2. Des personnes exclues du système d'intéressement
Par ailleurs, certaines personnes sont exclues du dispositif d'intéressement :
- soit parce qu'elles sont bénéficiaires de contrats aidés, pour lesquels l'intéressement est partiellement versé sous forme d'aide pour l'entreprise. Dans ce cas, les personnes bénéficiaires du RMI qui acceptent un CA ou un CI-RMA ne percevront pas plus d'argent qu'en restant au RMI ;
- soit parce qu'elles ne sont pas dans une situation de reprise d'activité après avoir cessé de travailler. Tel est le cas par exemple des bénéficiaires de minimum social qui exercent une activité à temps partiel : 14 % des allocataires du RMI sont actifs, et, parmi eux, 6 % ont exercé une activité professionnelle sans interruption pendant les dix-huit derniers mois 101 ( * ) .
L'ensemble de ces dysfonctionnements justifie bien évidemment une refonte globale du système de solidarité nationale, afin d'en simplifier l'organisation et le fonctionnement et d'en améliorer la lisibilité et l'accès pour les bénéficiaires. Le revenu de solidarité active (RSA), actuellement expérimenté dans une trentaine de départements, répond en partie aux critiques formulées précédemment et permet de surmonter la plupart des obstacles à la reprise d'emploi.
3. Les premiers enseignements de l'expérimentation du revenu de solidarité active
Le revenu de solidarité active (RSA) est l'aboutissement de la réflexion engagée en 2005 par la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté », présidée par M. Martin Hirsch 102 ( * ) .
a) Définition et objectifs du RSA
Calculé en fonction des revenus du travail, de la situation familiale et des autres ressources d'un ménage, le RSA consiste à cumuler durablement revenus du travail et de la solidarité, afin d'accroître le pouvoir d'achat des travailleurs pauvres et d'inciter au retour à l'activité les bénéficiaires des minima sociaux : il joue ainsi le rôle de revenu minimum pour les personnes n'ayant aucune activité et représente un complément de revenu pour les personnes en activité dont les ressources se situent au-dessous du seuil de pauvreté (817 euros pour une personne seule).
Il vise à répondre à trois objectifs : lutter contre la pauvreté ; inciter à la reprise d'une activité et simplifier et rendre plus lisible le système de solidarité nationale.
Si les objectifs et principes qui définissent ce nouveau dispositif de solidarité sont clairs et font l'objet d'un relatif consensus, ses modalités concrètes de mise en oeuvre font l'objet de discussions sur plusieurs points, dont les enjeux sont liés : le barème du RSA ; ses modalités de financement ; les bénéficiaires concernés ; son pilotage (centralisé, mixte ou décentralisé) ; la durée de versement du RSA ; les modalités d'évaluation du dispositif.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a prévu une première phase d'expérimentation, avant la généralisation du dispositif, en laissant aux départements candidats une marge de manoeuvre assez large pour en définir les modalités concrètes d'application.
b) Modalités et premiers résultats de l'expérimentation
La dite loi Tepa du 21 août 2007 103 ( * ) , qui a défini le RSA expérimental, devrait permettre à quarante départements de le tester, pour une durée de trois ans, sur une partie de leur territoire, au profit des seuls bénéficiaires du RMI et de l'allocation de parent isolé (API).
L'article 18 de la loi indique que le RSA expérimental a pour objectif d'assurer l'augmentation des ressources d'une personne bénéficiaire d'un minimum social qui prend ou reprend un travail, exerce ou accroît son activité .
Il peut également être tenu compte des droits connexes, c'est-à-dire des prestations et aides locales ou extralégales à caractère individuel recensées par chaque département et, dans la mesure du possible, de l'ensemble des droits et aides (exonération de redevance audiovisuelle, taxe d'habitation...) qui sont accordés aux bénéficiaires du RSA.
Sur quarante départements candidats à l'expérimentation, trente-quatre ont déjà été autorisés à la mettre en oeuvre, vingt-six l'ayant effectivement lancée au 1 er février et trente et un ayant défini leurs règlements locaux . Seuls dix départements expérimentaient le RSA à la fin de l'année 2007. A ce jour, environ 10 000 personnes ont signé un contrat RSA au titre de l'expérimentation.
Pour les bénéficiaires de l'API, qui relèvent de l'Etat, les conditions d'expérimentation du RSA (barème, accompagnement des bénéficiaires) ont été fixées par le décret du 5 octobre 2007.
Pour les allocataires du RMI , chaque département est libre de fixer son barème ainsi que les modalités de cumul des revenus et du RSA, et de délimiter le champ des bénéficiaires concernés.
Les trente et un règlements départementaux illustrent la diversité des solutions retenues :
- quant aux bénéficiaires du dispositif : selon le type de contrat, selon leur situation par rapport à l'emploi (selon qu'ils se trouvent en reprise d'emploi, en activité ou qu'ils ont augmenté leur activité) ;
- quant au barème : dix-huit départements, dont la Côte-d'Or , ont opté pour un barème identique à celui fixé par l'Etat pour le « RSA-API » , six ont choisi des taux de cumul différents (60 ou 65 % au lieu de 70 %), six ont adopté un barème non linéaire combinant des taux de cumul différents selon les quotités de temps de travail, permettant, soit d'accorder un taux de cumul plus élevé pour les petites quotités de travail, qui diminue au-delà du quart de temps ou du mi-temps, pour s'annuler autour d'un Smic à temps plein (Eure et Seine-Maritime), soit de privilégier, à l'inverse, les emplois à forte quotité de travail, pour ne pas favoriser le travail précaire (Bouches-du-Rhône, Creuse, Haute-Saône, Marne) ;
- quant aux modalités d'accueil et d'accompagnement vers l'emploi : tous les départements ont accentué l'effort d'accompagnement personnalisé, et rationalisé l'intervention des différents acteurs, l'exemple le plus abouti étant celui de « la plate-forme unique d'accueil de l'Eure », regroupant la Caf, la CPAM, l'ANPE et qui donne des résultats spectaculaires. Les autres départements ont au minimum opté pour un binôme constitué d'un référent professionnel (ANPE) et d'un référent social (CCAS, CPAM, Caf) ;
- quant aux outils complémentaires mobilisés pour surmonter les obstacles à la reprise d'activité : aide personnalisée à la reprise d'activité, fonds d'aide à la reprise d'emploi, « RSA + » (aides financières individuelles et accompagnement spécifique), aides à la mobilité professionnelle ou géographique, garde d'enfants, aide à l'installation pour les travailleurs indépendants... ;
- quant à la mobilisation et l'implication des entreprises : appui à l'intégration professionnelle, contractualisation avec l'employeur, dispositif incitatif à l'augmentation des heures travaillées favorisant l'emploi à temps plein (Hérault, Bouches-du-Rhône), parrainage ou tutorats au sein des entreprises.
Un comité national d'évaluation du dispositif a été mis en place en juillet 2007, afin d'appuyer les départements dans la conduite des évaluations locales et de définir un cadre comparatif national de l'ensemble des expérimentations. Une première enquête est en cours auprès des Caf (volet API) et des départements (volet RMI) ayant démarré l'expérimentation.
Les résultats de ces études permettront d'affiner les modalités de généralisations du RSA.
c) La généralisation du RSA
L'intervention du Président de la République, le 24 avril 2008, a permis de clarifier certains points concernant la généralisation du RSA, notamment relativement aux bénéficiaires visés par la réforme, à la date de mise en oeuvre et à ses modalités de financement.
Selon les dernières informations recueillies par votre rapporteur auprès du Haut-commissariat aux solidarités actives 104 ( * ) , le RSA devrait être généralisé dans le courant de l'année 2009 et concerner trois à quatre millions de personnes : les bénéficiaires du RMI (1,1 million de personnes), de l'API (200 000 personnes environ), et de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), ainsi que les travailleurs pauvres, vraisemblablement ceux disposant de revenus inférieurs à 1,2 Smic (1 536 euros bruts), ce point n'étant pas encore tranché.
Le RSA devrait donc se substituer à ces trois minima sociaux et intégrer la prime pour l'emploi (PPE) ainsi que les primes d'intéressement créées par la loi du 23 mars 2006 pour le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux 105 ( * ) , répondant ainsi à l'objectif de simplification et de lisibilité du système.
d) Le financement
Le RSA serait ainsi financé par le redéploiement :
- des sommes consacrées au financement des minima sociaux intégrés au RSA (au minimum le RMI et API), soit environ 7 milliards d'euros ;
- des sommes consacrées au financement des dispositifs d'intéressement ou des primes forfaitaires de retour à l'emploi , soit environ 450 millions d'euros ;
- des montants consacrés au financement de la PPE ( 4,2 milliards d'euros ), qui devraient être redéployés, de telle manière que les contribuables actuellement bénéficiaires de la PPE et disposant de revenus compris entre 1,2 et 1,4 Smic, ne soient pas éligibles au RSA. Cette mesure, qui pénaliserait environ 4 millions de personnes , permettrait néanmoins de recentrer la PPE sur les travailleurs les plus pauvres, répondant ainsi aux préoccupations de ses détracteurs, parmi lesquels la Cour des Comptes dans un rapport de 2006 ;
- et par une enveloppe budgétaire supplémentaire de 1 milliard à 1,5 milliard d'euros, soit moitié moins que celle initialement prévue.
La prime pour l'emploi (PPE)
Instaurée en 2001, la PPE est perçue par près de 8,6 millions de foyers fiscaux en activité dont les revenus sont compris entre 0,3 et 1,4 Smic, soit entre 384 euros et 1 792 euros bruts).Son montant moyen est passé de 252 euros en 2002 à 460 euros en 2007 et peut représenter au maximum jusqu'à 961 euros. |
e) Les questions à trancher
- le barème du RSA : doit-il être uniforme ou non sur tout le territoire ? Son niveau doit-il être fixé par rapport au seuil de pauvreté européen ou celui de 50 % du revenu médian ? Doit-il tenir compte des droits et aides connexes ?
- le risque de précarisation des emplois , du fait du versement du RSA, assimilé en quelque sorte à une subvention de l'emploi précaire ; la construction d'un « RSA à deux étages » ou la variation du taux de cumul en fonction de la quotité du temps de travail pouvant représenter des alternatives 106 ( * ) ;
- la durée de versement du RSA (actuellement fixée à trois ans dans le cadre de l'expérimentation) ;
- la répartition du pilotage et du financement du dispositif entre l'Etat et les départements, constituant légitimement un sujet d'inquiétude pour les conseils généraux alors que le transfert de la gestion du RMI n'a été, à ce jour, que partiellement compensé par l'Etat 107 ( * ) ;
- les conditions d'octroi du RSA (durée dans l'emploi, reprise d'activité ou situation d'emploi, type de contrat, etc.) ;
- maintien des spécificités des minima sociaux (intégration des allocataires de l'ASS, problématique du maintien du RSA-API en cas de modification de la situation familiale, complément « parent isolé » pour tenir compte de la monoparentalité) ;
- révision corrélative des plafonds d'accès à la CMU et à la CMU-c (actuellement 606 euros par mois).
* 101 Haut Commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté - Dossier de présentation du projet de loi - juin 2007.
* 102 « Au possible nous sommes tenus. La nouvelle équation sociale. Quinze solutions pour combattre la pauvreté des enfants. » - avril 2005.
* 103 Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.
* 104 Audition du 28 mai 2008.
* 105 Loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 pour le retour à l'emploi et sur les droits et devoirs des bénéficiaires de minima sociaux.
* 106 Voir audition de M me Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du Conseil d'orientation pour l'emploi, 27 mai 2008.
* 107 Audition du 13 mai 2008 de l'Assemblée des départements de France.