2. Un débat relancé par le Président de la République en juin 2007
La relance du débat sur le Grand Paris est à porter au crédit du Président de la République qui a abordé ce thème dans son discours du 26 juin 2007 à l'occasion de l'inauguration du satellite n° 3 de l'aéroport Roissy Charles-de-Gaulle. Cela ne signifie pas, bien sûr, que le thème était ignoré jusqu'alors mais on peut observer qu'il était traité essentiellement au niveau local, à travers les projets de coopération qui pouvaient être envisagés entre les communes ou à travers des initiatives visant à favoriser le débat sur la création d'une structure métropolitaine.
L'ambition exprimée par le Président de la République pour le Grand Paris a donné un tour nouveau au débat. Dans son discours 21 ( * ) du 26 juin 2007, il a ainsi fait part de son souhait de « construire une vraie ville dans nos banlieues » et de « développer une vision globale d'aménagement pour la Seine-Saint-Denis » . Il a évoqué ensuite la nécessité de construire des transports en commun circulaires, d'ouvrir le débat sur la mobilisation du foncier et de rendre plus attractives nos universités. Enfin, il s'est surtout étonné de l'absence de structure de gouvernance de l'agglomération et de la persistance des départements de la petite couronne comme collectivité territoriale de droit commun.
Nicolas Sarkozy est revenu à plusieurs reprises sur le thème du Grand Paris dans le cadre d'interventions ultérieures dans lesquelles il a insisté sur la nécessité de ne pas oublier les aspects liés à l'urbanisme et à l'architecture mais sans remettre en cause le fait que « la grande métropole que constitue l'agglomération parisienne (...) doit être considérée dans sa globalité parce qu'elle forme un tout » .
L'implication du chef de l'État dans ce débat était, en fait, une condition nécessaire pour engager la réflexion pour au moins trois raisons.
Tout d'abord, il est difficile pour des élus locaux d'initier un projet de réforme de la gouvernance locale tant ils peuvent apparaître, à tort ou à raison, comme étant juges et parties. C'est en particulier le cas du maire de Paris qui peut difficilement échapper à l'accusation d'« impérialisme » ou d'« irrédentisme » aussitôt qu'il esquisse la constitution d'une structure permettant de gérer l'agglomération. A cet égard, on peut rappeler que 82 % des maires de la petite couronne qui ont répondu à l'enquête de l'Observatoire de la décentralisation sur la création d'un Grand Paris sont opposés à ce que la ville de Paris en prenne la tête.
Une deuxième raison tient à la place particulière de l'agglomération parisienne dans notre pays. Capitale politique, économique, culturelle, la ville de Paris constitue, certes, une collectivité locale de plein exercice mais elle est aussi la « fenêtre » de tout le reste du territoire sur l'extérieur à travers le rôle particulier que jouent des équipements de taille nationale comme l'aéroport Charles-de-Gaulle, le réseau de TGV, le quartier d'affaires de La Défense, la Bourse de Paris, le marché d'intérêt national de Rungis, les grandes écoles et les universités, les grands équipements culturels (opéras, théâtres, musées, salles de concert...). Autrement dit, l'agglomération parisienne n'appartient pas qu'aux parisiens et il est légitime, voire impératif, que le chef de l'État et, au-delà, le législateur se soucient de son devenir.
Enfin, il convient de rappeler que la création d'une nouvelle institution sui generis pour assurer la gouvernance du coeur d'agglomération relève du domaine législatif et compte tenu des implications d'une telle réforme, en particulier sur le fonctionnement de l'État, il s'agit d'une raison supplémentaire qui justifie pleinement l'implication du Président de la République.
Au-delà de ces raisons de fond qui expliquent l'engagement du Président de la République, il est aussi un argument d'ordre institutionnel qui tient à la résistance que pourrait susciter la perspective d'une réorganisation institutionnelle chez certains élus locaux. De la même manière que le tracé d'une ligne TGV peut donner lieu à des manifestations de mécontentement chez des particuliers, la création du Grand Paris risque d'être perçue comme une remise en cause des intérêts locaux légitimes auxquels seule l'affirmation d'un intérêt national supérieur pourra faire entendre raison. A cet égard, il ne faut pas oublier que l'ensemble des élus locaux étaient défavorables, en 1964, à la partition du département de la Seine 22 ( * ) ce qui confirme le fait que les réformes concernant la gouvernance locale ne sont pas nécessairement consensuelles.
* 21 Les principales déclarations du Président de la République sur le Grand Paris sont reproduites en annexe du présent rapport.
* 22 Voir, à ce sujet, l'historique du débat sur le Grand Paris dans la 1 ère partie du présent rapport.