III. QUELLE POLITIQUE POUR LA FRANCE À L'OTAN ?
La France a pris une part active à la fondation de l'Alliance atlantique en 1949. Jusqu'à son retrait de la structure militaire intégrée en 1966, elle accueillait sur son territoire les principales instances politiques et militaires alliées. Le français reste l'une des deux langues officielles de l'OTAN, même si - et on peut le déplorer - beaucoup trop de documents de travail ou d'information ne sont pas traduits en français ou sont traduits avec retard. Il importerait à ce sujet que nos représentants, à tous les niveaux, interviennent et insistent pour que le français occupe bien la place que lui reconnaissent les statuts de l'organisation.
Largement impliquée dans les opérations et les évolutions de l'Alliance atlantique, la France conserve son statut particulier parmi les 26 Etats-membres, bien que la portée de cette singularité apparaisse désormais plus politique que pratique .
En effet, la notion de « structure militaire intégrée », telle qu'on l'entendait à l'époque de la guerre froide dans la perspective de la préparation des forces alliées à un engagement sous la conduite d'un commandement supranational, a peu à peu perdu en contenu.
La France reste hors de cette structure intégrée, mais cela n'empêche en rien les forces françaises de figurer parmi les principaux contingents dans les opérations de l'OTAN, ni à des officiers français d'avoir commandé ces forces au Kosovo et en Afghanistan. De même, la France a soutenu la constitution de la Nato response force (NRF) et y apporte une participation très substantielle.
Ce constat n'interdit pas, cependant, de s'interroger sur le sens de cet engagement renforcé au sein de l'OTAN et sur les objectifs que nous y poursuivons .
Singulier vis-à-vis des structures de l'OTAN, notre statut nous distingue également des vingt autres alliés membres de l'Union européenne avec lesquels nous entendons oeuvrer au développement d'une politique européenne de sécurité et de défense. Il importe donc de savoir si notre position constitue ou non un handicap quant à notre capacité à réunir ces pays partenaires autour d'objectifs communs.
Par ailleurs, le niveau élevé de notre contribution place de facto l'OTAN comme l'un des cadres privilégiés dans lesquels s'inscrit notre politique de défense. On peut donc se demander si la capacité de notre pays à peser davantage sur les orientations qu'il souhaite voir prendre à l'Alliance au cours des années à venir est bien en rapport avec cette contribution très significative.
A. UNE IMPLICATION RENFORCÉE DEPUIS 10 ANS
Le renforcement de la présence française au sein de l'Alliance s'est manifesté depuis dix ans à tous les niveaux : au sein de plusieurs structures dont elle était auparavant absente, à travers la participation aux opérations, dans le soutien à la mise en place de la Nato response force ou dans plusieurs programmes d'investissement capacitaires et enfin, sur le plan financier, par l'augmentation de notre contribution budgétaire.
1. La France dans les structures de l'OTAN : une présence progressivement accrue
En décidant en 1966 de quitter la structure militaire intégrée de l'OTAN, la France voulait affirmer l'indépendance de sa politique étrangère et tirer les conséquences de la création d'une force nucléaire autonome.
Concrètement, cette décision emportait quatre conséquences : le retrait des forces étrangères de l'Alliance stationnant sur le territoire français ; le refus de placer les forces françaises sous le commandement opérationnel de l'OTAN , ce qui retirait à cette dernière le droit de planifier l'emploi des forces françaises dans la perspective d'un conflit et écartait la possibilité d'un engagement automatique de ces forces sans décision politique nationale préalable ; la non participation aux instances intergouvernementales en charge de la planification de défense (comité des plans de défense) et de la planification nucléaire (groupe des plans nucléaires), ainsi qu'à la plus haute instance militaire, le comité militaire de l'OTAN ; le retrait des officiers français intégrés dans les états-majors de l'OTAN . Par ailleurs, la France ne participait plus aux réunions des ministres de la défense de l'Alliance.
Le retrait de la structure militaire intégrée ne remettait pas en cause la détermination de la France à respecter la clause de défense collective en cas d'agression. Il s'est accompagné d'accords de coopération fixant les conditions dans lesquelles les forces françaises interviendraient aux côtés des forces intégrées en cas de conflit (accords Ailleret-Lemnitzer de 1967). Parallèlement, des missions militaires françaises étaient instaurées auprès des différents commandements alliés. Cette position singulière conduisait la France à distinguer l'Alliance, dont elle se considérait toujours membre à part entière, et l'organisation intégrée, dont elle s'était retirée.
Depuis la fin de la guerre froide et à compter de l'implication de l'OTAN dans les Balkans, la position française a notablement évolué .
A la fin de l'année 1995, la France annonçait qu'elle participerait de nouveaux aux réunions des ministres de la défense de l'Alliance et que son chef d'état-major réintégrerait le comité militaire . Evoquée, la réintégration pleine et entière de la France dans l'OTAN achoppe alors sur la question d'un rééquilibrage des commandements, la proposition française d'attribuer à un Européen le commandement en charge de la Méditerranée ( Cincsouth ) étant rejetée.
La France participe à toutes les instances intergouvernementales de l'Alliance (Conseil de l'Atlantique Nord, Comité militaire, État-major international notamment), hormis le Comité des plans de défense et le Groupe des plans nucléaires qui traitent respectivement de la planification de défense et de la planification nucléaire. La planification de défense, distincte de la planification opérationnelle, vise en théorie à coordonner les politiques de défense des alliés et à leur assigner des objectifs de forces en fonction des besoins recensés par l'OTAN.
Cependant, la participation française aux opérations de l'OTAN l'avait amenée à « insérer », terme qui suppose qu'ils peuvent être retirés à tout moment, certains officiers au Grand quartier général des forces alliées en Europe ( SHAPE ).
Une nouvelle étape a été franchie après 2002, à la suite des décisions du sommet de Prague relatives à la refonte des structures de commandement de l'OTAN et à la mise en place de la NRF .
D'une part, la France a considéré que le nouveau commandement dédié à la transformation possédait un caractère plus stratégique qu'opérationnel, et qu'elle avait donc vocation à y participer pleinement. Elle y voit un moyen de bénéficier de la réflexion américaine en vue d'améliorer la compatibilité de nos forces avec celles des États-Unis
D'autre part, elle a accentué de manière limitée et ciblée, l'insertion d'officiers français dans les états-majors en charge des planifications opérationnelles qui concernent la France.
La participation française aux états-majors de l'OTAN a été formalisée dans l'accord dit « Flag to posts » du 18 mars 2004. Cet accord prévoit une enveloppe de 110 postes pour la France . Les officiers effectivement « insérés » dans ces états-majors sont au nombre de 107, dont 34 relevant de l' Allied Command Transformation de Norfolk et 73 relevant de l' Allied Command Operations en Europe. A ces personnels s'ajoutent 43 autres militaires français insérés dans des organismes ou agences de l'OTAN.
L'insertion dans les états-majors représente une évolution sensible par rapport au dispositif des missions militaires ou des officiers de liaison auprès des principaux états-majors. Ceux-ci constituaient depuis plusieurs décennies l'unique lien avec la structure militaire de l'Alliance pour tenir compte des besoins de coordination et d'interopérabilité nécessaires à une éventuelle implication des forces françaises dans les opérations de défense collective ou de gestion de crise.
Le choix des postes occupés par les personnels insérés a été effectué en fonction des priorités actuelles de l'Alliance : la transformation et les opérations.
Globalement, même renforcée, la présence française au sein des états-majors de l'OTAN reste extrêmement modeste : 110 militaires sur un total de près de 11 000 personnels inclus dans la structure militaire intégrée, soit 1 % de l'effectif. En comparaison, la présence américaine avoisine les 2 800 personnes, la présence britannique plus de 2 000 personnes, tout comme la présence allemande, les Italiens comptant environ 1 200 militaires intégrés et les Turcs près de 600.
Enfin, la France a accentué la participation de ses militaires aux structures en charge de la formation, comme le comme l'école de l'OTAN à Oberammergau.