leur organisation pédagogique.
• Le Plan décennal tend, en outre, à
renforcer la qualité des enseignements délivrés dans ces
écoles classées, en vue d'assurer une certaine
homogénéité sur l'ensemble du territoire. Cela passe
notamment par la
consolidation de la qualification des
enseignants
, avec la création d'un certificat d'aptitude.
b) ...à une décentralisation imparfaite ?
• Les premières lois de
décentralisation évoquent de façon relativement
brève la question des enseignements artistiques.
Ainsi, l'article 63 de la loi du 22 juillet 1983 1 ( * ) confirme l'existant, en rappelant que « les établissements d'enseignement public de la musique, de la danse et de l'art dramatique relèvent de l'initiative et de la responsabilité des communes, des départements et des régions » 2 ( * ) , sans néanmoins préciser la répartition des compétences entre ces différents niveaux de collectivités.
Notons qu'en 1984, les initiatives des départements en matière d'enseignement spécialisé sont concrétisées avec la création d'un réseau d'écoles de musique départementales.
La loi prévoit, toutefois, que certains établissements, dont la liste est fixée par décret, continuent de relever de la responsabilité de l'État et restent à sa charge. Celui-ci conserve par ailleurs les prérogatives suivantes :
- il procède, en accord avec chaque collectivité concernée, au classement des établissements ;
- il définit les qualifications exigées du personnel enseignant ;
- il assure le contrôle des activités et du fonctionnement pédagogique des établissements.
Enfin, en dépit de ces transferts, « les collectivités locales continuent de bénéficier des concours financiers de l'État dans les conditions en vigueur à la date du transfert de compétences » , c'est-à-dire via sa participation au financement de certains établissements classés : les conservatoires nationaux de région et les écoles nationales de musique, de danse et d'art dramatique.
La participation de l'État peut alors être fortement incitative, couvrant parfois jusqu'à 15 % des dépenses de fonctionnement des établissements.
• Parallèlement à cette loi de
décentralisation, l'État, dans une
série de textes
réglementaires
, s'attache à
structurer le
réseau d'enseignement spécialisé
, en
édictant notamment des cadres pédagogiques et exigences de
qualification des enseignants. Les établissements sont incités
à s'ouvrir peu à peu à de nouvelles esthétiques
musicales, comme les musiques traditionnelles ou le jazz. On assiste en
parallèle à un développement de l'enseignement de la
danse, et notamment à un essor de la danse contemporaine.
Les principales réformes, qui se succèdent à partir de 1983, sont retracées dans l'encadré ci-après.
LA STRUCTURATION PAR L'ÉTAT
- Publication du premier Schéma directeur des études musicales , qui vise à harmoniser les pratiques sur le territoire et à inciter à la modernisation des pratiques pédagogiques (structuration des cursus en cycles et des établissements en départements, instauration du contrôle continu, développement des enseignements de jazz ou musiques anciennes...). - Création du diplôme d'État (DE) pour les professeurs de musique. - Création, au sein des universités, des Centres de formation de musiciens intervenants (CFMI) ; il en existe neuf actuellement ; ces formations débouchent sur la délivrance du Diplôme universitaire de musicien intervenant (DUMI) ; ces « dumistes » interviennent dans les écoles maternelles et élémentaires, les écoles de musique ou associations, dans le cadre de projets pédagogiques autour de la musique ou d'actions de diffusion musicale en direction du jeune public ;
- Création des statuts de la filière culturelle de la fonction publique territoriale, consécutifs à la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; ces statuts comprennent les métiers de l'enseignement artistique (directeurs d'établissement, professeurs, assistants et assistants spécialisés d'enseignement...). - Nouveau Schéma d'orientation pédagogique, qui substitue aux « Médailles d'or », à partir de 1992, les Diplômes d'études musicales (DEM) ou chorégraphiques (DEC).
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Dans le même temps, toutefois, on assiste à une réduction de la participation financière de l'État aux établissements, qui ne sera guère compensée par la mise en place - éphémère - d'un « Fonds d'innovation pédagogique » (FIP), destiné à aider les collectivités territoriales à créer de nouvelles disciplines fléchées (musique ancienne ou traditionnelle, jazz, musiciens intervenants, danse, chant choral...).
Néanmoins, la dénomination des établissements entretient une certaine confusion : ainsi, un « conservatoire national de région » n'est ni national, ni de région, mais, dans la grande majorité des cas, un établissement communal.
* 1 Loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État.
* 2 Article 63 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 précitée, codifié à l'article L. 216-2 du Code de l'éducation.