13. Des modes de valorisation insuffisamment développés
Avec l'accroissement de la fréquentation des supermarchés pour les courses alimentaires, les consommateurs achètent de moins en moins de viande brute : cette dernière est, ainsi, en baisse de 25 à 30 % selon les espèces depuis 2001. A contrario , le rayon charcuterie traiteur progresse car son caractère pratique incite à l'achat. De même, les consommateurs délaissent de plus en plus les produits à cuisson lente pour se diriger vers ceux à griller.
Or, l'adaptation de la découpe et de la vente aux goûts des consommateurs reste délicate. En effet, l'agneau est vendu entier par le producteur, le transformateur ne pouvant se permettre de n'en valoriser que les parties les plus appréciées sous peine de ne pas rentabiliser son produit. Et ceci alors que certains morceaux (collier, épaule ...), mieux adaptés à des plats cuisinés traditionnels qu'à une cuisson rapide, se vendent mal en saison estivale.
Par ailleurs, la valorisation de certaines parties « sensibles » des animaux, telles que la tête, est impossible en France, du fait d'une réglementation particulièrement stricte, là où un pays comme l'Espagne, par exemple, l'autorise.
La valorisation de la brebis de réforme est également problématique, son prix de vente étant en effet symbolique.
Enfin, on notera que la peau et la laine des ovins ne sont plus aujourd'hui valorisées. Du fait de la concurrence des produits synthétiques, mais également des peausseries et lainages provenant de pays extérieurs à l'Union européenne, le produit de leur vente ne permet même pas, loin de là, de couvrir le coût de la tonte.
14. Des rapports difficiles avec la grande distribution
a) La grande distribution, principale voie de commercialisation
La commercialisation de la viande ovine en France se fait principalement par la voie de la grande distribution. Selon les chiffres d'une enquête réalisée par TNS pour l'Office de l'élevage en 2006, le taux de pénétration et le nombre d'achats dans les hypermarchés et supermarchés (respectivement 33 % et 41 % pour les premiers, 26 % et 28 % pour les seconds) sont nettement supérieurs à ceux des boucheries (respectivement 21 % et 28 %), et plus encore à ceux du hard discount (respectivement 6 % et 4 %). Ainsi, 70 % des achats de viande ovine se font aujourd'hui dans les supermarchés et hypermarchés.
ACHATS DES MÉNAGES PAR CIRCUITS DE DISTRIBUTION
Taux de pénétration* |
Nombre d'achats |
|
Hypermarchés |
33 % |
41 % |
Supermarchés |
26 % |
28 % |
Hards discounters |
6 % |
4 % |
Autres circuits |
21 % |
28 % |
- dont bouchers |
20 % |
27 % |
Source : Office de l'élevage, d'après TNS
*Le taux de pénétration est la part de la population étudiée qui a acheté de l'agneau.
b) Un débat sur la répartition des marges et de la valeur ajoutée
Comme dans de nombreux secteurs de l'agriculture, les rapports entre producteurs et distributeurs sont au coeur du débat sur la répartition de la valeur ajoutée. Celle-ci se fait de façon très défavorable aux éleveurs ovins, comme en témoigne le fait que les prix de vente à la production n'ont que peu varié depuis plus d'une trentaine d'années, là où les prix de vente au consommateur final n'ont cessé d'augmenter. Ainsi, un agneau acheté à l'éleveur 5 euros le kilo en moyenne est revendu, dans les linéaires des grands magasins et supermarchés, environ 11 euros.
La « captation » de la valeur ajoutée par les distributeurs s'explique par la configuration très défavorable aux éleveurs du rapport de force dans les négociations commerciales. Extrêmement atomisés, les organismes de mise en marché ne sont pas en mesure de traiter d'égal à égal avec des distributeurs regroupés dans une demi-douzaine de centrales d'achat qui, à elles seules, assurent un débouché à près des trois-quarts de la production.
c) Une offre trop limitée de viande ovine française
Il est reproché à certains segments de la grande distribution de ne pas accorder une place suffisante à la viande ovine dans ses linéaires, du moins par rapport aux autres viandes, et de recourir dans une moindre mesure à l'agneau français qu'à celui provenant d'autres pays.
Si les hypermarchés sont relativement à l'abri de la critique, ayant des linéaires et un renouvellement des stocks suffisamment importants pour proposer à la fois de l'agneau français et de l'agneau d'autres provenances, il n'en va pas de même pour les supermarchés et petites surfaces, où les rayons « agneau » n'existent pas le plus souvent, faute de clientèle. La viande d'agneau n'y apparaît que ponctuellement, durant les périodes de fêtes, et provient alors presque exclusivement de pays tiers.