b) La convergence des outils de compensation de la perte d'autonomie peut être rapidement engagée
Si certaines disparités de traitement sont justifiées par la différence objective de situation entre personnes âgées et handicapées, d'autres choquent à juste titre les usagers et peuvent être traitées pour améliorer la convergence des deux systèmes de prise en charge.
• Des progrès peuvent d'abord être
réalisés pour rapprocher les conditions dans lesquelles est
effectuée l'évaluation des besoins des personnes. Même si
l'utilisation des résultats de l'évaluation peut être
différente, il serait utile de rapprocher les référentiels
servant de base aux évaluations et à la conception des plans
d'aide : le développement d'un outil unique serait favorable
à la fois aux professionnels, en mettant fin à la source de
complexité importante que représente la coexistence de deux
guides d'évaluation, et aux personnes elles-mêmes, en permettant
l'évolution dans le temps de leur plan d'aide.
Un guide d'évaluation unifié pourrait ainsi être composé d'un « tronc commun » et de « questions filtres » permettant de répartir les personnes ayant droit à compensation entre plusieurs régimes. Une réflexion dans ce sens a d'ailleurs déjà été engagée par le conseil scientifique de la CNSA et votre commission s'en félicite.
• Une convergence pourrait également
être réalisée concernant le panier des biens pris en charge
au titre de la PCH et de l'Apa : il est difficilement justifiable, aux
yeux des usagers, que l'aide ménagère puisse être prise en
charge au titre de l'Apa mais pas de la PCH. A l'inverse, les allocataires de
l'Apa ne comprennent pas pourquoi il leur est interdit d'indemniser ou de
rémunérer un aidant familial, alors qu'un titulaire de la PCH y
est autorisé.
c) Les enjeux de financement et de gouvernance plaident pour la constitution d'une cinquième branche de protection sociale
Aujourd'hui, la prestation de compensation du handicap est largement surfinancée : les crédits ouverts par la CNSA représentent 200 % à 300 % des dépenses réelles des départements. Mais cette faible consommation des crédits en 2006 et 2007 ne doit pas conduire à ignorer deux éléments :
- la montée en charge de cette prestation est loin d'être achevée. De plus, contrairement à l'Apa, elle doit financer des durées de perte d'autonomie beaucoup plus longs, pouvant aller jusqu'à une vie entière ou tout au moins plusieurs décennies. Aussi, même s'il est difficile d'évaluer aujourd'hui le montant des dépenses de PCH aux termes de sa montée en charge, il serait faux de penser que l'enveloppe prévue par la CNSA pour son financement est disproportionnée ;
- il s'exerce, dans le même temps, une pression toujours forte sur le financement de l'Apa, et plus généralement sur le financement de la dépendance liée à l'âge.
Au total, la Cour des comptes évalue à 16 milliards d'euros l'effort public déjà réalisé en faveur de la prise en charge de la perte d'autonomie, ce qui représente près de 1 % du PIB. Les projections de dépenses futures laissent de plus à penser que cet effort va encore augmenter dans les années à venir, sous l'influence de trois facteurs :
- l'augmentation de la prévalence de la dépendance liée à l'âge : le nombre de personnes âgées concernées par la perte d'autonomie devrait augmenter en moyenne de 1 % par an jusqu'en 2040 ;
- l'amélioration souhaitable de la couverture de certains besoins : certaines catégories de besoins restent mal prises en charge pour les personnes âgées, notamment les aides techniques. D'autres types de besoins pourraient par ailleurs l'être plus mal encore à l'avenir : ainsi la raréfaction des aidants familiaux pourrait conduire à une demande accrue de prise en charge d'aidants professionnels ;
- la hausse probable des coûts de personnels : compte tenu de leur faible rémunération, les professionnels de l'aide à domicile sont aujourd'hui une denrée rare. La professionnalisation du secteur, indispensable pour rendre ces métiers plus attractifs, entraînera nécessairement une augmentation du niveau moyen des salaires.
Au total, d'après le rapport Gisserot 5 ( * ) , le coût de la prise en charge de la perte d'autonomie pour les finances publiques devrait augmenter en moyenne de 4,7 % par an d'ici 2025, soit 2,5 points de plus que l'évolution spontanée des recettes actuelles. Le reste à charge net des ménages, lui, pourrait augmenter de 2,7 % par an, dont seulement 1,1 % serait couvert par l'évolution du montant des pensions.
L'objectif du présent rapport n'est pas de faire un bilan exhaustif des problématiques de financement de l'ensemble des politiques de compensation de la perte d'autonomie. Mais il ressort des travaux de votre commission plusieurs constats et plusieurs pistes de travail :
- il est d'abord nécessaire de mieux distinguer ce qui relève de l'assurance maladie de ce qui relève de la dépendance : ce travail préalable seul permettra de déterminer la charge réelle résultant de la compensation de la perte d'autonomie. Cette connaissance est non seulement importante pour des raisons de transparence, mais aussi pour assurer la meilleure gestion prévisionnelle du risque possible.
Votre commission observe que la clarification qui doit être opérée entre les dépenses relevant de l'assurance maladie en raison de leur caractère de dépenses de soins et celles relevant plus strictement de la perte d'autonomie pourrait conduire à revoir le mode de tarification des établissements pour personnes handicapées, avec l'instauration d'une tarification ternaire, comme en Ehpad ;
- il convient de réfléchir à l'instauration d'une forme de prévoyance, individuelle ou collective, pour la perte d'autonomie liée à l'âge. L'arrivée à l'âge de la retraite de générations ayant cotisé longtemps, sur des carrières complètes, et bénéficiant donc d'un meilleur niveau de pension constitue une opportunité à cet égard : dans la mesure où les prélèvements sociaux sur les pensions sont moins élevés que sur les salaires, il serait possible d'exiger des jeunes retraités un effort pour financer une forme d'assurance dépendance, privée ou publique selon les scénarios envisagés.
En tout état de cause, votre commission souhaite que soit préservée l'ébauche de gouvernance actuelle de la future cinquième branche, c'est-à-dire son organisation fondée sur une gestion décentralisée du risque - à travers les maisons départementales du handicap, pilotées par les départements - et animée par la CNSA. Votre commission considère en effet que la répartition des financements nationaux par la caisse, à partir d'un dialogue avec les autorités locales sur les besoins exprimés et les priorités d'actions envisagées, permet de garantir à la fois la cohérence de l'action au niveau national et la régulation des dépenses par la responsabilisation de l'échelon local.
* 5 « Perspectives financières de la dépendance des personnes âgées à l'horizon 2025 : prévisions et marges de choix », rapport remis par Hélène Gisserot au ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, Mars 2007.