2. La coordination des acteurs : une superposition d'instances
De nombreux intervenants ont souligné devant la mission le paradoxe de la persistance d'un manque de coordination malgré l'empilement des dispositifs censés jouer ce rôle en matière de lutte contre l'exclusion. Mme Nicole Maestracci, présidente de la FNARS, constate « un déficit de pilotage et de coordination de l'ensemble des dispositifs d'insertion, gérés par les missions locales, le service public de l'emploi, l'AFPA et tous les autres dispositifs de formation professionnelle ». Et M. Jean le Garrec, président de l'Alliance villes emploi, a également souligné que « tout le monde conviendra que le service public de l'emploi français est celui qui est le plus éclaté en Europe ».
Des instances ayant un rôle de coordination, de concertation et d'animation au niveau départemental et permettant à l'ensemble des acteurs institutionnels, associatifs ou des entreprises d'apporter leur contribution à l'insertion, se sont pourtant ajoutées les unes aux autres au cours des années. Mais, ce faisant, elles ont rendu la gouvernance locale incompréhensible .
Une simplification a certes eu lieu depuis 2004, avec le recentrage de la coordination départementale autour de deux pôles, l'un décentralisé, l'autre déconcentré . Dans la logique de cette nouvelle organisation, le président du Conseil général, disposant d'un conseil départemental de l'insertion (CDI) qui n'a plus qu'un rôle consultatif, dialogue avec le préfet, qui s'appuie sur la commission départementale de la cohésion sociale (CDCS), la commission départementale de l'emploi et de l'insertion (CDEI) et les autres commissions dont il peut organiser librement le travail.
Cette simplification n'est cependant en réalité qu'ébauchée. Ainsi, le CDI, la CDCS, la CDEI, le CDIAE (insertion par l'activité économique), voire la COPEC (égalité des chances) ont des compétences très proches et les acteurs du champ de l'insertion et de l'emploi qui y participent sont souvent les mêmes. En outre, une source incompressible de complexité réside en tout état de cause dans l'existence de deux systèmes de coordination parallèles , l'un sous l'autorité de l'Etat, l'autre sous celle du conseil général.
Dans ce contexte, il est difficile d'imaginer que chacune de ces commissions puisse apporter sa propre contribution à l'insertion sans empiéter sur les compétences des autres. En outre, la multiplicité des dispositifs ne peut que favoriser le caractère par trop « descendant » des politiques d'insertion , souligné par de nombreux interlocuteurs de la mission, chaque acteur et chaque commission ayant tendance à « produire » ses propres actions d'insertion, au détriment d'une réponse adaptée aux véritables besoins des publics en difficulté .
La « comitologie » et la planification départementale en matière d'insertion 1-En matière d'insertion sociale ou professionnelle - le conseil départemental d'insertion (CDI) , présidé par le président du conseil général et consulté pour l'adoption du plan départemental d'insertion (PDI) ; - la commission départementale de la cohésion sociale (CDCS) , créée en 2006 et présidée par le préfet, qui coordonne la politique de l'Etat en matière d'insertion ; - la commission départementale de l'emploi et de l'insertion (CDEI) , commission « pivot » compétente dans tout le champ de l'emploi, créée en 2006 et placée sous l'autorité du préfet ; - le conseil départemental de l'insertion par l'activité économique (CDIAE) , sous-formation des CDEI consacrée à la coordination de l'insertion par l'économique ; - la commission départementale pour la promotion de l'égalité des chances et la citoyenneté (COPEC) , également créée en 2006, dirigée par le préfet et le président du tribunal de grande instance, qui lutte contre les discriminations ; - les Pôles d'accueil en réseau pour l'accès aux droits sociaux (PARADS) créés en 2005 et rassemblant, à un niveau infra-départemental (bassin d'emploi, agglomération...) la plupart des acteurs locaux de l'insertion afin d'améliorer l'accès effectif aux droits sociaux des personnes en situation de précarité ; En revanche, la loi de 2004 sur les libertés et responsabilités locales a supprimé deux commissions, les missions de coordination correspondantes étant confiées aux conseils généraux : - le comité départemental de coordination des politiques de prévention et de lutte contre les exclusions , qui réunissait depuis 1998 sous l'autorité du préfet des représentants des différents comités et instances départementaux liés à la lutte contre les exclusions; - la commission de l'action sociale d'urgence (CASU) , également issue de la loi de 1998 et qui rassemblait l'Etat, les collectivités territoriales, des organismes sociaux voire des associations pour coordonner les diapositifs allouant des aides d'urgence. 2-En matière le logement ou d'hébergement des personnes défavorisées - la commission de médiation départementale pour le droit au logement ; créée par la loi du 5 mars 2007 instituant le "droit au logement opposable"; - le plan départemental pour l'hébergement d'urgence créé en 1994, élaboré par le préfet en association avec les collectivités territoriales, les groupements intercommunaux compétents, les associations, les caisses d'allocations familiales et les organismes HLM, et qui analyse les besoins et prévoit les capacités d'hébergement d'urgence à offrir; - le programme départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDLPD) créé en 1990, signé par le préfet et le président du conseil général, et qui coordonne les efforts de l'Etat et des collectivités territoriales en matière d'accès au logement pour les personnes défavorisées. 3-La simplification des commissions consultatives départementale de l'Etat Des textes successifs 227 ( * ) se sont efforcés de simplifier le dispositif départemental de l'Etat en matière d'insertion et d'emploi. Outre la constitution déjà évoquée de la CDCS ainsi que de la CDEI, commission dite «pivot» comportant deux formations spécialisées (le CDIAE et la commission emploi), sont ainsi supprimés : - le comiteì départemental de l'emploi (CODE) qui jouait le rôle de pivot sur le champ de l'emploi ; - la commission départementale des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés . Ces reformes donnent au préfet de département une plus grande latitude pour adapter les modalités de la concertation au contexte local, notamment concernant la composition des commissions, la répartition des consultations entre commission pivot et formations spécialisées, l'organisation de formations restreintes, l'invitation de personnes extérieures. |
* 227 Ordonnance n°2004-637 du 1 er juillet 2004 relative à la simplification de la composition et du fonctionnement des commissions administratives et à la réduction de leur nombre; décret n°2006-665 du 7 juin 2006 relatif à la réduction du nombre et à la simplification de la composition de diverses commissions administratives ; décret 2006-672 du 8 juin relatif à la création, à la composition et au fonctionnement des commissions administratives à caractère consultatif.