C. DES QUESTIONNEMENTS AUTOUR DE LA NOTION DE CINQUIÈME RISQUE
La poursuite de la montée en charge du droit à compensation du handicap doit être envisagée dans le contexte du vieillissement généralisé de la population : la prévalence de plus en plus grande de la dépendance liée à l'âge remet en cause les frontières actuelles des politiques en faveur des personnes âgées et handicapées.
De façon plus concrète, les dispositifs spécifiquement conçus pour les personnes handicapées vont être également confrontés au vieillissement de la population handicapée, du fait de l'allongement de leur espérance de vie.
C'est donc dans ce contexte qu'il convient d'envisager la convergence des dispositifs de prise en charge des personnes âgées et handicapées exigée par l'article 13 de la loi du 11 février 2005. Deux questions sont ainsi posées : comment assurer la continuité des prises en charge autour de l'âge, aujourd'hui pivot, de soixante ans ? Et, plus fondamentalement, comment justifier une disparité de traitement en fonction de l'âge ?
La pression démographique conduit aussi inévitablement à poser la question de la pérennité du financement de la perte d'autonomie et de l'ampleur de ce financement au titre de la solidarité nationale.
1. Le phénomène du vieillissement des personnes handicapées donne une acuité nouvelle à la question de la convergence
a) Une nécessaire adaptation de l'offre de service
Jusque récemment, la question des personnes handicapées vieillissantes était une question d'ordre individuel : il s'agissait de trouver au cas par cas des solutions satisfaisantes pour des personnes dont le handicap conduisait à un vieillissement précoce et qui ne pouvaient rester dans leur établissement d'origine ou encore pour lesquelles un hébergement devait être trouvé en raison de la disparition de leur aidant familial.
Il s'agit désormais d'une question collective, car le vieillissement des personnes handicapé devient plus fréquent : aujourd'hui, les personnes handicapées âgées de plus de quarante ans représentent plus de 30 % des résidants en établissement.
La longévité accrue des personnes handicapées accueillies en établissement devrait provoquer un besoin de places en augmentation de 20 % d'ici 2020. S'y ajoute la pression des demandes provenant de personnes handicapées jusque là prises en charge à domicile et qui ne pourront ou ne voudrons plus y rester.
Il est donc nécessaire de planifier dès maintenant l'augmentation de capacité nécessaire, pour éviter à la fois un nouvel engorgement des établissements pour adultes handicapés - alors que les conséquences de l'amendement Creton ne sont pas encore entièrement résorbées - et des orientations inadaptées aux projets de vie des personnes.
Il est également impératif que les établissements s'adaptent à cette nouvelle donne :
- les établissements et services d'aide par le travail (Esat) vont devoir développer de nouvelles activités, demandant moins d'effort physique et donc mieux adaptées à des personnes plus fatigables, afin de permettre leur maintien dans l'établissement de personnes handicapées. Dans certains cas, le développement de sections annexes, à forte orientation occupationnelle, pourra exiger un partage des financements entre l'Etat et les conseils généraux ;
- les établissements d'hébergement devront envisager la création d'unités plus spécifiquement dédiées aux personnes handicapées vieillissantes, afin de leur éviter le traumatisme d'un changement d'environnement. Un développement de l'accueil de jour et des séjours de familiarisation devra également être anticipé pour faciliter les transitions entre domicile et établissement, pour les personnes qui vivaient jusqu'alors dans leur famille.
Toutes ces évolutions devront naturellement être accompagnées d'une réflexion sur le plan tarifaire, afin que les efforts d'adaptation des établissements pour l'accueil de personnes handicapées vieillissantes soient correctement valorisés dans les budgets alloués.
L'obligation de s'adapter à l'accueil de personnes handicapées vieillissantes pèse également - dans une moindre mesure - sur les établissements du secteur « personnes âgées », car on ne peut exclure, dans un certain nombre de cas, la solution d'un accueil en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
Dans la mesure où le vieillissement intervient souvent de façon plus précoce chez les personnes handicapées, ce public est souvent en moyenne plus jeune que le public classique des Ehpad, ce qui devrait contraindre les établissements à mettre en oeuvre des politiques d'animation adaptées.
Dans la perspective du vieillissement des aidants familiaux, il serait également utile d'envisager le développement d'unités d'accueil parents-enfants, pour préserver les liens familiaux des personnes handicapées.