II. UN AN APRÈS : UNE RÉFORME TOUJOURS INABOUTIE, UN FINANCEMENT QUI RESTE À TROUVER
A. UNE GESTION GREVÉE PAR L'AUGMENTATION DES TARIFS ET DES COÛTS
1. Un marché de l'équarrissage toujours peu concurrentiel
La réforme du SPE votée dans le cadre de la loi de finances pour 2006 prévoyait l'instauration d'un système d'appels d'offres nationaux à lots départementaux. Vos rapporteurs spéciaux avaient alors douté de la capacité de ce système à instaurer une concurrence effective.
Ces doutes sont aujourd'hui confirmés dans la mesure où le secteur de l'équarrissage reste caractérisé par l'existence de monopoles géographiques locaux, situation qui résulte de la concentration des structures industrielles entre deux groupes 9 ( * ) . Dès lors, 88 des 92 lots départementaux du nouveau marché ont fait l'objet d'une candidature unique .
Vos rapporteurs spéciaux considèrent que l'émergence d'une situation concurrentielle dans le secteur de l'équarrissage constitue peu ou prou une vue de l'esprit , dans la mesure où les coûts d'entrée sur le marché sont très élevés. De nouveaux intervenants devraient, en effet, se doter d'installations performantes, obéissant à d'exigeantes prescriptions réglementaires et par conséquent très coûteuses. De surcroît, et ainsi que l'observe la Cour des comptes, le marché des prestations spécifiques au SPE est restreint, couvrant un tonnage annuel de 430.000 tonnes (contre 5,3 millions de tonnes abattues pour la consommation humaine).
Faute de concurrence, l'administration ne dispose pas d'une réelle maîtrise des tarifs des prestations d'équarrissage . Une hausse de l'ordre de 19 % des tarifs des prestations d'élimination des animaux trouvés morts en exploitation a en effet résulté du nouveau marché public (soit un passage de 241,1 euros hors taxe par tonne à 287 euros entre le premier et le second semestres 2006).
Cette hausse s'est produite alors même :
1) que le prix moyen des prestations d'incinération avait baissé de 15 % sur la même période , baisse qui aurait pu ouvrir la voie à une diminution globale du prix de l'élimination ;
2) que les prix pratiqués par les équarrisseurs auprès des abattoirs avaient baissé de 15 % après l'exclusion des déchets d'abattoir du champ du SPE en octobre 2005. Il est résulté de cette baisse une diminution du chiffre d'affaires annuel des équarrisseurs d'environ 10 millions d'euros, tandis que la hausse des tarifs pratiqués dans le cadre du SPE procurait un surcroît de chiffre d'affaires de 20 millions d'euros.
Selon vos rapporteurs spéciaux, cette évolution divergente des tarifs des prestations d'équarrissage, fournies dans le cadre du SPE ou en dehors de ce cadre, ne s'explique pas totalement par la différence de structure de coûts 10 ( * ) des prestations SPE et hors SPE. Ils partagent, en outre, les interrogations de la Cour des comptes sur l'absence de répercussion sur les tarifs de l'équarrissage pratiqués dans le cadre du SPE, des gains de productivité résultant de la concentration du secteur et de l'industrialisation des prestations constatés sur la période récente.
2. Une gestion en voie d'amélioration, mais des charges en hausse
Vos rapporteurs spéciaux observent que le transfert de la gestion du SPE à l'Office interprofessionnel de l'élevage et de ses produits (ONIEP) a permis d'en améliorer les conditions .
L'ONIEP a créé en son sein une structure de gestion administrative, financière et comptable mobilisant 16,8 équivalents temps plein et doté le SPE d'une comptabilité autonome , conformément aux exigences de la Commission européenne. L'Office abrite également un « Comité de l'équarrissage » composé des représentants des fédérations professionnelles concernées et de l'administration susceptible d'améliorer le pilotage de ce service public. Toutefois, la gestion du SPE manque encore d'objectifs et d'indicateurs de performance clairs , carence à laquelle le prochain contrat d'objectifs avec l'ONIEP devrait, selon le ministère de l'agriculture et de la pêche, remédier.
Il convient également de prendre acte de l'amélioration de la qualité des contrôles du service fait , bien que les imperfections liées aux difficultés à déterminer le poids des enlèvements et le rendement en farines des cadavres persistent.
Le schéma d'exécution retenu permet enfin de ne pas faire supporter à l'ONIEP les éventuels défauts de contribution financière des éleveurs . Le recouvrement de ces contributions est en effet réputé effectué par les opérateurs du SPE.
Ces améliorations des conditions de gestion du SPE doivent toutefois être tempérées par l'alourdissement des charges constaté. Si la réduction progressive du périmètre du SPE a entraîné une baisse globale des dépenses de 19,5 % entre 2005 et 2007 (de 191 à 150 millions d'euros), à périmètre constant, les dépenses liées à la seule élimination des ATME ont augmenté de 14,5 % sur la même période (de 131 à 150 millions d'euros) 11 ( * ) .
Vos rapporteurs spéciaux jugent cette augmentation des charges d'autant plus préoccupante que, selon la Cour des comptes, « une hausse des coûts du SPE risque de se produire dans le cadre d'exécution établi par le marché public, dont certaines clauses constituent des sources d'incertitudes ». Il en va ainsi :
1) au stade de la collecte , du risque lié au choix du tonnage , plutôt que du nombre de passages en fermes, comme unité d'oeuvre. Tant que les opérateurs ne seront pas équipés de systèmes de pesée performants, des imprécisions pourront en effet emporter une hausse des coûts ;
2) au stade la transformation , du risque de rémunérer indûment les opérateurs en raison de l'inscription dans le marché public d'un coefficient technique forfaitaire fixe de transformation des tonnages de déchets collectés en farines vraisemblablement surévalué 12 ( * ) ;
3) au stade de l'achèvement du processus d'élimination , du risque, lié au choix d'un mode de facturation global , de ne pas voir répercuter certaines baisses de coûts affectant une des étapes qui constituent la prestation globale (collecte, transformation, élimination).
* 9 SARIA Bio-Industries et CAILLAUD.
* 10 Différence probablement amplifiée par le découpage départemental, qui ne correspond pas aux implantations et aux zones de chalandise des centres d'équarrissage et d'abattage.
* 11 La Cour des comptes observe par ailleurs que cette augmentation des dépenses est concomitante d'une baisse des tonnages collectés.
* 12 Ce coefficient est de 28 %, alors que le taux de transformation mentionné dans le rapport annuel du Syndicat des industries françaises des coproduits animaux est de 27 %.