C. LE COMMISSARIAT AUX DROITS DE L'HOMME : BILAN ET PERSPECTIVES
Le Commissariat aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe a été institué par une résolution adoptée par le Comité des ministres, le 7 mai 1999. Le commissaire est élu par l'Assemblée parlementaire. Aux termes de la résolution, il est chargé :
- de promouvoir le respect effectif des droits de l'Homme et d'aider les États membres à mettre en oeuvre les normes du Conseil de l'Europe en la matière ;
- de promouvoir l'éducation et la sensibilisation aux droits de l'Homme dans les États membres du Conseil de l'Europe ;
- de déceler d'éventuelles insuffisances dans le droit et la pratique en matière de droits de l'Homme ;
- de faciliter les activités des bureaux nationaux de médiateurs et d'autres structures chargées des droits de l'Homme ;
- d'apporter conseils et informations concernant la protection des droits de l'Homme dans toute la région.
L'intervention devant l'Assemblée parlementaire de M. Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l'Homme, a été l'occasion pour la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme de présenter une résolution et une recommandation traçant un premier bilan du commissariat et ouvrant des perspectives quant à l'évolution de ses missions.
La résolution telle qu'adoptée appelle à un partenariat plus poussé entre le commissariat et les structures nationales des droits de l'Homme en matière de surveillance de l'exécution des arrêts de la Cour. L'Assemblée invite également le commissariat à réfléchir à une meilleure présence sur le terrain. La résolution insiste par ailleurs sur la nécessité de mettre en oeuvre une coopération renforcée entre le commissariat et la Cour au travers d'un dialogue régulier et, pour partie, public.
L'évaluation et le suivi des recommandations de la Cour étaient au coeur de l'intervention de M. Michel Hunault (Loire-Atlantique - NC) :
« Monsieur le Président, je félicite à mon tour le rapporteur pour la qualité de son travail.
Je saisis aussi l'occasion de ce débat pour féliciter et encourager le Commissaire aux droits de l'Homme. La discussion de ce matin a révélé que vous étiez à la tête d'une institution récente - moins de dix ans. Pourtant, je dois vous le dire, dans tous les pays du Conseil de l'Europe, en particulier en France, il n'y a pas de débat sur les libertés individuelles ou sur la situation dans les lieux privatifs de liberté sans qu'il soit fait référence aux prises de position du Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe.
Je mettrai l'accent sur plusieurs points. On a dit que vous deviez avoir les moyens de votre mission. Il est vrai que vous n'avez pas aujourd'hui les moyens humains et financiers nécessaires pour exercer votre mission. Mais, au-delà d'un souhait partagé par toutes les délégations, il conviendrait, me semble-t-il, d'assurer une plus grande coordination avec d'autres institutions qui veillent au respect des droits de l'Homme.
Monsieur le Commissaire, je vous ai écouté avec attention. Vous avez vous-même porté l'accent sur deux points : le suivi de vos rapports et les relations qui peuvent exister avec les médiateurs.
Vous le savez, en France, nous débattons de la création d'une institution indépendante, un contrôleur général non seulement des prisons mais aussi de tous les lieux privatifs de liberté, un peu sur le modèle qui est le vôtre. Ce type d'institution mériterait de trouver à vos côtés une nécessaire coordination. Vous avez une force d'expertise qui pourrait être déclinée au niveau de tous les États membres du Conseil de l'Europe.
J'insisterai également sur la coordination avec d'autres institutions : le Haut Commissaire aux Droits de l'Homme des Nations unies et le CPT qui fait un travail remarquable. Le défi de l'institution même du Conseil de l'Europe et de votre institution indépendante, c'est à la fois la lisibilité et la coordination avec un certain nombre d'institutions ayant pour finalité les droits de l'Homme. Votre prédécesseur, M. Gil-Robles, et vous-même avez su donner corps à la mission qui a été créée il y a une dizaine d'années. Le défi qui nous est communément lancé, c'est la lisibilité.
J'en viens à la seconde partie de mon propos : le suivi de vos recommandations. Il est certes indispensable d'aller sur place, mais il serait bon qu'à l'occasion de votre venue chaque année devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, il y ait une sorte d'évaluation et un suivi de vos recommandations. Cela existe dans un certain nombre de domaines. Je pense notamment à la lutte contre le blanchiment et la corruption. Ainsi, le Gafi évalue chaque année au travers de listes mises à jour en fonction de critères les efforts accomplis par certains pays. En matière des droits de l'Homme, on pourrait, en coordination avec ce qui se fait dans d'autres institutions, dont la vôtre, aboutir à une sorte, non de classement, mais d'évaluation afin de relever les efforts faits par les États.
Notre discussion de ce matin l'a montré - notre collègue d'Arménie a évoqué le conflit du Haut-Karabakh et le conflit avec l'Azerbaïdjan - ce genre de débat mérite mieux. Vous devez être là pour nous aider et évaluer les efforts.
Au travers de la commission des affaires juridiques et des droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, où nous sommes très vigilants sur le respect des normes édictées, je suis persuadé que certains de nos collègues sont prêts à agir à vos côtés lorsque des réactions se font jour après des événements aussi tragiques que des assassinats de journalistes ou d'élus qui travaillent au respect des droits de l'Homme.
Monsieur le Commissaire, bravo pour votre mission, bravo à nouveau au rapporteur, mais sachez qu'au-delà des compliments et du renfort des membres de l'Assemblée, nous sommes à vos côtés pour mener à bien votre mission ».
L'ouverture de l'Agence européenne des droits fondamentaux de l'Union Européenne en mars 2007 invite à reconsidérer le rôle du Commissaire aux droits de l'Homme. La résolution insiste pour que le Commissaire soit appréhendé comme un partenaire essentiel par l'Agence. Elle rejoint en cela les conclusions du rapport Juncker sur les relations entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne, qui estime en outre nécessaire une majoration des crédits affectés au commissariat pour rendre celui-ci plus efficace.
Présenté devant l'Assemblée parlementaire, le 11 avril 2006, par le Premier ministre luxembourgeois, M. Jean-Claude Juncker, ce rapport formule un certain nombre de recommandations en vue de renforcer les liens entre les deux organisations. Parmi celles-ci, on retiendra : - la reconnaissance par l'Union du Conseil de l'Europe comme référence continentale en matière de droits de l'Homme ; - le commissaire aux droits de l'homme doit être envisagé comme l'institution référence par l'Union pour toutes les questions de droits de l'Homme non couvertes par les mécanismes de suivi ; - le développement d'un dispositif de promotion et de renforcement en liaison avec la Commission de Venise du Conseil de l'Europe ; - la mise en oeuvre d'un espace juridique et judiciaire paneuropéen, espace normatif minimal marqué notamment par une intensification des activités de coopération au travers de la Commission de Venise, de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) ou du Groupement des États contre la corruption (GRECO) ; - l'élection d'une personnalité politique au Secrétariat général du Conseil de l'Europe afin de rééquilibrer les relations avec d'autres organisations, dont l'Union ;
- un renforcement des réunions entre les
directions des deux organisations qui seraient dès lors mieux
structurées et dotées d'un ordre du jour conséquent.
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La problématique budgétaire a d'ailleurs été au coeur des discussions, l'absence de moyens financiers et humains adéquats étant soulignée par le rapporteur. Une augmentation des crédits affectés au commissariat contribuerait à renforcer son indépendance. L'appel à une contribution de l'Union européenne est notamment esquissé dans la résolution telle qu'adoptée.
Les projets de recommandation et de résolution ont été adoptés à l'unanimité.