(3) Des points faibles qui devront être corrigés
• Les difficultés liées à la surveillance et au recensement des basses-cours familiales
Dans son avis du 18 janvier 2006, l'AFSSA avait souligné les limites de la surveillance des basses-cours familiales dans la mesure où la détection des foyers d'influenza aviaire dans ces élevages familiaux pouvait se révéler moins précoce que dans le cadre des élevages industriels des filières avicoles. Elle avait donc recommandé que des mesures soient prises pour améliorer la précocité de la détection d'éventuels foyers dans les basses-cours familiales.
En effet, d'après les informations recueillies par votre rapporteure spéciale auprès des services du ministère de l'agriculture et de la pêche, le nombre de lieux de détention d'oiseaux en France dépasse certainement le million. En outre, le nombre de ces lieux de détention dans lesquels les oiseaux ont accès à un parcours plein air n'est pas connu mais on peut estimer qu'il est de l'ordre de plusieurs centaines de milliers.
Lors de ses déplacements, votre rapporteure spéciale a pu constater les difficultés rencontrées par les services déconcentrés à recenser les basses-cours familiales sur le territoire et, de ce fait, à faire appliquer les mesures de confinement et de biosécurité édictées sur le territoire national :
- tout d'abord, les autorités en charge du recensement n'avaient pas été clairement identifiées dès le départ : dans certains communes, les maires étaient responsables du recensement, dans d'autres il s'agissait de la gendarmerie, si bien qu'une certaine confusion a pu régner initialement ;
- ensuite, aux difficultés de recensement de ces élevages, se sont ajoutées des difficultés liées au respect de l'application des mesures de biosécurité et de confinement dans des élevages souvent très petits et inadaptés à l'application de ces mesures ;
- enfin, pour ces élevages de basses-cours, un suivi systématique par un vétérinaire sanitaire était préconisé et, lorsque le confinement n'était pas possible dans les zones humides des trois départements à très haute densité d'élevages d'anatidés 7 ( * ) , une vaccination préventive faite par un vétérinaire sanitaire assortie d'une surveillance post-vaccinale était prescrite : l'application stricte de ces mesures aurait eu un coût non négligeable compte tenu du nombre de basses-cours potentielles concernées .
Cependant, il faut noter que les petits élevages en France ne participent que très peu aux mouvements des volailles, et de ce fait ne représentent pas un risque important dans l'éventuelle diffusion du virus (contrairement aux petits élevages des pays d'Asie qui participent activement à l'approvisionnement en viandes des grands centres urbains).
• Le nombre de laboratoires de criblage sur le territoire
Le maillage en laboratoires vétérinaires n'a pas montré de défaillance. Votre rapporteure spéciale a toutefois pu constater qu'il manquait, sur le territoire national, des laboratoires capables dans certaines régions de réaliser des autopsies et des prélèvements dans le cas où une épizootie importante se développerait.
L'avis précité rendu par l'Académie vétérinaire le 2 février 2006 sur la surveillance et la prophylaxie de l'influenza aviaire hautement pathogène recommandait de développer et soutenir les moyens de dépistage précoces de cette maladie en étendant la capacité et les compétences des laboratoires spécialisés dans le domaine du diagnostic et de la prévention de l'influenza aviaire et en augmentant le nombre de laboratoire de diagnostic vétérinaire agréés par le ministère de l'agriculture pour la mise en oeuvre des tests de détection précoce de l'influenza aviaire sur le terrain .
Ainsi qu'il a été souligné précédemment, six laboratoires de criblage ont constitué dans un premier temps le réseau et, d'après les informations fournies à votre rapporteure spéciale par le ministère de l'agriculture et de la pêche, cinq autres sont sur le point de renforcer le dispositif . A ce stade, le ministère de l'agriculture et de la pêche estime qu'il serait inopportun d'étendre d'avantage ce réseau au risque de diluer les compétences et par là la fiabilité des analyses.
Toutefois, dans le cas d'une « panzootie » qui, par définition, touche la majorité des pays de la planète, la France manquerait sans doute de laboratoires capables de réaliser des cultures et des identifications de souches pour le compte de pays étrangers manquant de moyens de diagnostic.
• La question de la généralisation des visites vétérinaires dans les élevages avicoles et celle de la rémunération des vétérinaires sanitaires
L'avis précité de l'Académie vétérinaire en date du 2 février 2006 recommandait également le renforcement des services vétérinaires français dans toutes leurs composantes notamment par le biais d'une généralisation des visites sanitaires annuelles effectuées par des vétérinaires dans les élevages de volailles sur le même principe que celles effectuées dans les élevages bovins .
Votre rapporteure spéciale estime qu'une attention particulière doit être portée à cette proposition .
En effet, d'après les informations recueillies auprès du ministère de l'agriculture et de la pêche, on recense près de 30.000 établissements avicoles professionnels en France. Un professionnel de l'aviculture doit pouvoir faire la preuve de sa prise en compte des exigences de sécurité alimentaire et des contraintes liées à la protection de son élevage vis-à-vis des grandes maladies animales. C'est pourquoi une assistance et un encadrement vétérinaire apparaissent indispensables.
Dès lors, une réflexion devrait pouvoir être conduite pour définir les modalités de cet encadrement qui ne doit pas se traduire par une simple visite dite obligatoire afin que cet encadrement ne devienne pas purement « formel » au cours du temps.
Une généralisation de la visite annuelle vétérinaire dans l'ensemble des élevages avicoles professionnelles, prise en charge de l'Etat, aurait un coût budgétaire annuel de l'ordre de 13,5 millions d'euros ce qui n'est pas négligeable.
En outre, la question de la rémunération des vétérinaires sanitaires est centrale : en effet, dans le cadre de l'exercice de leur mandat sanitaire pour le compte de l'Etat, les vétérinaires sanitaires sont rémunérés à l'acte, soit 45 euros TTC par visite. Lors de ses déplacements, votre rapporteure spéciale a pu constater, d'une part, que cette rémunération était considérée comme insuffisante par les vétérinaires libéraux et ne permettait pas toujours de couvrir l'ensemble des frais associés à une visite sanitaire, d'autre part, que l'Etat n'était pas prompt à verser cette rémunération aux vétérinaires qui, pour certains, se sont plaints de retards de paiement conséquents .
• Le problème de la formation des vétérinaires dans le domaine des pathologies aviaires
Lors de son contrôle sur pièces et sur place, et notamment lors des nombreuses auditions auxquelles elle a procédé, votre rapporteure spéciale a pu constater que la question de la formation, initiale et continue, des vétérinaires était aujourd'hui cruciale .
D'une part, le nombre de vétérinaires ruraux est en forte régression, d'autre part, parmi les vétérinaires ruraux, ceux disposant d'une solide formation en matière de pathologies aviaires sont rares, sauf dans les départements à forte concentration en élevages avicoles.
Interrogée sur ce point par votre rapporteure spéciale, la direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture et de la pêche, a indiqué mener une réflexion approfondie sur la question essentielle du nombre et de la formation des vétérinaires afin de pouvoir disposer, à l'avenir, de vétérinaires disponibles et compétentes, c'est-à-dire ayant une certaine expérience dans le domaine de pathologie aviaire.
En effet, le ministère de l'agriculture a identifié un manque de vétérinaires pour effectuer l'ensemble des visites au moment de la crise d'influenza aviaire et a souligné un risque de dérapage de la part de certains vétérinaires qui pourraient être tentés d'accélérer la cadence des visites à un rythme qui ne serait plus compatible avec un travail correct.
La formation continue des vétérinaires sanitaires, rendue obligatoire en 2001 et encadrée par le décret du 28 juillet 2004 8 ( * ) permettant une indemnisation des vétérinaires pendant les périodes de formation, devrait participer à la revalorisation du mandat sanitaire et au maintien d'un réseau de vétérinaires ruraux suffisamment dense.
* 7 Landes, Loire-Atlantique, Vendée.
* 8 Décret n° 2004-779 du 28 juillet 2004 relatif au mandat sanitaire institué par l'article L. 221-11 du code rural et modifiant ce code.