PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEURE SPÉCIALEAu nom de la commission des finances du Sénat et en application de l'article 57 de la LOLF, votre rapporteure spéciale des crédits de la mission « Sécurité sanitaire » , a conduit, au cours du premier semestre de l'année 2006, une mission de contrôle sur la mise en oeuvre des mesures de lutte contre la « grippe aviaire », dans sa dimension à la fois animale et humaine. Elle a ainsi procédé à de nombreuses auditions de responsables administratifs ainsi que d'experts nationaux et internationaux, et a effectué des déplacements dans quatre départements, la Saône-et-Loire, la Vendée, la Seine-et-Marne et les Côtes-d'Armor. Ses principales observations sont les suivantes : - le dispositif national de lutte mis en place peut être considéré comme globalement efficace . Il a démontré sa capacité à gérer l'épizootie d'influenza aviaire malgré certains points faibles qui devront être corrigés à l'avenir, et le plan gouvernemental de préparation à une éventuelle pandémie grippale a été reconnu de bonne qualité, sur un plan théorique, par la plupart des experts internationaux . Dans le même temps, il faut reconnaître que ce plan théorique se heurtera sans doute à des difficultés d'ordre pratique et psychologique . A cet égard, on peut relever la trop faible association des médecins libéraux à la préparation contre la pandémie, l'inégale couverture médicale sur le territoire ainsi que les limites des capacités hospitalières nationales ; - la mobilisation des énergies est encore inégale sur le terrain et les services déconcentrés de l'Etat n'ont pas tous trouvé une place légitime dans le dispositif élaboré au niveau national ; - de même, l'appareil d'Etat n'a pas encore pris la mesure des changements radicaux, en termes d'organisation administrative, qu'implique la mise en oeuvre de la LOLF , puisque la mission interministérielle « Sécurité sanitaire », intégrant une partie des crédits dédiés à la lutte contre la « grippe aviaire », n'a pas fait les preuves de la légitimité de son existence et affiche encore une interministérialité budgétaire factice ; - en outre, la préservation de la santé animale constitue aujourd'hui une priorité et une nécessité si l'on veut protéger durablement la santé humaine, à l'échelle nationale et internationale . D'où l'importance d'une aide internationale coordonnée en direction des pays aujourd'hui les plus exposés à l'épizootie d'influenza aviaire, notamment envers le continent africain. Cette aide a trop tardé à se mettre en place, faisant les frais de controverses où les impératifs économiques n'étaient pas étrangers, entre les différentes instances internationales en charge de la santé humaine, d'une part, et de la santé animale, d'autre part ; - enfin, il faut se préparer à vivre avec un risque durable, au niveau national et international . La durabilité du risque impose un effort de pédagogie au niveau national mais surtout une réelle prise de conscience au niveau international qui pourrait, à terme, donner naissance à un nouveau concept, celui de droit d'ingérence sanitaire . Enfin, l'émergence d'une réelle gouvernance mondiale de la sécurité sanitaire devra permettre l'application, dans les pays ne disposant pas de structures sanitaires adaptées, de normes internationales sanitaires définies au sein d'une instance internationale sui generis , regroupant les problématiques de santé animale et de santé humaine. |
I. UN DISPOSITIF NATIONAL GLOBALEMENT EFFICACE À L'ARCHITECTURE ADMINISTRATIVE GÉNÉRALE INADAPTÉE ET PEU STRUCTURÉE
A. UN DISPOSITIF GLOBALEMENT EFFICACE
En France, le dispositif de lutte dans son ensemble repose sur le Plan gouvernemental de prévention et de lutte « Pandémie grippale » du 6 janvier 2006 , qui annule et remplace celui du 11 octobre 2004. Ce plan, rédigé par le secrétariat général de la défense nationale (SGDN) placé auprès du Premier ministre, comprend deux volets, d'inégale importance :
- un volet relatif à la pandémie humaine , décrivant notamment l'organisation administrative et territoriale pour la gestion de crise en fonction des différentes phases identifiées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ;
- un volet, sous forme de chapitre spécifique au sein de ce plan, relatif à l'influenza aviaire , intitulé « Prévention et plan d'urgence relatifs à l'influenza aviaire ».
La qualité de ce plan a récemment été soulignée par une étude de la « London School of Hygiene and Tropical medicine » publiée dans la revue britannique Lancet du 20 avril 2006 1 ( * ) .
1. Le dispositif de lutte contre l'influenza aviaire a fait les preuves de son efficacité
a) Un dispositif qui s'inscrit dans la continuité des précédents plans d'urgence contre les épizooties majeures
Le dispositif de lutte contre l'influenza aviaire mis en oeuvre en France est l'héritage des enseignements tirés de crises sanitaires antérieures, telles l'épizootie de fièvre aphteuse ou l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), qui ont abouti à la constitution de plans d'urgence contre les épizooties majeures décrits notamment par les notes de services du 5 juin 2002 et du 7 mars 2003, diffusées auprès des services déconcentrés par la direction générale de l'alimentation (DGAL) du ministère de l'agriculture et qui indiquent les principes d'élaboration, de fonctionnement et d'évaluation des plans d'urgence.
Ainsi, la note de service du 7 mars 2003 précise que « le retour d'expérience de la crise de fièvre aphteuse en 2001 a mis en évidence la nécessité d'actualiser le plan d'urgence contre la fièvre aphteuse et de finaliser les autres plans d'urgence contre les épizooties majeures au niveau national et départemental » et que « dans toute gestion de crise, l'existence préalable de plans d'urgence dans les départements est l'un des facteurs clés de la réussite ».
La note précitée rappelle également que cette gestion de crise comprend principalement :
- la mise en place et l'entretien des réseaux de personnes impliquées dans la prévention et la lutte contre les épizooties ;
- la préparation des moyens humains et matériels pour la gestion des suspicions et des premiers foyers de maladie réputée contagieuse ;
- l a mise en place d'un système documentaire à la direction départementale des services vétérinaires ;
- la réalisation d'exercices d'alerte impliquant l'ensemble des partenaires concernés.
Lors de ses déplacements dans les départements, votre rapporteure spéciale a pu constater que ces principes étaient bien connus des services déconcentrés concernés au premier chef par la mise en oeuvre de ces plans, notamment par les directions départementales des services vétérinaires (DDSV), et, pour la plupart, appliqués .
En effet, l'expérience issue de la gestion de crises sanitaires antérieures majeures liées à des épizooties de maladies très contagieuses telles la fièvre aphteuse, les pestes porcines, la fièvre catarrhale du mouton mais aussi certaines formes de pestes aviaires, comme la maladie de Newcastle, a permis de mettre en évidence le fait que la « gestion réussie » d'une crise sanitaire dépend de la qualité de sa préparation en « temps de paix », par opposition à une situation en temps de crise.
Cette préparation repose, notamment, sur la qualité des relations établies avec le préfet, les chefs de service déconcentrés et les différents acteurs concernés qui peuvent être regroupés au sein d'une instance informative dénommée comité départemental de lutte contre les épizooties majeures, sur la qualité du réseau d'épidémiosurveillance, sur la qualité des relations établies avec les responsables des médias locaux, enfin sur la préparation des moyens humains et matériels.
* 1 Cette étude comparative des différents plans de préparation à une éventuelle pandémie grippale, mis en place par les vingt-cinq membres de l'Union européenne ainsi que la Bulgarie, la Norvège, la Roumanie et la Suisse, classe la France dans le groupe de tête des pays les mieux préparés à un risque de pandémie sur la base du plan gouvernemental du 6 janvier 2006.