Le présent rapport d'information rend compte de deux missions de contrôle sur pièces et sur place des crédits d'aide publique au développement octroyés par la France à sept pays , effectuées par votre rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement » pour la commission des finances du Sénat, en application de l'article 57 de la LOLF.
Les sept pays concernés, répartis dans deux zones géographiques où la France tend à renforcer sa présence, incluent quatre pays parmi les moins avancés (Cambodge, Laos, Madagascar, Mozambique), deux pays émergents (Afrique du Sud et Chine), et un pays, le Vietnam, que l'on peut qualifier de « pré-émergent » compte tenu du rythme d'accroissement de son niveau de vie.
Conformément à sa pratique habituelle, votre rapporteur spécial a visité un nombre réduit de projets pour mieux se consacrer aux opérations de contrôle et entretiens avec les bailleurs et autorités locales. Chaque mission comportait au minimum les étapes suivantes :
- l'examen des projets et de certaines pièces comptables du Service de coopération et d'action culturelle (SCAC) de l'ambassade et de l'Agence française de développement. La Chine, qui n'appartient pas à la Zone de solidarité prioritaire (ZSP), constituait un cas particulier et votre rapporteur spécial n'y a pas examiné les actions du SCAC ;
- des visites du Lycée français, du centre culturel, et le cas échéant de l'Alliance française ;
- un déjeuner de travail avec un groupe représentatif d'opérateurs économiques français ;
- des entretiens avec les représentants des principaux bailleurs et acteurs internationaux (Banque mondiale, Commission européenne, FMI, Banque africaine ou asiatique de développement) ;
- des entretiens avec un ou plusieurs ministres du gouvernement ;
- le cas échéant, une réunion avec la mission économique sur les réalisations financées par les instruments d'aide liée que sont le FASEP (subventions) et la RPE (prêts).
Le temps limité dont disposait votre rapporteur spécial lors de ces missions ne lui permettait pas de réaliser des contrôles exhaustifs des pièces comptables et marchés publics ; il a donc procédé par sondage en se focalisant sur certaines thématiques et sur les projets qui lui apparaissaient en première instance moins performants. Les observations portées dans le présent rapport ont pour la plupart été arrêtées aux dates de retour des missions.
PRINCIPALES OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Aide internationale : ne pas trop privilégier les pays émergents
Les pays émergents - et en l'espèce la Chine et le Vietnam - exercent une singulière force d'attraction sur les bailleurs, qui relève du dilemme ou du paradoxe , selon le point de vue. Ces pays sont effet plus solvables et ceux où les perspectives d'efficacité et d'impact de l'aide semblent a priori les plus encourageantes, mais aussi ceux qui disposent de moyens croissants pour assumer leur développement. Un pays tel que le Vietnam en vient à être quasiment « saturé » d'APD et ne dispose pas, ainsi que le souligne le FMI, de capacités suffisantes d'absorption d'une aide dont les engagements annuels sont croissants.
La prise en compte du caractère émergent de certains pays doit conduire la France à envisager clairement la sortie de l'Afrique du Sud et du Vietnam de la trop large Zone de solidarité prioritaire (ZSP) , compte tenu de leurs niveau et rythme de développement (accession du Vietnam à la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure - PRITI - d'ici 2011). Cette sortie impliquerait une extinction progressive des dons-projets du FSP et de privilégier les prêts plus ou moins concessionnels de l'AFD comme les instruments d'aide liée (FASEP et RPE).
2. Coordination et harmonisation de l'aide : un processus nécessaire et imparfait
Dans la continuité de la Déclaration de Paris de mars 2005, le processus de concertation sur les objectifs et instruments et d'harmonisation des procédures des nombreux bailleurs est nécessaire pour réduire les doublons et les coûts de transaction et de gestion. Il est ainsi particulièrement développé au Vietnam et au Mozambique, ce dernier étant un « pays-test » en Afrique de l'efficacité des nouvelles procédures.
Il est toutefois chronophage, entretient une nouvelle technocratie et des coûts de transaction supplémentaires, est dominé par les institutions financières internationales et pâtit de l'absence de la Chine, bailleur très influent mais « discret » en Asie comme en Afrique.
La France occupe généralement une place importante et reconnue dans le processus, mais tend à asseoir sa crédibilité de manière trop exclusive sur le secteur agricole , au détriment notamment de la formation économique et juridique des administrations locales (Laos).
La coordination entre Etats européens n'est pas toujours à la hauteur des ambitions affichées au niveau de l'ensemble des bailleurs, en particulier au Laos où elle a pu être qualifiée de « vue de l'esprit ». La mise en place de procédures communes à tous les Etats membres étant probablement illusoire, il apparaît préférable de désigner, pour chaque secteur, l'Etat a priori le plus compétent comme chef de file.
3. Demeurer prudent sur le recours à l'aide budgétaire globale
L'exigence de simplification des circuits d'aide conduit naturellement les bailleurs - en particulier la Banque mondiale et la Commission européenne via le FED - à privilégier l'aide budgétaire , sectorielle ou globale 1 ( * ) . Cette orientation doit toutefois être examinée avec prudence et paraît prématurée dans des pays comme le Laos ou Madagascar , où les faibles capacités de l'administration ne garantissent pas une utilisation des fonds réellement conforme aux objectifs des bailleurs.
En outre, l'aide budgétaire est susceptible d'être utilisée en « circuit fermé », pour le remboursement de prêts antérieurs d'institutions financières internationales, comme votre rapporteur spécial l'a constaté à Madagascar.
L'expérience du PRSC au Vietnam , aide budgétaire globale coordonnée par la Banque mondiale et à laquelle la France pourrait participer pour 10 millions d'euros (dont 9 millions d'euros en prêts), témoigne bien des limites et risques de ce type d'instrument (corruption, remise en cause des indicateurs, comptes-rendus d'utilisation insuffisants...), qui a en l'espèce un rôle d'affichage mais pas nécessairement une vertu d'exemplarité.
4. Deux axes structurants de la gouvernance : la sécurité fiscale de l'Etat et la sécurité juridique des investisseurs
Il est difficile, tant pour les gouvernements que les bailleurs, d'établir des priorités de premier rang dans des pays tels que le Cambodge et le Laos, où tout paraît encore à construire. L'accroissement de la pression fiscale et la sécurisation des nouvelles recettes de l'Etat (en particulier pétrolières au Cambodge, et des mines et du nouveau barrage NT2 au Laos) peuvent néanmoins être considérés comme un axe majeur, compte tenu de leurs effets d'entraînement sur le financement du développement, la réduction de l'économie parallèle ou la fiabilisation de l'appareil administratif. La France a de réelles compétences à faire valoir en la matière et les SCAC doivent donc développer les outils de type « PARAF » (appui à la réforme des administrations financières).
De même, la nécessaire amélioration de la sécurité juridique , souhaitée par tous les opérateurs économiques et susceptible de favoriser les investissements privés (notamment pour relayer l'APD), légitime une aide française ciblée en matière de codification et de formation des magistrats , qui de surcroît étendrait l'ancrage du droit civil dans des pays où les flux d'affaires conduisent à une importation croissante du droit anglo-saxon.
5. Les progrès inégaux des documents-cadres de partenariat (DCP)
Sur la forme, les six DCP examinés sont plutôt bien conçus et témoignent d'un effort de réflexion stratégique comme de hiérarchisation des priorités.
L'identification systématique de 2 ou 3 secteurs de concentration n'exclut toutefois pas la tentation de l'éparpillement et de la présence dans tous les domaines, comme c'est plus particulièrement le cas au Cambodge et au Vietnam. La dimension partenariale peut aussi être ambiguë ou servir d'alibi : « shopping list » extensive du pays récipiendaire, objectifs de sélectivité et d'une meilleure acceptabilité d'une diminution des montants d'aide du côté français.
Avec 4 secteurs de concentration (à la demande du gouvernement malgache), le DCP de Madagascar n'est pas conforme aux règles d'élaboration de ces documents. La fourchette d'engagements figurant dans le DCP du Mozambique est également trop large.
Le statut des DCP est hybride et sa portée juridique (en particulier s'agissant des montants d'aide) peut être perçue différemment : à caractère indicatif pour la France, ou « engageant » du point de vue du pays bénéficiaire. Il serait utile de prévoir deux tranches de crédits , l'une ferme et l'autre conditionnelle, pour préserver une certaine marge de négociation, et un examen par les deux parlements concernés. En outre, les DCP ne font pas suffisamment apparaître l'ampleur de l'aide française transitant par les canaux multilatéraux (FED, Fonds mondial de lutte contre le sida, Banque mondiale...).
6. Une assimilation incomplète des acquis de la LOLF
L'adaptation des procédures comptables à la LOLF illustre les difficultés traditionnellement associées à une période de transition, et est perçue comme un facteur de complexité , d'augmentation du temps de traitement et d'inadéquation au caractère pluriannuel du FSP. La fongibilité selon le niveau de performance des actions n'est cependant pas assez utilisée.
En outre, les postes n'ont pas pleinement intégré la logique de performance puisque aucun indicateur local ni reporting dédié n'est mis en oeuvre, faute d'instructions précises de la DGCID. Les SCAC semblent donc encore plutôt éprouver les inconvénients de la LOLF (en dépit de l'amélioration du fonctionnement du logiciel COREGE) que son intérêt en termes de mesure et d'amélioration de l'efficacité des actions de coopération.
7. Le bilan encore mitigé des contrats de désendettement-développement (C2D)
L'affectation du C2D consenti à Madagascar au seul canal de l'aide budgétaire globale est risquée et n'est pas pleinement conforme à la doctrine d'emploi de cet instrument , qui relève plutôt de l'aide-programme.
Le bilan intermédiaire des deux C2D octroyés au Mozambique est également contrasté et relève notamment, outre d'indéniables aspects positifs, les défauts suivants : une certaine complexité, une faible appropriation par le gouvernement et la société civile, la singularité dans le dispositif d'harmonisation des bailleurs, des coûts administratifs non couverts par la rémunération de l'AFD, et un impact incertain sur la réduction de la pauvreté.
Le principe du mécanisme n'appelle toutefois pas de remise en cause.
8. Des projets FSP aux résultats aléatoires
Contrairement aux exercices 2003 et 2004, il n'y a pas eu de crise de paiement du FSP en 2005 et 2006, au point que la dotation a pu se révéler supérieure aux besoins à Madagascar , où le SCAC mettait en oeuvre mi-2006 pas moins de 13 projets (hors FSP mobilisateurs).
A contrario , le FSP au Mozambique était en « fin de parcours » avec un seul projet vivant avant l'octroi d'un nouveau FSD fin 2006. De manière générale, le flux de nouveaux projets est relativement faible, ce qui révèle l'impact des transferts sectoriels à l'AFD, mais aussi plus généralement une certaine marginalisation de l'outil FSP dans le dispositif de coopération .
Le taux de décaissement, souvent élevé en apparence, doit être relativisé par l'âge moyen des projets, dont l'exécution est souvent lente et donne lieu à de nombreux reports de la date de clôture (conduisant parfois à doubler la durée prévisionnelle de réalisation), ou des reliquats élevés (Vietnam). Cela n'empêche pas les postes de formuler auprès de la DGCID des demandes de crédits parfois très optimistes.
Les résultats des projets sont également contrastés et certaines incohérences ont été relevées sur les conditions suspensives (projet de mise en valeur du patrimoine au Laos). Les décaissements sur certains projets à Madagascar et en Afrique du Sud sont faibles ou très discontinus , faute de réelle appropriation par le gouvernement local ou de définition d'objectifs et composantes précis et mesurables (cas des projets culturels, pédagogiques ou de formation).
Les responsabilités en sont partagées entre l'administration centrale (délégation tardive de crédits, réactivité insuffisante et discontinuité du recrutement des AT), les postes (objectifs optimistes, irréalistes ou trop flous des projets) et la maîtrise d'ouvrage (manque de motivation ou de capacités de gestion).
Un projet utile, bien ciblé et voulu par l'ensemble des parties prenantes - et non pas seulement né de l'auto-conviction des acteurs de la coopération française - limite toutefois considérablement ces dérives et le risque d' « acharnement thérapeutique », habituels dans les pays de la ZSP . Trop souvent, les SCAC maintiennent des composantes médiocres ou qui ne suscitent guère l'intérêt du partenaire local, et hésitent à les redéployer sur des composantes qui fonctionnent.
9. Une gestion des projets qui pourrait être plus pragmatique et rigoureuse
Votre rapporteur spécial a constaté certaines « scories » (aide indirectement liée, paiement après fourniture d'un rapport financier plutôt que des factures, rapports de mission d'expert de qualité variable...), qui pourraient requérir de la DGCID une revue des conditions et le cas échéant une actualisation des modèles de convention disponibles sur l'Intranet.
La gestion de l'assistance technique par la DGCID apparaît parfois problématique et « au coup par coup » (Cambodge), avec des vacances de postes trop prolongées qui nuisent à la cohérence et au rythme d'exécution des projets. Il devrait être possible de désigner à l'avance un chef de projet intérimaire ou de constituer à Paris une « équipe volante » d'assistants techniques pour combler les interstices.
Votre rapporteur spécial déplore à nouveau que les projets FSP ne soient pas soumis à un vade-mecum permettant d'établir, de façon harmonisée dans les différents postes, une présentation synthétique, un suivi critique et une notation des composantes de chaque projet. Cette dimension critique est trop peu présente dans les documents internes des postes. L'extension, aux projets FSP du Laos, de la procédure de revue annuelle du portefeuille pratiquée par l'AFD, est cependant opportune.
Les FSP régionaux et mobilisateurs , conçus par la DGCID, apparaissent parfois peu clairs aux postes , tant dans leurs objectifs que dans leurs modalités, en particulier, en Asie du sud-est, les projets VALOFRASE, supposé succéder aux projets d'enseignement du français dans des conditions incertaines, et Sud-experts plantes.
Le transfert de plusieurs projets à l'AFD a causé certaines difficultés, source de ralentissement de l'exécution des projets . Certains problèmes sont logiques compte tenu des nouvelles procédures mises en oeuvre (renouvellement des contrats de recrutement des AT et des conventions de financement, acclimatation de l'AFD à sa nouvelle compétence en matière d'enseignement primaire et secondaire...), mais le transfert revêt un caractère trop systématique dans certains cas (Vietnam), lorsque le montant réduit des versements résiduels pouvait justifier le maintien de la compétence d'exécution du SCAC.
Le FSD est un instrument souvent performant dans les pays les moins avancés et très illustratif de la nécessité pour les postes de disposer d'une enveloppe affectée à de multiples petites actions, très visibles, impliquant des partenaires locaux et améliorant les conditions de vie des populations rurales.
10. Francophonie et culture : ciblage réaliste ou manque d'ambition ?
Votre rapporteur spécial retient la grande qualité des installations et équipements des centres culturels, alliances françaises et médiathèques, qui font de ce réseau un vecteur du prestige et de l'influence de la France. Il est cependant nécessaire de fusionner autant que possible les alliances et centres culturels dans les grandes villes (comme à Hanoi), bien que leurs activités et statuts ne se confondent pas, pour permettre la création de petites alliances dans des lieux plus reculés mais où perdure une demande de langue et de culture françaises.
Dans des pays où la francophonie passée et actuelle est parfois mythifiée (en particulier au Vietnam, où elle ne concerne guère que 0,7 % de la population) et globalement en baisse, la promotion de la langue et de la pensée françaises tend désormais à s'éloigner d'une aspiration universelle pour privilégier les élites locales et la diffusion des diplômes français, tant dans un objectif de profit économique et politique que par manque de moyens, le qualitatif primant sur le quantitatif. La culture et l'enseignement ont ainsi pris le pas sur l'apprentissage de la langue elle-même, ce qui peut être une stratégie risquée .
La logique de prescription et d'influence sur les futurs leaders gouvernementaux et économiques permet certes d'espérer un « retour sur investissement » plus identifiable et rapide, mais la maîtrise de la langue dès le plus jeune âge reste le meilleur moyen de modeler la pensée, ce qui conduit votre rapporteur spécial à encourager le développement des classes bilingues . De même, votre rapporteur spécial déplore que dans le cadre du projet mobilisateur SYNERGIE, le ciblage des élites locales s'accompagne de cours en anglais, donnés par des professeurs d'écoles de commerce françaises missionnés de France pour un coût élevé.
Le positionnement de l'Institut français d'Afrique du sud ( IFAS ), qui bénéficie de moyens importants alors que l'alliance française de Soweto a quasiment disparu, est révélateur de certaines tentations la francophonie : trop de traductions en anglais, une exposition sur Picasso et les arts premiers qui a contribué à véhiculer une image de colon nostalgique.
11. Poursuivre la modernisation du dispositif de financement des ONG
Parallèlement à l'intensification de la coopération avec les ONG décidée par le CICID, le dispositif d'octroi et de suivi des subventions par le MAE a été réorganisé, tenant notamment compte de certaines recommandations formulées par votre rapporteur spécial dans ses rapports budgétaires, et la déconcentration auprès des postes a été étendue.
Il importe d'accompagner cette évolution utile par un réel « reporting ascendant » des SCAC - meilleurs juges de l'action de ONG subventionnées - vers la MAIIONG sur l'efficacité et la rigueur de ces associations. Ces informations seraient consolidées par la MAIIONG afin de disposer d'une vision transversale et sélective des meilleurs partenaires, pour ensuite leur proposer un contrat d'objectifs et de moyens (qui garantit la complémentarité des stratégies et une certaine pérennité de ressources des ONG) sur des fondements objectifs.
12. Faire mieux contribuer les bourses d'étude au codéveloppement
La croissance des bourses doctorales et d'études, en particulier à Madagascar, est susceptible d'exercer un impact limité sur le développement dès lors que la majorité des bénéficiaires reste en France. Dans une perspective de « retour au pays » et de codéveloppement , il serait nécessaire que les entreprises françaises présentes dans les pays concernés réservent des postes de responsabilités à de jeunes diplômés ressortissants .
Votre rapporteur spécial a constaté le maintien injustifié de « bourses de haute courtoisie » au Lycée français de Vientiane , bénéficiant à des enfants de familles de dignitaires du régime et ne reposant sur aucune convention formelle, si ce n'est un document écrit sans réelle valeur juridique.
Votre rapporteur spécial n'a pas eu le temps d'approfondir le processus de sélection des boursiers, mais attire l'attention sur la nécessité de ne pas s'en remettre à des comités de sélection pléthoriques (comme ce fut le cas au Vietnam jusqu'à une période récente), susceptibles de multiplier les biais et traitements particuliers.
13. Les ambiguïtés de la stratégie de l'AFD
Le positionnement de l'AFD en Chine est ambigu , trop proche de celui de la mission économique, et s'est révélé hésitant en 2003-2004. Votre rapporteur spécial a en effet constaté les points suivants :
- une arrivée trop tardive et une montée en puissance progressive alors que la plupart des autres bailleurs bilatéraux commencent à diminuer leurs engagements ;
- une stratégie de promotion de l'efficacité énergétique moins « différenciante » qu'il y paraît, alors que des zones de pauvreté subsistent dans le centre du pays ;
- un soutien indirect aux entreprises françaises pour ne pas contrevenir ouvertement au principe de l'aide déliée ;
- et des prêts concessionnels moins compétitifs que ceux proposés par l'Allemagne ou le Japon (outre les dons octroyés par l'Australie, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni).
L'antenne régionale de Proparco à Bangkok fait preuve d'une implication et d'une proactivité insuffisantes , causant l'incompréhension de plusieurs entrepreneurs français que votre rapporteur spécial a rencontrés. Les engagements financiers de cette filiale au Cambodge et au Laos paraissent inférieurs aux besoins et opportunités. Les nombreuses précisions apportées par le bureau régional (cf. annexe du présent rapport d'information), suite au compte-rendu de mission que votre rapporteur spécial avait adressé à l'AFD, sont toutefois de nature à tempérer ses critiques.
La stratégie d'accroissement du montant moyen des concours ne doit pas conduire l'Agence, en particulier dans les nouveaux secteurs relevant de sa compétence, à ignorer des projets considérés comme de faible montant, mais qui sont souhaités par le pays partenaire et peuvent exercer des effets réels sur le terrain (cas de la construction d'une pédiatrie de jour à Maputo).
14. La gestion des projets de l'AFD : des améliorations possibles
Le rythme de décaissement est plutôt satisfaisant dans les agences contrôlées, y compris en Chine malgré une installation récente (juillet 2004). Plusieurs projets connaissent toutefois un démarrage « poussif », une exécution lente ou des reliquats élevés , en particulier ceux relatifs au développement rural, compromettant la pertinence du financement comme son résultat final. Certains projets ont néanmoins été clôturés par anticipation.
L'agence recourt trop peu aux prêts non souverains , qui pourtant peuvent être de réels succès, avec des apports très concrets en termes de développement, comme l'illustre le financement de la station de traitement des eaux de Chruoy Chang War à Phnom Penh. Votre rapporteur spécial reconnaît que les opportunités en la matière sont rares, mais ce type de prêt est davantage utilisé dans d'autres pays de la ZSP, par exemple en Afrique du Sud ou au Mozambique.
En dépit des explications fournies par la direction générale de l'AFD, la qualité et la précision de la notation des projets sont inégales (meilleures au Mozambique qu'en Afrique du Sud par exemple), et il subsiste dans certains cas une impression d'incohérence entre une notation favorable (A ou B) et un rythme d'exécution médiocre.
Enfin le traitement de la TVA soulève des difficultés qui ont été soulignées au Mozambique et appellent une solution concertée entre bailleurs.
15. L'aide liée du FASEP et de la RPE
Votre rapporteur spécial n'a pas relevé de dysfonctionnements majeurs sur ces deux instruments pilotés par les missions économiques de Hanoi et Pékin, en cours de recentrage après avoir été déployés dans des secteurs industriels variés.
Certains financements ont été cependant interrompus ou ralentis en raison de difficultés imputables au bénéficiaire local (inertie, blocages douaniers ou fonciers...) ou, plus rarement, au prestataire français. Le recours à des prestataires français à l'issue des financements du FASEP atteint ou dépasse la cible de 20 % fixée dans l'indicateur du programme 110 « Aide économique et financière au développement ».
Votre rapporteur spécial n'a pas relevé d'infraction majeure aux règles comptables et budgétaires de l'Etat.
* 1 Pour la France, la doctrine d'emploi de cette aide a été précisée lors de la réunion du conseil de surveillance de l'AFD du 29 mars 2007.