N° 451
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 30 juin 2006 Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 juillet 2006 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la gestion de la grippe aviaire ,
Par Mme Nicole BRICQ,
Sénatrice.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.
Santé publique. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a confirmé, le 23 juin 2006, le premier cas de transmission interhumaine de « grippe aviaire », au sein d'une même famille, sur l'île de Sumatra en Indonésie.
Que nous apprend cette information ?
D'abord, sur un plan scientifique , elle signifie que le virus d'influenza aviaire hautement pathogène, de souche H5N1, a subi une légère mutation permettant sa transmission d'homme à homme, dans des conditions très appuyées de promiscuité et de longévité des contacts entre être humains. Si bien que l'OMS considère que la situation de pandémie humaine, qu'elle déclarait pourtant imminente en 2004, n'est pas encore à déplorer.
Ensuite, sur un plan étymologique , elle révèle toute l'ambiguïté des mots habituellement utilisés pour décrire la crise sanitaire, à dimension internationale, que traverse le monde depuis 2003. La « grippe aviaire » est, en effet, un terme générique qui renvoie à des notions scientifiques différentes. Il conviendrait de parler d' épizootie d'influenza aviaire lorsque l'on fait référence au virus à souche hautement pathogène (H5N1) qui touche les oiseaux ; de zoonose lorsqu'il s'agit d'évoquer la maladie transmissible de l'animal à l'homme ; enfin de pandémie de grippe d'origine aviaire lorsque l'on évoque l'éventuelle épidémie humaine susceptible de toucher le monde entier, suite à la mutation génétique du virus d'origine aviaire qui permettrait sa transmission interhumaine à grande échelle. Votre rapporteure spéciale estime que l'utilisation systématique de l'expression « grippe aviaire » pour désigner indifféremment la maladie animale et la maladie humaine a contribué à semer la confusion dans les esprits sur la réalité scientifique de cette crise sanitaire .
Enfin, sur un plan politique , cette information révèle les failles de la gestion internationale de cette crise sanitaire de grande ampleur, depuis son avènement dans le Sud-est de l'Asie. En effet, si le premier cas de transmission interhumaine a été confirmé en Indonésie, c'est sans doute parce que ce pays est aujourd'hui considéré comme l'un des plus contaminés au monde par l'épizootie d'influenza aviaire et celui qui s'est montré le plus inapte à maîtriser cette maladie animale. Cette inaptitude ne relève pas seulement de la responsabilité du gouvernement indonésien mais aussi de celle de la communauté internationale dans son ensemble, responsable de n'avoir pas pris, assez tôt, la mesure de cette maladie animale et surtout de l'importance de lutter contre ce fléau à sa souche, c'est-à-dire chez les oiseaux.
En effet, et c'est l'un des enseignements essentiels que votre rapporteure spéciale a tiré de la mission de contrôle sur pièces et sur place qu'elle a menée au nom de votre commission des finances, en application de l'article 57 de la LOLF, la porosité actuelle entre le monde animal et celui des hommes constitue un risque sanitaire nouveau majeur .
Tous les experts scientifiques internationaux l'ont constaté : on a assisté, au cours des dix dernières années notamment, à une recrudescence et une plus grande virulence des épizooties au niveau mondial, en raison de la conjonction de différents facteurs liés à l'intégration de plus en plus poussée des systèmes d'élevage dans certains pays où les mesures de biosécurité ne sont pas toujours respectées, au rapprochement de certaines espèces animales (sauvages et domestiques), à l'évolution de la démographie humaine mondiale associée à la concentration des populations dans certaines régions du monde, enfin à la globalisation des échanges internationaux qu'ils soient liés au commerce ou à la migration des populations.
Ces différents facteurs d'émergence des épizooties au niveau mondial expliquent également la multiplication des zoonoses, à savoir des maladies transmissibles de l'animal à l'homme, pouvant être mortelles.
C'est pourquoi votre rapporteure spéciale considère que la préservation de la santé animale constitue aujourd'hui une priorité et une nécessité si l'on veut protéger durablement la santé humaine, à l'échelle nationale et internationale . D'où l'importance d'une aide internationale coordonnée en direction des pays aujourd'hui les plus exposés à l'épizootie d'influenza aviaire. Cette aide a trop tardé à se mettre en place, faisant les frais de controverses où les impératifs économiques n'étaient pas étrangers, entre les différentes instances internationales en charge de la santé humaine, d'une part, et de la santé animale, d'autre part.
Si la responsabilité de la communauté internationale dans son ensemble est d'aider les pays les plus démunis à faire face une crise sanitaire de grande ampleur, celle du gouvernement français était de préparer le pays à la fois à gérer une crise de santé animale et à se prémunir contre les effets d'une éventuelle pandémie humaine de grippe d'origine aviaire.
Au cours de ses déplacements et de ses nombreuses auditions, votre rapporteure spéciale a été amenée à constater que le dispositif de lutte mis en place est globalement efficace . Ce dispositif a fait les preuves de son efficacité s'agissant de la gestion de l'épizootie d'influenza aviaire malgré certains points faibles qui devront être corrigés à l'avenir et il a été reconnu de bonne qualité, sur un plan théorique, par la plupart des experts internationaux, s'agissant de la préparation à une éventuelle pandémie grippale.
Toutefois, votre rapporteure spéciale note que la mobilisation des énergies est encore inégale sur le terrain et que les services déconcentrés de l'Etat n'ont pas encore tous trouvé une place légitime dans le dispositif élaboré, au niveau national, par le secrétariat général de la défense nationale.
De même, votre rapporteure spéciale constate que l'appareil d'Etat n'a pas encore pris la mesure des changements radicaux, en termes d'organisation administrative, qu'impliquait la mise en oeuvre de la LOLF , puisque la mission interministérielle « Sécurité sanitaire », qui intègre une partie des crédits dédiés à la lutte contre la « grippe aviaire », n'a pas fait les preuves de la légitimité de son existence et affiche encore une interministérialité budgétaire pour le moins artificielle.
Votre rapporteure spéciale estime que, pour l'avenir, le risque associé au virus d'influenza aviaire est un risque durable qu'il conviendra d'intégrer dans notre système de veille sanitaire en conservant et en renforçant les structures existantes.
La durabilité de ce risque impose donc un effort de pédagogie au niveau national mais surtout une réelle prise de conscience au niveau international qui pourrait, à terme, donner naissance à un nouveau concept, celui de droit d'ingérence sanitaire.
Enfin, votre rapporteure spéciale appelle de ses voeux l'émergence d'une réelle gouvernance mondiale de la sécurité sanitaire permettant l'application, dans les pays ne disposant pas de structures sanitaires adaptées, de normes internationales sanitaires définies au sein d'une instance internationale sui generis, regroupant les problématiques de santé animale et de santé humaine , aujourd'hui traitées distinctement par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), d'une part, l'Organisation des nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE), d'autre part.