II. L'EXAMEN DU PROJET DE LOI PORTANT DIVERSES DISPOSITIONS D'ADAPTATION AU DROIT COMMUNAUTAIRE DANS LE DOMAINE DE LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS
La commission des affaires sociales, au cours de sa réunion du mercredi 26 mars 2008, a décidé de saisir la délégation, sur sa demande, du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations 3 ( * ) .
Ce texte tendait en effet à compléter la transposition en droit français de plusieurs directives concernant la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes, notamment en matière d'emploi et de travail, ainsi que d'accès à des biens et services.
Après avoir procédé à l'audition de M. Louis Schweitzer, président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), le 25 mars 2008, la délégation a adopté, le 1 er avril 2008, un rapport d'information présenté par Mme Christiane Hummel 4 ( * ) .
La délégation s'est montrée favorable à l'approbation du projet de loi, qui assurait une transposition plus littérale des directives européennes et apportait quelques compléments utiles à l'arsenal juridique de lutte contre les discriminations, notamment celles fondées sur le sexe.
Cette approbation globale était assortie des six recommandations suivantes , inspirées principalement par le souci de rendre plus cohérent et plus intelligible notre dispositif juridique, et d'éviter que les avancées contenues dans le projet de loi s'accompagnent de régressions qui brouilleraient un signal que l'on veut positif en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes :
1. La délégation déplore que le dispositif proposé par le projet de loi risque d'ajouter à la complexité du droit français dans un domaine où il est pourtant indispensable que le droit puisse être bien compris par les justiciables. Elle invite donc le Gouvernement à améliorer la cohérence des régimes juridiques applicables et, notamment, à rechercher une meilleure harmonisation des différents critères de discrimination utilisés dans le droit français, qu'ils soient ou non issus du droit européen.
2. Préoccupée par la persistance manifeste des inégalités, notamment professionnelles et salariales, entre les femmes et les hommes, la délégation considère que les pouvoirs publics ne doivent pas borner leur ambition au perfectionnement d'un arsenal juridique de lutte contre les discriminations déjà très conséquent, mais s'attacher dorénavant à en améliorer l'application concrète.
3. La délégation estime que les notions de discrimination directe et de discrimination indirecte, telles que les définissent les directives européennes et le projet de loi, constituent un instrument juridique efficace pour la promotion d'une égalité plus réelle entre les hommes et les femmes. Elle invite cependant les pouvoirs publics à se montrer vigilants dans leur traduction concrète, de façon à conjurer certaines dérives toujours possibles, et à éviter, notamment, que les termes très généraux dans lesquels elles sont rédigées ne puissent paraître légitimer des procès d'intention.
4. La délégation considère que le dispositif actuel du code du travail, qui limite à certaines professions limitativement énumérées la possibilité d'opérer des distinctions en matière d'emploi sur le fondement de l'appartenance à l'un ou l'autre sexe, ne correspond pas bien aux réalités. Elle juge préférable de s'appuyer sur les principes généraux posés dans le projet de loi, en s'assurant que leur application sera bien circonscrite, sous le contrôle des tribunaux, et invite donc à abroger l'article R. 123-1 du code du travail et à modifier en conséquence l'article L. 123-1 qui y renvoie.
5. La délégation souhaite que l'application pratique qui sera donnée de la disposition autorisant l'organisation d'enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe ne remette pas en question l'objectif de mixité consacré par l'article L. 121-1 du code de l'éducation. Elle insiste en particulier pour que celle-ci n'ait pas pour effet de compromettre, au nom de considérations religieuses ou culturelles, la bonne intégration des jeunes filles dans la vie des établissements d'enseignement, ni de paraître légitimer l'organisation d'enseignements distincts qui reproduiraient des stéréotypes sexués contre lesquels il convient au contraire de lutter.
6. La délégation demande la suppression de la disposition qui dispense le contenu des médias et de la publicité de respecter le principe de l'égalité d'accès aux biens et services. Elle considère, en effet, que cette disposition, dont le sens et la portée ne sont pas clairs, pourrait avoir pour objet ou pour effet d'autoriser des représentations de la femme discriminatoires.
Le Sénat a examiné le projet de loi en séance publique le 9 avril 2008. Il a notamment adopté un amendement présenté par Mmes Christiane Hummel, Gisèle Gautier et neuf autres membres de la délégation 5 ( * ) , tendant à mettre en oeuvre la sixième et dernière de ces recommandations.
La commission mixte paritaire, réunie le 13 mai 2008, n'est pas revenue sur cet amendement. L'Assemblée nationale, le 14 mai 2008, puis le Sénat, le 15 mai 2008, ont ensuite adopté définitivement le texte issu de ses travaux.
Le texte définitif de la loi a donc pris en compte la recommandation de la délégation tendant à supprimer la disposition qui semblait autoriser des représentations de la femme discriminatoires dans les médias.
* 3 Adopté par l'Assemblée nationale le 25 mars 2008 (Sénat, n° 241, 2007-2008)
* 4 Rapport d'information n° 252 (2007-2008) : « Lutte contre les discriminations ».
* 5 Mmes Christiane Kammermann, Elisabeth Lamure, Anne-Marie Payet, Isabelle Debré, Brigitte Bout, M. Alain Gournac, Mmes Catherine Procaccia, Sylvie Desmarescaux et Esther Sittler.