c) La thérapeutique
Il existe, sans aucun doute, plusieurs méthodes de traitement de la dépendance.
Ce rapport n'étant pas destiné à devenir un dictionnaire médical, nous décrirons sans la détailler, et ce uniquement pour donner aux lecteurs une idée de la complexité des traitements, la « thérapie cognitive » du Pr Ladouceur, adoptée et suivie en France par de nombreux intervenants.
Le centre de Nice du Dr Bistagnin la pratique.
Cette thérapie tente d'abord, avec douceur, de convaincre le joueur qu'il est impossible de gagner de l'argent en jouant régulièrement.
Les principales étapes en sont les suivantes :
- comprendre et renforcer la motivation du joueur à changer d'attitude ;
- évaluer son niveau de jeu et son envie de jouer en tenant un carnet, un agenda de ses jeux ;
- apprendre à résister à l'envie de jouer, à retarder le moment ;
- corriger les cognitions erronées sur le jeu, le sort, le hasard ;
- améliorer ses capacités à gérer le stress ;
- prévenir les rechutes ;
- réinvestir la vie familiale et professionnelle.
Le thérapeute recense les motifs du joueur, mais aussi les aspects négatifs du jeu : perte de l'estime de soi, privations pour la famille, mensonges, perte d'emploi endettement, etc.
Pied à pied, cette stratégie se développe avec, comme guide, un aide-mémoire destiné à garder à l'esprit les principes suivants :
• je reste calme et je m'éloigne du
jeu ;
• je critique ma conviction de gagner ;
• je me rappelle le principe du hasard ;
• je me rappelle tous les efforts que j'ai
déjà fournis ;
• je téléphone à la
« personne-ressource », si nécessaire.
La prise en charge que propose le Dr Bistagnin comprend :
• une thérapie individuelle ;
• une thérapie de groupe (excellents
résultats) ;
• le soutien des familles ;
• pas de prescription de psychotropes, sauf troubles
graves associés.
Regrettant que ses résultats soient moins satisfaisants que ceux obtenus par le Pr Ladouceur, le Dr Bistagnin annonce :
- 50 % d'échecs ou de disparitions de patients après la rencontre 49 ( * ) ;
- 30 % de réussite, c'est-à-dire une abstinence de six mois ;
- 20 % de joueurs contrôlés.
De son coté, Armelle Achour - SOS Joueurs - signale :
- 50 % d'échecs ;
- 30 % d'abstinence après 6 mois ;
- 20 % de joueurs contrôlés.
D'autre part, la dépendance au jeu n'étant pas encore individualisée, identifiée pour elle-même, et beaucoup trop souvent considérée comme la réplique d'une autre addiction (alcool ou drogue), certains thérapeutes peuvent être tentés d'appliquer au joueur, aux lieu et place des techniques type Ladouceur, les mêmes propositions thérapeutiques que celles faites aux alcooliques ou aux toxicomanes.
L'expérience prouve que les joueurs désertent ces traitements qui sont insuffisants, voire inefficaces, et les rechutes surviennent.
Enfin, il est bien certain que les joueurs peuvent être rebutés par le circuit (long et onéreux) de la psychiatrie, ou même par la thérapie de groupe considérée (à tort), par eux, comme la dernière chance.
Quelques thérapeutiques abandonnées :
*le traitement aversif par un appareil posé au poignet ; les conditions de jeu étant reconstituées, 600 chocs électriques de voltage croissant étaient administrés en trois heures par jour !
Les résultats ne furent pas concluants !
*l'intention paradoxale : au lieu de prêcher l'abstinence, il s'agissait de forcer le patient à jouer tous les jours, pendant trois heures par jour.
Au bout de trois semaines, le joueur test était exsangue financièrement et poussé à contracter des dettes familiales : il s'arrêta mais cette abstinence au jeu entraîna un conflit avec son épouse ainsi que d'autres problèmes personnels !
Tandis que l'approche des joueurs pathologiques réclame un « accompagnement au long cours », fait de temps et de patience, le « terrain », lui, est fait d'excitabilité et d'urgence.
* 49 Les joueurs peuvent être déçus d'emblée, au début du traitement, s'ils s'attendaient à trouver des structures lourdes pour les prendre en charge. En fait, ils rencontrent des pionniers, de talent certes, mais isolés.