B. COMMENT MIEUX MESURER LE PIB NON-MARCHAND ?
La production à prix courants des branches non-marchandes dans les comptes nationaux est évaluée par la somme des coûts . Les produits correspondants ne faisant, par définition, pas l'objet de transactions sur le marché (à la différence des branches marchandes), la production de ces branches ne peut pas être évaluée à partir des ventes.
Les coûts pris en compte sont depuis l'entrée en vigueur de la base 2000 de la Comptabilité nationale :
- la masse des rémunérations (salaires et cotisations sociales) ;
- les consommations intermédiaires que nécessite leur production ;
- les impôts et taxes liés à la production ;
- la consommation de capital fixe.
Hors la consommation de capital fixe (qui est calculée), ces coûts correspondent pour l'essentiel à des dépenses publiques .
Ainsi, la contribution des dépenses publiques 81 ( * ) à la production nationale est estimée , dans la comptabilité nationale,... au montant qu'elles atteignent . De même, la contrepartie productive de la variation des dépenses publiques est égale... à la variation de leur montant.
Avec une pareille méthode (dite « méthode basée sur l' input »), non seulement le volume de la production associée aux dépenses publiques ne peut être correctement apprécié, mais encore, l'évolution de cette production ne l'est pas. En effet, utiliser l'évolution du coût comme indicateur d'évolution des prix suppose qu'il n'y a pas de gains ou de perte de productivité des facteurs dont on mesure l'évolution des coûts.
C'est pourquoi une autre méthode a été proposée (méthode « basée sur l' output »). Il s'agit d' utiliser des indicateurs directs visant à estimer l'évolution réelle de la production au niveau le plus fin . Dans ce cas, on peut notamment estimer un indice de volume de la production non-marchande.
Historiquement, les méthodes employées pour estimer la production en volume de services non marchands associée aux dépenses publiques dans les comptes français ont varié. Dans un premier temps le caractère productif de ces activités n'était pas reconnu dans le système français, et on ne se préoccupait donc pas de partage volume-prix à propos de l'activité des administrations. Même lorsqu'on a commencé à évaluer une production non-marchande, en base 1971 82 ( * ) , le PIB « marchand » restait l'agrégat privilégié pour la mesure de la croissance ; le partage volume-prix de la production non-marchande était une question secondaire : pour déflater cette production, définie conventionnellement par ses coûts, il semblait naturel d'utiliser un indice de prix de ces mêmes coûts ; c'était donc la méthode « input » qui était utilisée. A l'époque, les branches non-marchandes étaient moins étendues, les hôpitaux étant considérés comme des services marchands (jusqu'à ce que leur mode de financement soit modifié par l'introduction des « dotations globales »). La base 1980 a innové en introduisant des indices de production directs pour la santé et l'éducation. Pour l'enseignement on utilisait comme indicateurs les effectifs ventilés en 12 types élémentaires d'enseignement. Avec la base 1995 on est cependant revenu à une méthode de type « input », les services individualisables n'étant plus traités différemment des autres services non-marchands.
Cependant dans le cadre de la préparation de la base 2000, et en raison des nouvelles recommandations internationales, on a commencé à se préoccuper de rechercher des méthodes donnant des indicateurs directs plus satisfaisants du point de vue de la prise en compte de la qualité et de l'évolution des pondérations.
La méthode « output » a été retenue pour les comptes nationaux français en base 2000. Elle a été introduite pour l'éducation non marchande dans les comptes publiés en mai 2005 et pour la santé non marchande dans ceux publiés en mai 2006 .
Le recours à une méthode de valorisation basée sur la production plutôt que sur les coûts de production peut avoir des incidences importantes comme le montre l'exemple de l'éducation non marchande.
SENSIBILITÉ DU VOLUME DE LA PRODUCTION NON
MARCHANDE
Les nouvelles évaluations conduisent à réviser à la baisse l'évolution du volume de la production d'éducation non marchande (cf. graphique) au cours de la période récente. En effet, l'évolution positive du volume en base 1995, quand la production était mesurée en fonction des coûts, traduisait l'augmentation des moyens mis en oeuvre, notamment l'amélioration de la qualification des enseignants et leur nombre. En base 2000, avec une évaluation de la production par les « output », la stagnation du volume constatée depuis 1996 est liée à l'évolution démographique (baisse des effectifs scolarisés dans certaines filières), non compensée par une augmentation de la fréquence de réussite aux examens ou un accès plus fréquent dans une classe de niveau supérieur. Le résultat garde un caractère conventionnel, lié à la manière encore fruste dont est appréhendé le volume d'éducation, en particulier l'effet qualité. Un travail d'harmonisation sur ce sujet est sans aucun doute nécessaire, sans lequel les comparaisons internationales, au sein de l'Union européenne elle-même, risquent d'être biaisées. ÉVOLUTION DE LA PRODUCTION EN PRIX CHAÎNÉS EN BASE 95 ET BASE 2000 (en milliards d'euros, année 2000 comme année de référence)
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Source : INSEE. Le partage volume-prix, base 2000. Michel Braibant.
Une généralisation de cette méthode permettrait :
- de mieux apprécier la contribution réelle des dépenses publiques à la production, et au bien-être ;
- et de réduire les biais de comparaison entre les niveaux de richesse par habitant entre pays, qui résultent de la variabilité de la production non-marchande .
* 81 Celles qui concourent à la production non-marchande, c'est-à-dire l'ensemble des dépenses publiques en dehors des transferts monétaires.
* 82 L'expression « in base... » suivie d'une année désigne les différentes règles appliquées à la comptabilité nationale au fil du temps.