b) L'adéquation des recettes transférées et la situation des finances locales

La loi du 13 août 2004 prévoit que la compensation financière s'opérera, à titre principal, par l'attribution d'impositions de toutes natures. Les transferts de compétences seront donc, dans leur quasi totalité, financés par des transferts de fiscalité. Il s'agit de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance (TSCA) pour les départements et de la taxe de consommation intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) pour les régions.

Or, les dépenses transférées risquent d'avoir une dynamique d'évolution supérieure à la croissance des ressources transférées. Plusieurs travaux viennent étayer cette crainte.

Face au faible dynamisme de l'assiette de TIPP transférée aux départements, le ministère délégué au Budget a, à plusieurs reprises, fait valoir que d'autres ressources départementales bénéficiaient d'une très forte progression, notamment les droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

Ces DMTO sont des taxes perçues par les départements lors d'un transfert de propriété d'un bien immobilier et d'une transaction immobilière. En 2005, leur montant total s'élevait à 5,9 milliards d'euros soit 12,7 % des recettes de fonctionnement des départements (hors Paris). Il est vrai que ce montant a augmenté de 60,3 % entre 2001 et 2005 en raison principalement de la hausse des prix de l'immobilier.

Pour autant, tous les départements n'ont pas également bénéficié du dynamisme de cette ressource : 10 % des départements les mieux dotés en produit de DMTO se partagent 30 % du produit total . En outre, d'une manière générale, les DMTO ne couvrent pas les autres dépenses des départements comme le RMI. Enfin, cette ressource est exposée aux aléas du cycle immobilier alors que les dépenses des départements, elles, ont plutôt vocation à augmenter automatiquement.

L'ARF a confié en 2005 un audit au cabinet Ernst & Young sur les conséquences financières de l'Acte II de la décentralisation pour les régions.

Cette étude a conclu que : « Les dépenses transférées (3 % par an) ont une dynamique d'évolution supérieure à la croissance de la ressource transférée (1,1 % par an) ».

Toujours selon cette étude, l'ensemble des transferts de compétences prévus par la loi du 13 août 2004 (transfert de personnel TOS, bourses et formations sanitaires et sociales, crédits de l'Association de formation professionnelle des adultes -AFPA-, le STIF pour l'Ile-de-France) amorcés depuis 2005 et devant s'échelonner jusqu'en 2009, représenteraient une charge financière globale estimée à 2,9 milliards d'euros .

Selon les données du projet de loi de finances pour 2006, les charges les plus lourdes pèsent dans le domaine de l'éducation (42 %). Suivent les formations sanitaires et sociales (22 %), les crédits de l'AFPA (20 %) et le STIF (14 %). Les transferts des compétences dans le domaine de la culture (inventaire du patrimoine) et des grands équipements (routes, ports et aéroports) sont estimés à 2 % de ce montant.

L'ADF a évalué en 2005 de son côté la charge financière des TOS travaillant dans les départements avant transfert. Celle-ci est estimée à 1,36 milliard d'euros :

Le coût des TOS à l'Etat avant transfert

Evaluation des dépenses de l'Etat
(en euros)

Moyenne

Rémunération brute

871.898.400

Cotisations acquittées par l'Etat

132.528.557

Crédits de suppléance

30.516.444

FNAL

871.898

Total des dépenses décaissées par l'Etat

1.035.815.299

Cotisations non décaissées

313.796.234

Retraites (33 % des rémunérations brutes)

287.726.472

Accidents du travail (0,09 %)

784.709

Cotisations sociales (2,9 %)

25.285.054

Total des dépenses de l'Etat (décaissées et non décaissées)

1.349.611.533

Fonctions de support (1 %)

13.496.115

TOTAL GENERAL

1.363.107.649

Source : Etude d'impact de l'ADF, avril 2005.

Les analyses effectuées par l'ADF, dans le cadre des transferts de compétences, mettent l'accent sur certains domaines sensibles tels que :

- certaines dépenses insuffisamment compensées par l'Etat : charges sociales (notamment les retraites et les cotisations) ; l'alignement sur le régime indemnitaire moyen des conseils généraux ; l'insuffisance des fonctions de supports ; l'accroissement des crédits de suppléance permettant d'améliorer le remplacement des congés maladie... A l'époque, l'ADF estimait l' ensemble de ces ajustements à 457 millions d'euros, au détriment des départements ;

- l'éventuelle croissance des dépenses liées à l'exercice des nouvelles compétences par les départements : l'accroissement possible des taux de cotisations retraite dû à la prise en compte non compensée des droits acquis des fonctionnaires d'Etat par la CNRACL ; le remplacement des emplois aidés par des recrutements ; l'impact de la pyramide des âges des TOS assez âgés en moyenne. Ces surcoûts n'avaient pu être évalués précisément par l'ADF.

Le rapport 2006 de l'Observatoire des finances locales a souligné le caractère volatil et instable des taxes accordées pour couvrir les transferts.

L'article 52 de la loi de finances initiale pour 2005 a attribué aux départements une fraction de taux de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) afférente aux véhicules terrestres à moteur (au taux de 18 %). La fraction de taux de TSCA affectée aux départements, fixée en loi de finances initiale pour 2005 à 0,91 %, a été calculée de telle sorte que, appliquée sur l'assiette nationale de cette taxe en 2004, elle permette de couvrir les charges transférées en 2005 (soit le droit à compensation, initialement évalué à 126,6 millions d'euros ).

Tout au long de l'année 2005, les départements ont perçu des recettes fiscales correspondant à l'application de la fraction de taux sur l'assiette réelle (2005) de la taxe. Cette assiette progressant d'environ 5 % par an, les départements ont ainsi pu bénéficier en 2005 de son dynamisme et donc d'un produit fiscal supplémentaire par rapport au droit à compensation provisoire.

L'article 3 de la loi de finances rectificative pour 2005 a donc modifié cette fraction de taux afin de tenir compte, d'une part, du montant définitif du droit à compensation tel qu'il a été constaté par la CCEC (136,7 millions d'euros) et, d'autre part, de l'assiette définitive de la TSCA en 2004.

Mais parallèlement, tous les indicateurs montrent que les dépenses entre 2005 et 2006 des collectivités progressent plus vite que les recettes. En 2006, cet écart serait de l'ordre de 0,6 point (0,7 point hors remboursement de la dette) et rien n'indique que cette tendance sera inverse dans l'avenir.

Régions et départements

(en milliards d'euros)

2002

03/02

2003

04/03

2004

05*/04

2005*

06**/05*

2006**

Dépenses totales

55,2

+ 7,4 %

59,3

+ 16,7 %

69,1

+ 5,7 %

73,1

+ 8,4 %

79,2

Recettes totales

55,6

+ 7,1 %

59,5

+ 15,6 %

68,8

+ 7,3 %

73,8

+ 7,8 %

79,6

Dépenses totales hors remboursements de dette

51,5

+ 8,1 %

55,7

+ 18,0 %

65,7

+ 5,0 %

68,9

+ 8,8 %

75,0

Recettes totales hors emprunts

51,7

+ 6,3 %

54,9

+ 15,2 %

63,3

+ 7,1 %

67,8

+ 8,1 %

73,3

* Premiers résultats Direction générale de la comptabilité publique (DGCP).

** Estimations à partir des budgets primitifs 2006 et des premiers éléments de réalisations pour l'année 2005. Ces résultats diffèrent de ceux publiés par ailleurs sur 2006 (qui ne tiennent compte que de l'évolution de BP à BP stricto sensu) en raison notamment de différences importantes entre prévisions et réalisation.

Source : DGCL à partir des données de la DGCP.

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