PARTIE I : ETAT ACTUEL DES FACTEURS D'INTEROPÉRABILITÉ DES SYSTÈMES D'INFORMATION EN SANTÉ
I. RAPPEL DES PREREQUIS
Les conditions préalables à remplir pour que des interlocuteurs échangent de l'information dans un cadre d'interopérabilité sont de divers ordres : elles ont trait, en particulier, aux normes ou standards, à l'existence de fichiers sans doublons mais aussi à la technologie, qu'il s'agisse des matériels, de l'accès aux applicatifs ou des applicatifs eux-mêmes.
A. ESSAI DE DÉFINITION
Selon le dictionnaire, l'interopérabilité est la « compatibilité des équipements, des procédures ou des organisations permettant à plusieurs systèmes, forces armées ou organismes d'agir ensemble ».
Dans le domaine des systèmes d'information, l'interopérabilité peut être entendue comme une propriété des systèmes permettant à deux ou plusieurs agents (automates ou utilisateurs finals) d'échanger de l'information et d'en comprendre le sens, indépendamment des bases technologiques utilisées et sans faire appel à une intervention humaine au cours de la chaîne de communication, que cette communication soit synchronisée (comme le téléphone) ou désynchronisée (comme la messagerie).
L'interopérabilité en matière de système d'information vise donc à rendre la communication compréhensible et indépendante des filières technologiques utilisées.
Elle repose sur un ensemble de conventions techniques entre les parties qui peuvent prendre la forme de convention d'usage (ex. l'alphabet), de standards de fait qui s'imposent au marché 12 ( * ) ou de normes nationales ou internationales (ex. les normes de télécommunication).
Concrètement, les conventions d'interopérabilité débouchent sur des spécifications techniques détaillées appelées spécifications d'interface, ou protocoles, que chaque concepteur se doit de respecter 13 ( * ) . L'interface est définie au dictionnaire comme « l'ensemble des règles et des conventions qui permettent l'échange d'information entre deux systèmes donnés ».
Dans le domaine des systèmes d'information, l'interopérabilité met en jeu une multitude de composants, matériels et logiciels, et engage des enjeux industriels considérables au niveau mondial 14 ( * ) .
L'incompatibilité entre les systèmes a été longtemps un obstacle à l'interopérabilité, chaque constructeur offrant des solutions qui lui étaient propres 15 ( * ) de manière à préserver ses parts de marché.
Une première étape fut franchie, sous la pression de la demande, avec les dispositifs d'interface spécialisés permettant d'assurer la compatibilité entre systèmes différents. Leur rôle consistait à faire en sorte que les composants d'une filière soient capables de se comporter comme la filière concurrente par simulation ou par intégration de composants logiciels de conversion 16 ( * ) . Cette voie n'était cependant praticable qu'avec un nombre limité de systèmes différents communiquant de manière bilatérale.
Les progrès de la communication sur les réseaux au cours de la décennie écoulée, notamment avec l'arrivée d'Internet, ont fait voler en éclat cette conception protectionniste pour faire place au principe de communication indépendante des bases technologiques utilisées. Les systèmes dits « ouverts » comme UNIX ne sont pas totalement étrangers à cette évolution.
* 12 Sous la pression des opérateurs dominants ou les plus influents (ex. Internet) ou d'avancées technologiques majeures (par exemple, le langage de programmation JAVA de la société Sun est devenu un standard international du développement sur Internet).
* 13 La téléphonie cellulaire en est un exemple récent qui a obligé les différents opérateurs à passer des accords pour permettre aux usagers de communiquer quels que soient les réseaux empruntés par les abonnés. Cette interconnexion des différents réseaux est transparente pour l'utilisateur dans la plupart des cas, mais il demeure des exceptions, notamment à l'international.
* 14 La condamnation en décembre 2004 de la société Microsoft par tribunal de 1ère instance de l'Europe à Luxembourg, suite au recours de Commission Européenne pour abus de position dominante, est une conséquence directe des réticences de cette société à rendre publiques toutes les spécifications techniques permettant la compatibilité avec ses propres systèmes ce qui constitue un obstacle délibéré à la concurrence.
* 15 Souvent appelées « solutions propriétaires » ; par exemple, les architectures de réseau ont longtemps été dominées par deux architectures concurrentes et incompatibles entre elles : l'architecture de réseau SNA d'IBM et l'architecture de réseau DSA de BULL.
* 16 Par exemple, les ordinateurs centraux BULL étaient capables de simuler la gestion et le fonctionnement des terminaux passifs IBM3270 de manière à unifier la vision du poste de travail pour l'utilisateur final utilisant les deux filières BULL et IBM.