(2) Un maillage vétérinaire territorial point fort du dispositif
En France, compte tenu de l'importance historique et économique du secteur agricole, le système de surveillance vétérinaire a fait l'objet de lourds investissements au fil des ans et est opérationnel de longue date.
Ainsi, placés sous la tutelle du ministère de l'agriculture et de la pêche, quelque 4.400 agents sont répartis dans 100 directions départementales des services vétérinaires (DDSV), dont un millier de vétérinaires présents en permanence sur le terrain. Ce dispositif dispose, en outre, de la force de frappe de près de 8.600 vétérinaires sanitaires libéraux . Ces derniers, à travers un « mandat » conclu avec la DDSV de leur département, réalisent l'essentiel des tâches de surveillance, de dépistage et de police sanitaire pour les animaux d'élevage ou de compagnie. Investis d'une mission de service public dans le cadre de leur mandat sanitaire, les vétérinaires libéraux ont toute autorité vis-à-vis des éleveurs, qui sont tenus d'en choisir un et de le déclarer à la DDSV.
Dès les premières menaces d'épizootie aviaire, un cycle de formation et de réactualisation des connaissances de ces vétérinaires sanitaires a été mis en oeuvre 4 ( * ) : une série de soirées de formation ont ainsi été organisées courant février 2006 par les directions départementales des services vétérinaires au profit de près de 2.000 vétérinaires en exercice.
Le rôle des vétérinaires sanitaires , dans le cadre du dispositif de lutte contre l'influenza aviaire mis en oeuvre par les pouvoirs publics, était, d'une part, de vérifier l'application des mesures de confinement lorsque ce dernier était praticable, d'autre part, en cas de dérogation au confinement, d'effectuer une visite mensuelle obligatoire auprès de l'éleveur dérogeant au principe de confinement et de vérifier l'application des mesures de biosécurité indispensables à la protection des élevages contre un risque de contamination 5 ( * ) .
Outre la diffusion des consignes de confinement des oiseaux, la surveillance et les prélèvements biologiques en cas de suspicion de cas d'influenza aviaire, les vétérinaires sanitaires ont du se tenir prêts à diligenter des équipes techniques pour les vaccinations de volailles dans les trois départements rendus éligibles à ces campagnes de vaccination par l'arrêté du 16 février 2006 (Landes, Loire-atlantique, Vendée). In fine , seul le département des Landes 6 ( * ) avait eu recours à la vaccination préventive de certains anatidés ne pouvant faire l'objet d'un confinement.
Enfin, il faut noter la présence sur le territoire d'un réseau de laboratoires vétérinaires départementaux (LVD) qui exercent un double rôle en matière de surveillance épidémiologique de l'influenza aviaire :
- le traitement des suspicions en élevage , par le biais de l'autopsie, qui peut être exercée par tous les LVD en cas de mort suspecte, et d'analyses virologiques plus poussées, exercées par trois laboratoires départementaux spécialisés, analyses in fine , renvoyées au Laboratoire national de référence (LNR) de l'AFSSA à Ploufragan dans le département des Côtes-d'Armor ;
- l'épidémiosurveillance de la faune sauvage : en matière d'autopsies et de tri primaire, tous les LVD peuvent être compétents, sous réserve qu'ils soient équipés en matériel de biosécurité adéquat ; en matière de criblage, c'est-à-dire pour les recherches du virus d'influenza aviaire de type A, six laboratoires de criblage répartis sur le territoire national selon un découpage de grandes zones géographiques, sont compétents, puis, in fine , l'analyse est renvoyée au Laboratoire national de référence de Ploufragan afin d'effectuer des recherches complémentaires et de confirmer la présence du virus H5N1.
Recensement en France des cas d'oiseaux porteurs du virus H5N1 Bilan cumulé sur l'année au 28 mai 2006 Activité des six laboratoires de criblage : • Nombre d'oiseaux ayant fait l'objet de prélèvements en laboratoire de criblage : 2.867 Activité du laboratoire national de référence : • Nombre d'oiseaux ayant fait l'objet de prélèvements au laboratoire national de référence : 175 • Nombre de résultats H5N1 HP positifs : 63 • oiseaux sauvages : 51 cygnes, 7 canards sauvages, 1 buse, 1 héron, 1 oie, 1 grèbe ; • 1 élevage de dindes dans l'Ain dans la commune de Versailleux Source : ministère de l'agriculture et de la pêche |
Lors de ses déplacements, votre rapporteure spéciale a été en mesure de constater la mobilisation des services vétérinaires déconcentrés en temps de crise ainsi que l'existence d'un réseau efficace de vétérinaires sanitaires . Il faut d'ailleurs souligner que ce réseau de vétérinaires sanitaires est unique en Europe et constitue un modèle pour d'autres pays européens, comme le Royaume-Uni par exemple, qui ont, au contraire, vu leur maillage territorial vétérinaire se déliter, notamment suite à la privatisation de leurs services vétérinaires.
D'après les informations fournies à votre rapporteure spéciale par les services du ministère de l'agriculture et de la pêche, à la fin du mois d'avril 2006, plus de 30.000 visites de vétérinaires sanitaires avaient été réalisées sur toute la France, pour plus de 28.000 élevages à vocation agricole recensés, situés dans des communes des zones humides nécessitant une visite mensuelle. En outre, il faut compter trois fois plus de basses-cours dans les mêmes zones impliquant la visite mensuelle d'un vétérinaire.
Malgré la qualité du maillage vétérinaire du territoire et son caractère exemplaire, votre rapporteure spéciale a pu noter, sur le terrain, l'expression d'une inquiétude des professionnels s'agissant de la pérennité de ce maillage et notamment du réseau des vétérinaires sanitaires, considéré comme fragiles par de nombreux interlocuteurs, notamment par la directrice générale de l'AFSSA .
Cette inquiétude a notamment été relayée par l'Académie Vétérinaire de France qui, dans son avis adopté le 2 février 2006 , à l'unanimité de ses membres présents, et transmis au ministre de l'agriculture et de la pêche le 8 février 2006, recommandait que « les services vétérinaires français soient renforcés dans toutes leurs composantes, en conformité avec les normes de l'Organisation mondiale de la santé animale en matière de qualité et de modalités de surveillance, et notamment que les plans intégrés de préparation aux situations d'urgence établis par ces services soient dotés des ressources humaines et financières nécessaires et tiennent compte des contraintes propres à chaque type d'élevage en associant tous les acteurs concernés ; et que le maillage territorial de surveillance épidémiologique mis en place en France soit développé et soutenu ».
• L'organisation d'exercices de simulation
Conformément à la définition des plans d'urgence contre les épizooties majeures contenue dans la note de service précitée du 7 mars 2003, la réalisation d'exercices d'alerte impliquant l'ensemble des partenaires concernés sur le terrain fait partie de la préparation, en temps de paix, à la gestion d'une crise sanitaire de grande ampleur.
C'est ainsi que des exercices de simulation de survenance d'une crise d'influenza aviaire affectant un élevage ont été organisés régulièrement dans tous les départements du territoire métropolitain, dans le but d'améliorer les plans d'urgence définis au niveau règlementaire et de préparer l'ensemble des services à agir et réagir en temps réel.
D'après les informations recueillies par votre rapporteure spéciale auprès du directeur général de l'alimentation du ministère de l'agriculture et de la pêche lors de son audition, les retours d'expérience des exercices de simulation réalisés ont montré, en particulier, la nécessité de bien former les agents dans le domaine de leur propre protection dans les élevages infectés , la difficulté de réaliser rapidement un recensement des oiseaux détenus dans un périmètre donné (recensement qui va bien au-delà de celui des lieux d'hébergement) et le bénéfice tiré de l'implication des autres services départementaux .
* 4 Une note de service de la direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture et de la pêche, en date du 14 décembre 2005, a ainsi mis en place un dispositif de formation des vétérinaires sanitaires à la lutte contre l'influenza aviaire.
* 5 Un éleveur qui estime ne pas pouvoir confiner ses oiseaux doit appeler son vétérinaire qui effectue une visite (considérée comme une visite d'évaluation). Le rapport est transmis par le vétérinaire à la DDSV qui vérifie, au vu du rapport, si les conditions de dérogation sont bien remplies et enclenche le versement de l'aide financière au vétérinaire (sous réserve que le rapport soit réalisé convenablement). Certains préfets ont décidé de ne pas accorder de dérogation aux détenteurs de moins de 100 oiseaux hors des zones humides et, d'autre part, dans les zones humides de trois départements (Landes, Loire-Atlantique et Vendée) la dérogation était impossible pour les élevages de moins de 100 oiseaux. En outre, certaines espèces ne pouvaient pas être confinées et il était difficile de les nourrir à l'intérieur faute de bâtiment ou en raison de bâtiments de structure trop légère (poulets de Bresse ou les poulets des Landes); de plus des espèces ont besoin de plans d'eau extérieur.
* 6 Près de 500.000 canards et oies ont été vaccinés.