II. LES MEDIAS AU JAPON : UNE ORGANISATION SINGULIÈRE

Profondément marqué par un système capitalistique traditionnel caractérisé par le regroupement d'activités multimédias au sein de groupes puissants à l'échelle nationale, le secteur des médias japonais offre un visage diversifié et dynamique aux observateurs européens.

A. LES QUOTIDIENS, PIVOT DU SECTEUR MÉDIATIQUE JAPONAIS

Les principaux groupes médiatiques japonais se sont construits et organisés autour des grands quotidiens : Asahi Shimbun, Yomiuri Shimbun, Sankei Shimbun, Nihon Keizai Shimbun et Mainichi Shimbun.

Ces journaux ont su développer d'autres activités que la presse quotidienne et s'assurer du contrôle des médias audiovisuels. Ce développement s'est fait avec l'aide de l'Etat, favorable à l'idée d'une « rationalisation » du secteur médiatique où presse, radio et télévision pourraient coexister harmonieusement.

La concentration des médias au sein de grands groupes a ainsi favorisé le développement d'un système médiatique dans lequel une source d'information possède plusieurs débouchés. De la sorte, pendant une longue période, la recherche et le traitement de l'information relevaient pour les principales chaînes de télévision privée principalement du « quotidien dominant ».

1. Une illustration du capitalisme à la japonaise

Le secteur médiatique japonais demeure profondément marqué par le système des kereitsu, terme japonais désignant un ensemble d' entreprises entretenant entre elles des participations croisées.

Conglomérats formés d'une multitude d'entreprises, généralement liées entre elles par des liens financiers tissés à partir d'une banque de référence jouant le rôle de prêteur à court terme, ces groupes privilégient un financement interne.

Ce système a notamment l'avantage de permettre le contournement des dispositifs anti-concentration 16 ( * ) . Les groupes médiatiques organisés autour des grands quotidiens ont joué de cet avantage. Le groupe Yomiuri s'est ainsi assuré le contrôle de la station de télévision Nihon terebi en faisant détenir le capital de celle-ci par plusieurs de ses entités : 10 % par le Yomiuri Shimbun, le reste étant réparti entre les membres de la famille du « clan Yomiuri » et le parc d'attraction Yomiuri land.

2. Un secteur « protégé »

Les grands titres de la presse quotidienne à l'origine des puissants groupes médiatiques ont pu bénéficier, en outre, d'une disposition spéciale du code de commerce leur permettant d'imposer des restrictions sur la vente ou le transfert de leurs actions.

La plupart des ces titres ne sont donc pas côtés en bourse, les actions étant contrôlées principalement par des associations représentant les employés et les membres de la famille des fondateurs des journaux 17 ( * ) .

Si les entreprises de radiodiffusion peuvent quant à elles être cotées en bourse, leur appartenance aux journaux les place dans la même situation. Par conséquent, les groupes médiatiques japonais sont protégés des tentatives d'achat lancées tant par les concurrents étrangers que par les entreprises japonaises issues d'autres secteurs économiques.

3. Des groupes diversifiés

Si les cinq grands conglomérats japonais (Asahi Shimbun, Yomiuri Shimbun, Sankei Shimbun, Nihon Keizai Shimbun et Mainichi Shimbun) dominent les secteurs de la presse et de l'audiovisuel, leurs activités ne se limitent pas à ces deux domaines.

Les membres de la mission ont ainsi pu constater que le groupe Yomiuri disposait non seulement de filiales et de participations dans la télévision, la radio, la presse quotidienne, la presse magazine, l'édition mais aussi dans des compagnies de production cinématographique, télévisuelle et musicale.

Bien plus, M. Hitoshi Uchiyama, président directeur général du journal a précisé aux membres de la mission que les activités du Yomiuri s'étendaient également aux agences de voyages, aux écoles de commerce et à la gestion de droit d'auteur et de marchandisage. Le conglomérat possède et gère enfin des immeubles, des parcs de loisirs, des musées et des infrastructures sportives, une équipe de baseball et deux équipes de football.

Le groupe Asahi, en plus de ses activités de presse, de télévision, de radio et d'édition s'est, quant à lui, assuré le contrôle d'entreprises d'impression et de distribution de compagnies d'achat d'espace publicitaire et d'agences de publicité. Il a aussi acquis des compagnies de gestion d'immeubles, des compagnies d'assurances, des agences de voyage, des magasins et des services de courrier.

* 16 Le pourcentage de participation dans une chaîne de télévision ou de radio a ainsi été initialement limité à 10 % puis à 20 % du capital.

* 17 On peut citer à titre d'exemple les familles Murayama et Ueno pour le Asahi, la famille Shikanai pour le Sankeik, et la famille Shoriki pour le Yomiuri...

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