D. UN STATU QUO DEVENU INTENABLE
1. Des élus locaux conscients de la nécessité de créer le Grand Paris
Afin de connaître le sentiment des élus locaux de l'agglomération parisienne à la fois sur le fonctionnement actuel de l'agglomération et sur les différentes réformes envisageables, votre rapporteur a rencontré de nombreux responsables d'exécutifs locaux et a fait parvenir un questionnaire à l'ensemble des maires de la petite couronne.
Concernant le point de vue des « grands élus », le Président de la région Île-de-France, Jean-Paul Huchon 16 ( * ) , est celui qui revendique le plus fort le statu quo. Il estime, en effet, que la région a une vocation naturelle à piloter l'agglomération grâce à des outils comme le STIF. Il ne voit pas de difficultés à poursuivre la logique des financements croisés qui permettent à la région d'aider les départements et les communes et défend le recours à la contractualisation entre les collectivités ainsi que le développement des intercommunalités.
Pour autant, Jean-Paul Huchon reconnaît que la gestion du logement n'est pas satisfaisante en Île-de-France et qu'il serait utile de mutualiser les moyens. Concernant la perspective d'un Grand Paris auquel il n'est pas favorable, il souhaite en tous les cas que la région conserve la compétence « transports ».
En réalité, le Président de la région est le seul à considérer que la gouvernance de l'Île-de-France est satisfaisante. Le secrétaire d'État chargé des Relations avec le Parlement, Roger Karoutchi 17 ( * ) , considère, par exemple, que, dans la pratique, la région est inadaptée pour traiter les problèmes de l'agglomération. Il observe que le fonctionnement du STIF n'est pas satisfaisant car il se contente de financer les projets rentables. Selon lui, la ville de Paris a pris l'habitude depuis des décennies de décider seule sans consulter ses voisines. La Conférence métropolitaine ne change rien à cela puisqu'elle n'a pas de pouvoir de décision. Pour améliorer la gouvernance, Roger Karoutchi propose une loi-cadre qui permettra de créer une structure sui generis intermédiaire entre le syndicat et la communauté urbaine. Il considère que l'engagement de l'État pour financer de grands projets comme « Métrophérique » est incontournable.
La ville de Paris, pour sa part, a pris conscience que son destin était lié à celui de l'agglomération et qu'une forme de coopération devait être imaginée. C'est pourquoi le maire, Bertrand Delanoë, a, ces dernières années, engagé un dialogue avec les communes proches de la capitale avec pour objectif de faire émerger des projets communs. Pierre Mansat 18 ( * ) , l'adjoint au maire de Paris chargé du dialogue avec la banlieue, a été chargé de conduire la réflexion sur cette nouvelle gouvernance depuis 2005 en commençant par établir un diagnostic commun afin de mettre un terme à une « ignorance réciproque ». La première réunion de la Conférence métropolitaine a, ainsi, été organisée en juillet 2006. Ces travaux ont permis d'établir, selon Pierre Mansat, qu'il existait bien un problème de gouvernance en Île-de-France qui était à l'origine de défaillances dans les politiques publiques en matière d'habitat, d'urbanisme commercial, de développement économique, de protection de l'environnement et de transports.
Or, selon l'adjoint au maire de Paris, si la région a une légitimité pour agir, elle ne peut le faire seule. Il y a la nécessité d'une autre légitimité au niveau de l'agglomération. Pour Pierre Mansat, il faut examiner la question institutionnelle sans a priori . Pour autant, il estime, comme votre rapporteur, que le statut de « communauté urbaine » n'est pas approprié. L'adjoint au maire de Paris envisage de favoriser le développement de projets et de réfléchir à la création d'outils nouveaux comme un PLU d'agglomération, un SCOT, une péréquation de la taxe professionnelle... Il estime, en particulier, que la question du logement à Paris ne se résoudra pas seulement sur le périmètre de la commune et rappelle la nécessité de développer les transports avec un projet comme « Métrophérique ».
Hervé Bramy, l'ancien Président du conseil général de Seine-Saint-Denis 19 ( * ) , propose, pour sa part, de commencer la réflexion sur le Grand Paris par un « état des lieux ». Il remarque, en particulier, que tous les équipements prévus par le précédent contrat de plan n'ont pas été réalisés. Plus généralement, il déplore ce qu'il estime être un désengagement de l'État. Il évoque, par exemple, la détermination des périmètres des intercommunalités qui n'est pas satisfaisante et que les représentants de l'État ont laissé faire. L'ancien Président du conseil général de Seine-Saint-Denis estime qu'il faut développer la coopération entre les départements et qu'il est nécessaire que l'État participe davantage à l'effort de solidarité, par exemple en ce qui concerne la prise en charge du RMI.
Si les « grands élus » de l'agglomération restent prudents sur le Grand Paris, les maires des communes de la petite couronne semblent davantage conscients de la nécessité d'un pouvoir métropolitain comme l'illustrent les réponses au questionnaire qui leur a été envoyé par l'Observatoire de la décentralisation 20 ( * ) . Ces indications sont d'autant plus précieuses qu'elles ont été recueillies à partir d'un échantillon représentatif et pluraliste.
Il ressort d'abord de cette enquête que 80 % des maires de la petite couronne considèrent que la gouvernance du coeur de l'agglomération n'est pas satisfaisante. Ce sentiment semble particulièrement répandu pour ce qui concerne l'organisation des transports entre Paris et la banlieue qui ne convient pas à près de 82 % des maires. De même, près de 71 % considèrent que la sécurité n'est pas suffisamment bien assurée par les acteurs chargés de cette compétence et 87 % estiment que la crise du logement ne pourra être résolue seulement au niveau de la commune.
En fait, les maires de la petite couronne sont convaincus qu'une redistribution des compétences entre niveaux de collectivités est aujourd'hui nécessaire. S'ils sont 60 % à estimer que les questions relatives à l'environnement doivent être traitées à un niveau supérieur à celui de la commune, ils sont 61,5 % à considérer qu'au contraire, le social doit relever d'abord des communes en petite couronne. Pour les autres thématiques, les avis sont plus partagés.
Lorsqu'on les interroge sur le Grand Paris, les maires de la petite couronne en saisissent parfaitement l'intérêt puisqu'ils sont près de 86 % à déclarer que l'amélioration de la gouvernance en Île-de-France pourrait permettre à l'agglomération parisienne de conforter son rang dans la compétition européenne. Ils sont aussi 56,5 % à estimer que l'appartenance de leur commune au futur Grand Paris pourrait les faire bénéficier d'une attractivité économique accrue.
Les avis sur la péréquation sont plus partagés puisqu'un maire sur deux estime que la création d'un Grand Paris serait de nature à renforcer la péréquation financière entre les territoires. Comme toujours, les communes riches en taxe professionnelle voient d'un mauvais oeil le partage de cette richesse.
Concernant les compétences du Grand Paris, les maires de la petite couronne estiment qu'elles devraient d'abord concerner les transports (85 %), le logement (55 %), le développement économique (55 %) et l'environnement (50 %). Une proportion non négligeable considère que cette nouvelle institution devrait prendre en charge les grands équipements (45 %) et la sécurité (35 %).
Les réponses obtenues au questionnaire ne font donc aucun doute quant à la prise de conscience des élus de la petite couronne face à la nécessité de créer le Grand Paris. Même si aucun projet particulier n'obtient une majorité de suffrages, ils sont 70 % à souhaiter que leur commune fasse partie du Grand Paris et 82 % à refuser que la ville de Paris devienne le chef de file de l'agglomération parisienne ce qui exclut a priori le scénario de la communauté urbaine.
* 16 Votre rapporteur a rencontré le Président du conseil régional le 29 novembre 2007 et a été auditionné par la commission du conseil régional chargée de réfléchir sur le thème « Scénarii pour la métropole : Paris - Île-de-France demain » le 30 novembre 2007.
* 17 Votre rapporteur a rencontré le secrétaire d'État chargé des Relations avec le Parlement le 15 octobre 2007.
* 18 Votre rapporteur a rencontré M. Pierre Mansat, adjoint au maire de Paris, le 30 octobre 2007.
* 19 Votre rapporteur a rencontré le Président du conseil général de Seine-Saint-Denis le 17 janvier 2008.
* 20 Une analyse complète des réponses au questionnaire est présentée en annexe avec des tableaux.