SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS

I. Définir une méthodologie pour sortir de l'impasse


• Un préalable : réaffirmer la nécessité d'un consensus national autour du caractère prioritaire des enseignements artistiques en France

1. Sensibiliser l'ensemble des acteurs éducatifs et culturels, mais aussi les élus locaux , à l'importance de cet enjeu pour leur territoire, en termes d'aménagement et de développement culturels ainsi que de cohésion sociale ;

2. Favoriser le recrutement de personnels compétents chargés de ces missions dans les départements et régions.


• Une urgence pour l'Etat : clarifier et conforter le volet financier de la réforme

3. Prendre acte de la nécessité de desserrer la contrainte calendaire , en prorogeant le système actuel d'au moins un an, tout en sécurisant clairement l'enveloppe financière des crédits à transférer ;

4. Parvenir à une évaluation partagée du coût de mise en oeuvre de la réforme par les régions, en définissant une fourchette de coût du CEPI par élève ;

5. Définir , sur la base de critères transparents, une clé de répartition des crédits à transférer entre départements et régions ;

6. Obtenir de l'Etat un « coup de pouce », y compris budgétaire, en vue d'une application plus sereine, efficace et équitable de la réforme.


• Une nécessité : répartir plus équitablement les charges pesant sur les communes

7. Poursuivre la structuration intercommunale des enseignements artistiques : en faire l'échelle de référence pour tout nouvel équipement et un moyen d'harmonisation et de mutualisation des pratiques et des enseignements ; réaffirmer le rôle incitatif des conseils généraux dans le cadre des schémas (systèmes tels qu'une « prime à l'intercommunalité » pour les aides aux écoles « ressources »...) ;

8. Diversifier les sources de financement des établissements (mécénat, partenariats privés ou transfrontaliers...).


• Une priorité : consolider la gouvernance des enseignements artistiques

9. Repositionner l'Etat sur ses missions de pilotage et d'accompagnement , en prenant mieux en compte la dimension interministérielle : renforcer notamment le partenariat avec le ministère de l'éducation nationale, pour consolider le système des « dumistes » ou les classes à horaires aménagés ;

10. Reconnaître , sous certaines conditions, un rôle de « chef de file » à la région , dans un souci d'aménagement concerté du territoire et de valorisation des complémentarités locales ;

11. Organiser la concertation , au niveau territorial, entre les élus et les acteurs des différents niveaux de collectivités dans le cadre de « commissions de coordination régionale » .

II. Mettre en oeuvre la réforme avec pragmatisme


• Assurer une mise en oeuvre progressive et consensuelle de la réforme

12. Assouplir certains critères de classement des établissements, dans le sens d'une plus grande mutualisation des moyens d'enseignement.

13. « Expérimenter » la réforme dans les régions le souhaitant, tout en étudiant, dans le cadre du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, l'opportunité d'une légère adaptation consensuelle de la loi de 2004.


• Promouvoir une adaptation du cadre juridique et financier des établissements d'enseignement artistique

14. Encourager la création d'EPCC « à géométrie variable » (établissement public de coopération culturelle) pour concrétiser la concertation entre les différents niveaux de collectivités et en vue de développer une logique de réseau entre établissements.

III. Consolider la rénovation des enseignements artistiques


• Accompagner les évolutions des missions des établissements d'enseignement artistique

15. Répondre au défi de la démocratisation : réaffirmer les missions des conservatoires, de l'éveil artistique à la préprofessionnalisation, en insistant sur l'importance des pratiques collectives et amateurs ; démystifier l'accès aux enseignements artistiques, dans le cadre de campagnes « Osez le conservatoire ! » ;

16. Vers un conservatoire « pôle ressource » pour un territoire de référence : ouvrir les établissements sur la Cité en les plaçant au coeur de partenariats multiples (dans un réseau d'établissements spécialisés, avec les structures associatives telles que les Maisons des Jeunes et de la Culture (MJC), les lieux de diffusion du spectacle vivant, les établissements scolaires...) ;

17. Adapter la formation initiale et continue des directeurs d'établissement à ces mutations, en prenant acte des nécessaires compétences managériales qu'elles supposent, et mieux reconnaître le rôle clé de ces personnels par une revalorisation de leur statut.


• Préciser les finalités des formations professionnelles artistiques

18. Clarifier les objectifs et la vocation des CEPI (cycles d'enseignement professionnel initial) et informer les élèves sur les débouchés possibles ;

19. Développer , aux niveaux régional (par exemple en prenant appui sur les commissions régionales des professions du spectacle (COREPS)) et national, des outils statistiques de suivi du parcours des diplômés et d'analyse des débouchés professionnels ;

20. Assurer la continuité et la cohérence des parcours vers l'enseignement supérieur , dans le cadre des futurs « pôles » en région. En outre, le ministère devra clarifier rapidement le paysage de l'enseignement supérieur artistique et informer les acteurs des critères retenus pour l'examen des dossiers.

I. L'ACTE II DE LA DÉCENTRALISATION : UNE NOUVELLE ÉTAPE DANS L'ORGANISATION TERRITORIALE DES ENSEIGNEMENTS ARTISTIQUES EN FRANCE

La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales marque une nouvelle étape dans l'organisation de notre système d'enseignement spécialisé de la musique, de la danse et du théâtre.

Un rappel, au préalable, du contexte historique dans lequel s'inscrit cette réforme est utile pour en comprendre les enjeux.

A. DU VOLONTARISME DE L'ÉTAT AUX INITIATIVES LOCALES : UN HÉRITAGE RICHE MAIS AMBIGU

1. Les principes fondateurs : centralisme, hiérarchie et unité d'enseignement


• La création , en 1795 , du Conservatoire de Paris est souvent présentée comme l'acte fondateur de la structuration de notre système d'enseignement public de la musique, de la danse et du théâtre.

Jusqu'à leur fermeture en 1792, l'enseignement de la musique était assuré par des établissements religieux, quelques centaines de maîtrises notamment, répartis sur l'ensemble du territoire et financés par l'Église.

La nouvelle institution nationale, issue de la réunion de l'École Royale de chant, de l'École Royale dramatique et de l'Institut national de musique, est quant à elle au service de la République : l'objectif premier est, en effet, de former les musiciens pour les orchestres militaires , la musique étant considérée comme susceptible de développer le sentiment patriotique.

Le Conservatoire devient quasiment la seule école ayant la mission d'assurer l'enseignement de la musique pour l'ensemble du territoire. Elle est contrôlée et intégralement financée par l'État. Cette situation de centralisme extrême , qui le place au sommet d'une pyramide sans base , rend néanmoins illusoire toute ambition égalitaire. Le Conservatoire ne suffit plus, de surcroît, à former les « belles voix » des scènes parisiennes.


• C'est pourquoi, alors que se constitue, par ailleurs, dès le début du 19 e siècle, un réseau parallèle d'écoles de musique municipales ou privées, il apparaît nécessaire de fonder en province des lieux de formation permanente : entre 1826 et 1846, cinq écoles sont choisies pour devenir des « succursales » du Conservatoire national (Lille et Toulouse en 1826, Metz et Marseille en 1841, Nantes en 1846).

La mission de ces écoles est d'« alimenter » en talents, repérés en province, les classes du Conservatoire de Paris.

Ces établissements, souvent des écoles municipales, naissent de la volonté tantôt du Gouvernement, tantôt des villes elles-mêmes. Leur financement est partagé entre la municipalité et l'État, avec parfois le concours de ressources propres ou la participation du département pour la mise en place de bourses d'étude.


• Avec la loi des Communes du 5 avril 1884 , qui leur reconnaît une plus grande autonomie de gestion, le réseau territorial des établissements d'enseignement artistique se densifie : le nombre de « succursales » passe de 5 à 7 ; en outre, un niveau inférieur est créé, réunissant 18 écoles nationales en 1900 (dont 13 créées en 1884) ; 6 maîtrises sont également nationalisées.

En 1930, on compte 43 établissements, dont 23 succursales et 20 écoles nationales.


• Tout au long de cette période, les relations entre les établissements, bien souvent nés de l'initiative locale, et le Conservatoire de Paris sont marquées par une perpétuelle tension :

- d'un côté, les villes trouvent dans l'inscription au sein de ce système pyramidal, fortement hiérarchisé, un gage de reconnaissance locale ;

- de l'autre, si l'État cherche à exercer une certaine emprise sur les écoles placées sous son contrôle, en renforçant ses services d'inspection et en tentant d'imposer une unité des principes pédagogiques, la baisse constante des subventions qu'il accorde ne lui donne guère les moyens de garantir toute la cohérence de ce système pyramidal ; la part de plus en plus modeste du soutien financier de l'État permet aux établissements de s'affranchir de ces règles et de revendiquer une certaine autonomie.

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