PARTIE II : L'EXEMPLE DU CONTRAT INITIATIVE EMPLOI (CIE)
V. UNE ÉVOLUTION INACHEVÉE DU DISPOSITIF VERS LA SIMPLICITÉ
Créé par la loi du 4 août 1995, le contrat initiative emploi (CIE) a pour objectif d'atténuer la sélectivité du marché de l'emploi au profit des personnes qui ont des difficultés à s'y insérer ou s'y réinsérer ; à cet effet, il encourage les employeurs du secteur marchand et les associations à les recruter, pour une durée indéterminée ou déterminée 40 ( * ) en dépit de ces difficultés, en abaissant le coût de leur travail par une aide forfaitaire mensuelle, accompagnée d'une exonération spécifique jusqu'en 2002, puis de droit commun, des cotisations patronales d'assurances sociales, d'accidents du travail et d'allocations familiales pour la part de la rémunération égale au SMIC. Ce dispositif s'est substitué aux anciens contrats de retour à l'emploi (CRE) créés en 1990. Il n'est pas applicable aux départements d'Outre-mer, à l'intention desquels est prévu un contrat d'accès à l'emploi spécifique.
Depuis 1995, le périmètre et le montant de l'aide prévue ont connu cinq modifications réglementaires et une réforme législative le 18 janvier 2005, dans le cadre du plan de cohésion sociale. Ne sont restées constantes que les conditions requises des employeurs : ne pas avoir procédé à un licenciement économique dans les six derniers mois précédant la date d'effet du CIE, et ne pas recourir au CIE pour pallier ou déclencher le licenciement d'un salarié sous contrat à durée indéterminée, à peine d'une dénonciation de la convention CIE par la DDTEFP et d'un reversement de l'ensemble des aides dont l'entreprise a bénéficié. Sont placés hors du champ des employeurs bénéficiaires du dispositif l'Etat, ses établissements publics administratifs, les collectivités territoriales et leurs groupements ou leurs établissements publics administratifs, les chambres consulaires en dehors de leur personnel non titulaire, et les particuliers.
Deux périodes marquent l'utilisation de cet outil : jusqu'en 2002, le CIE est piloté par l'administration centrale du ministère chargé de l'emploi, qui en détermine très précisément le champ d'application et les modalités ; à partir de 2002, les services déconcentrés et les prescripteurs, notamment l'ANPE, ont eu davantage de latitude dans son utilisation avant que la loi du 18 janvier 2005 ne leur en confie une maîtrise qui reste encadrée.
A. LE CIE JUSQU'À LA RÉFORME DE 2002
Une absence de sélectivité des publics et des conditions favorables d'aide jusqu'au 1 er septembre 1996
a. Les personnes dont le CIE est destiné à favoriser le recrutement
La loi du 4 août 1995 regroupait les bénéficiaires autour de trois sous-ensembles : les demandeurs d'emploi de longue durée et les plus de 50 ans sans emploi, d'une part, d'autre part les bénéficiaires d'allocations ou de minima sociaux (revenu minimum d'insertion, allocation spécifique de solidarité, allocation veuvage), et enfin, les personnes en situation sociale difficile : femmes isolées assumant ou ayant assumé des charges de famille, Français de retour en France après avoir perdu leur emploi à l'étranger, titulaires de l'obligation d'emploi imposée par l'article L323-3 du code du travail (personnes handicapées, victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle, invalides).
Cette liste a été étendue par décret aux conjoints ou concubins des titulaires du RMI 41 ( * ) , aux plus de 50 ans en convention ou congé de conversion, aux détenus libérés présentant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, puis aux jeunes sous certaines conditions.
b. Des aides uniformes
L'Etat versait aux entreprises du secteur marchand, afin de les inciter à recruter ces populations, que ce soit en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée, une aide forfaitaire (305 €), à condition que l'embauche soit prévue pour une durée de travail au moins égale à la moitié de la durée légale du travail ; il les exonérait par ailleurs de cotisations sociales. Cette exonération des cotisations pouvait s'appliquer jusqu'à l'ouverture des droits à une pension au taux plein lorsque le recrutement concernait une personne de plus de 50 ans dont le CDD serait transformé en CDI (« exonération pérenne »).
Le versement de l'aide forfaitaire intervenait à trois échéances : troisième mois, douzième mois et fin du contrat s'il est à durée déterminée, ou au terme des deux ans de l'aide s'il est à durée indéterminée. En raison de ce fractionnement de l'aide, ces modalités de versement ne renforçaient pas l'attractivité du dispositif, notamment pour les petites entreprises, principales utilisatrices du dispositif.
c. Une aide à la formation et au tutorat
Les conventions pouvaient prévoir, dans la limite de 10
% des CIE (5 % pour le tutorat à partir de 2002), une formation
liée à l'activité de l'entreprise ouvrant droit à
une aide de l'Etat, à laquelle pouvait s'ajouter, pour les
chômeurs ou titulaires du RMI depuis plus de deux ans, une aide au
tutorat. La durée de la formation était comprise entre 200
et
400 heures, et l'aide était de 5,34 € par heure ; le
tutorat devait atteindre un minimum de
100 heures la 1° année,
couvertes par une aide forfaitaire de 534 €. L'avenant-formation type
prévoit que la formation puisse déboucher sur un titre ou un
diplôme, une attestation reconnue par une convention collective, une
attestation de fin de stage.
Le durcissement des conditions exigées des bénéficiaires initiaux et l'extension aux jeunes
Les caractéristiques exigées des recrutements ont été durcies en 1996 42 ( * ) :
- il fallait que les inscrits au chômage depuis 12 mois dans les derniers 18 mois aient plus de 50 ans ; pour les moins de 50 ans, l'inscription au chômage devait dépasser trois ans ; à défaut, l'aide se réduisait à la seule exonération des charges ;
- l'aide forfaitaire était limitée à 152 € et à l'exonération des charges lorsque la période d'inscription au chômage était de 2 ans dans les 3 dernières années.
La préoccupation que suscite le chômage des jeunes non qualifiés conduit en 1998 à étendre le bénéfice du CIE à ceux qui sont sortis de l'enseignement secondaire avant la terminale, ou qui ont quitté le second cycle court professionnel en année de CAP ou de BEP mais sans en avoir obtenu le diplôme, à condition qu'ils ne soient pas indemnisables par le régime assurance chômage, ou à condition qu'ils aient achevé dans les trois derniers mois un CES ou un contrat d'orientation. L'entreprise bénéficiait alors du montant maximum de l'aide forfaitaire (305 €).
* 40 Les CDD conclus dans le cadre d'une convention CIE dérogent à l'article L.122-1 alinéa 1 du code du travail aux termes duquel « le contrat à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ».
* 41 L'article 27 du décret n°88-1111 du 12 décembre 1988 relatif à la détermination du RMI précise que « s'il s'agit d'un couple, l'allocataire est celui qui est désigné d'un commun accord ; si ce droit d'option n'est pas exercé, l'allocataire est celui que désigne le Préfet ». L'ANPE indique que l'usage constant dans les mesures pour l'emploi est de considérer comme bénéficiaires aussi bien l'allocataire que son conjoint ou concubin.
* 42 Décrets n°96-702 du 7 août 1996 et n°98-1107 du 8 décembre 1998.