2. Politiquement : donner au Parlement les moyens de mieux contrôler le régulateur
Parallèlement, un plus grand contrôle du Parlement sur l'ARCEP doit être organisé afin de mieux asseoir la légitimité de cette autorité administrative indépendante, dont le succès reconnu en termes de régulation sectorielle n'a pas permis de lever entièrement la réserve que la représentation nationale entretient spontanément à son encontre.
Votre commission précise qu'il ne s'agit pas de mettre l'ARCEP sous la tutelle du Parlement, simplement de renforcer ce que les anglo-saxons désigneraient comme son « accountability » devant le Parlement, c'est-à-dire sa capacité à rendre des comptes devant les représentants de la nation.
Les textes 88 ( * ) prévoient déjà la possibilité, pour les commissions permanentes du Parlement, d'auditionner l'ARCEP ainsi que l'obligation, pour l'Autorité, de publier un rapport annuel permettant d'établir un bilan régulier de son action de régulation.
Ces moyens de contrôle sont utilisés et fournissent déjà au Parlement une information approfondie sur l'action du régulateur, voire l'occasion d'un dialogue avec lui.
Le Parlement a néanmoins jugé utile de les compléter en prévoyant sa plus grande implication dans la nomination du président de l'ARCEP. Ainsi, l'article 17 de la loi du 5 mars 2007, introduit à l'initiative de plusieurs membres de votre commission 89 ( * ) , organise la consultation, par le Président de la République, des commissions compétentes des deux chambres du Parlement pour la nomination du président de l'ARCEP, sur le modèle de ce qu'avait déjà prévu la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie, s'agissant du président de la Commission de régulation de l'énergie.
Votre commission ne souhaite pas pour autant étendre cette procédure aux autres membres du collège de l'ARCEP, afin de ne pas politiser excessivement le collège de l'ARCEP, comme c'est le cas aux Etats-Unis, où les membres du collège de la FCC sont nommés par le Président des Etats-Unis et confirmés par le Sénat, ce qui soumet l'autorité de régulation à une pression politique très forte susceptible de remettre en cause l'indépendance du régulateur.
En revanche, votre commission propose de faciliter le contrôle du Parlement sur l'ARCEP par deux moyens :
- d'une part, en envisageant d'ouvrir aux parlementaires un nouveau moyen de dialogue avec l'ARCEP, la question écrite . Assurément, cette possibilité n'est pas ouverte par la Constitution en son état actuel, son article 48 prévoyant qu'une séance par semaine au moins est réservée par priorité aux « questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement ». L'apparition des autorités administratives indépendantes dans le paysage institutionnel français change la donne par rapport à 1958 et votre rapporteur incline à penser que, cinquante après l'adoption de la Constitution, il ne serait pas absurde de réfléchir à la possibilité, pour les parlementaires, de poser des questions écrites aux présidents des autorités administratives indépendantes, notamment à l'ARCEP. Cette forme d'information à la demande apparaît d'autant plus nécessaire à votre commission que l'ARCEP contrôle la quasi-totalité de l'expertise technique et économique de l'Etat en matière de communications électroniques. Comme l'a souligné M. Emmanuel Gabla, chef du service des technologies et de la société de l'information (STSI) au Ministère de l'économie, lors de son audition, le risque existe en effet que les pouvoirs publics se trouvent démunis lorsque l'ARCEP choisit de ne pas s'impliquer sur un sujet, comme celui de l'intégrité des réseaux, par exemple. Une procédure de questions écrites permettrait au Parlement de constituer une force de rappel afin que l'ARCEP ne néglige aucune de ses missions ;
- d'autre part, en obtenant un traitement plus approprié de l'ARCEP dans la LOLF. Le contrôle budgétaire exercé actuellement sur l'action de l'Etat en matière de communications électroniques ne permet pas en effet de distinguer la part qu'y prend le régulateur. Sans plaider pour la création d'une mission budgétaire séparée regroupant les diverses autorités administratives indépendantes, mission qui n'aurait pas grand sens en raison de l'absence d'unité d'action opérationnelle entre ces AAI, votre commission suggère de mettre en place un budget opérationnel de performance (BOP) propre à l'ARCEP afin d'évaluer spécifiquement l'action du régulateur au regard d'indicateurs de résultat élaborés en fonction des objectifs de performance retenus pour couvrir le champ des missions du régulateur. La détermination de ces indicateurs et objectifs est assurément difficile mais elle ne devrait pas être hors de portée, le contrôle budgétaire de nombreuses autres actions difficilement quantifiables de l'Etat ayant déjà été organisé par la LOLF.
Ces voies d'amélioration du contrôle de l'ARCEP doivent absolument être explorées pour conforter la légitimité de cette autorité qui est appelée à s'inscrire durablement dans le paysage institutionnel français .
* 88 Article 135 du code des postes et des communications électroniques.
* 89 MM. Ladislas Poniatowski et Bruno Sido.