B. L'ÉVOLUTION DU CIE JUSQU'AU PLAN DE COHÉSION SOCIALE

La réforme de 2002 : la restriction de l'accès des jeunes et des chômeurs de moyenne durée, et la suppression de l'exonération spécifique43 ( * )

Cette nouvelle version du CIE a pour objectif d'appliquer les dispositions du second programme de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, en visant expressément les publics les plus éloignés de l'emploi ; l'effet d'éviction qu'il pourrait exercer sur les catégories précédemment bénéficiaires est atténué par l'ouverture à leur profit d'un accès dérogatoire au dispositif, il est vrai limité à 10 % du nombre des conventions annuellement signées, mais n'excluant pas, le cas échéant, le montant maximum de l'aide. Le CIE ne mentionne plus explicitement les jeunes non qualifiés, mais ces derniers peuvent continuer à bénéficier du dispositif au titre des autres catégories, ainsi que l'avait souligné la Cour.

Enfin, compte tenu des allègements généraux de cotisations sociales patronales en place dans le cadre de la réduction du temps de travail, l'exonération des charges patronales spécifique au CIE est supprimée par la loi de finances pour 2002 ; la Cour avait d'ailleurs démontré en 1998 que son avantage était relatif par comparaison à la ristourne dégressive dont bénéficiaient les salaires allant jusqu'à 1,3 SMIC et ne prenait tout son sens que si les salaires versés sous l'empire du CIE allaient au-delà de ce montant ; or la majorité des rémunérations en CIE sont inférieures à 1,3 SMIC. En contrepartie de cette suppression, le montant de l'aide forfaitaire est sensiblement revalorisé : en fonction de la plus ou moins grande difficulté d'accès au marché de l'emploi, l'aide est de 330 ou 500 € par mois, au lieu de 152,45 et 305 € auparavant.

Le versement trimestriel des aides forfaitaires devient annuel (décret du 25 mars 2002), complété d'un second versement à la fin du CDD ou à la fin de la seconde année du CDI, au vu des bulletins de salaire correspondants. La maîtrise des coûts de la gestion administrative du contrat a primé l'attrait qu'il exerce sur les employeurs potentiels.

Certes, des efforts de simplification se font jour : l'aide à l'employeur se répartit entre deux niveaux selon que le candidat à l'embauche souffre d'un ou de deux handicaps, par exemple un demandeur d'emploi inscrit depuis un an doit être aussi handicapé, ou bénéficier de l'ASS ou résider en zone urbaine sensible (ZUS) pour faire accéder son employeur à la prime forfaitaire de 500 € mensuelle. Curieusement, le cas des plus de 50 ans bénéficiaires du RMI semble avoir été omis du niveau maximum de l'aide ; cette omission sera réparée en 2003.

Toutefois, l'effort de simplification entrepris ne peut suffire à remédier à la stratification des régimes juridiques dont relèvent les catégories de bénéficiaires, en raison des modifications successivement introduites depuis 1995 ; cette stratification complique sensiblement la tâche du prescripteur, l'ANPE.

Sur le fond, la marge de souplesse ouverte par la réglementation n'a pas été exploitée : les dérogations 44 ( * ) n'ont été utilisées qu'à hauteur de 1,4% sur une marge de 10% des CIE signés, au motif que des instructions non écrites du ministère chargé de l'emploi avaient recommandé la plus grande prudence dans le maniement de la dérogation.

Un élargissement en 2003 au profit des chômeurs de moyenne durée et des plus de 50 ans

La chute des entrées 2002 en CIE (52 385) reflète, aux yeux de l'ANPE, le peu d'appétence des employeurs pour un outil désormais privé de son atout considéré, à tort ou à raison, comme majeur, l'exonération spécifique des charges patronales, notamment l'exonération pérenne qui était accordée pour le recrutement des demandeurs d'emploi de plus de 50 ans.

Le ministère chargé de l'emploi confirme pour sa part le rôle qu'a joué le timide usage des dérogations, qui devaient pourtant non seulement servir à éviter les effets de seuil, mais aussi à faire accéder rapidement à l'emploi des personnes ne bénéficiant pas forcément d'un minimum social et non inscrites sur la liste des demandeurs d'emploi au moment de leur embauche en CIE, ou des personnes victimes de discriminations liées à leur lieu de résidence ou leur origine.

La dégradation de la situation de l'emploi a suscité une nouvelle modification en 2003, afin de réduire à 18 mois les 2 ans d'inscription au chômage requis des demandeurs d'emploi de longue durée 45 ( * ) pour justifier le versement de l'aide maximale.

L'accent est mis sur les chômeurs de plus de 50 ans , au bénéfice desquels la durée de l'aide est allongée de trois ans, pour atteindre un maximum de 5 ans, dans la mesure toutefois où ces personnes sont inscrites comme demandeurs d'emploi depuis au moins un an, ou bénéficient de l'obligation d'emploi prévue par l'article L. 323-1 du code du travail, ou de l'ASS, ou du RMI.

Le rythme trimestriel du versement de l'aide forfaitaire est rétabli, compte tenu de l'effet semble-t-il trop dissuasif de versements annuels. La périodicité est de 6 mois lorsque l'aide liée au CIE dure 5 ans.

La réforme permet de relancer les prescriptions, qui passent de 52 385 en 2002 à 63 152 en 2003, puis 93 045 en 2004. Compte tenu de la date d'effet de la réforme (1 er juillet), l'effet aurait sans doute été supérieur en année pleine : l'ANPE a opéré 60,2% de ses prescriptions de l'année 2003 à partir de juillet.

Pourtant, la loi du 18 décembre 2003 crée un nouvel outil au profit des bénéficiaires du RMI, le contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA), qui peut être utilisé aussi bien en secteur marchand que non marchand.

* 43 Décret n°2002-400 du 25 mars 2002.

* 44 Les personnes ne remplissant pas les conditions fixées par le décret du 25 mars 2002 peuvent toutefois bénéficier d'un CIE ; le nombre de conventions de CIE conclues à ce titre ne peut excéder 10% du nombre de conventions conclues annuellement.

* 45 Décret n°2003-565 du 27 juin 2003.

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