N° 235

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 3 mars 2006

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom des délégués élus par le Sénat à l' Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (1) sur les travaux de la Délégation française à cette Assemblée, au cours de la première partie de la session ordinaire de 2006 , adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement,

Par Mme Josette DURRIEU,

Sénatrice.

(1) Cette délégation est composée de : M. Denis Badré, Mme Josette Durrieu, MM. Francis Grignon, Jacques Legendre, Jean-Pierre Masseret et Philippe Nachbar, Délégués titulaires ; MM. Jean-Marie Bockel, Jean-Guy Branger, Michel Dreyfus-Schmidt, Daniel Goulet, Jean-François Le Grand et Yves Pozzo di Borgo, délégués suppléants.

Conseil de l'Europe.

INTRODUCTION

Les allégations de détentions secrètes dans des États membres du Conseil de l'Europe, la nécessité d'une condamnation internationale des crimes des régimes communistes totalitaires et les violations des droits de l'homme en République tchétchène, tels étaient les principaux points à l'ordre du jour lors de la session d'hiver de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe qui s'est tenue à Strasbourg du 23 au 27 janvier 2006.

Parmi les personnalités qui ont pris la parole durant cette première partie de session 2006, figurent MM. Traian Basescu, Président de la Roumanie, Serguei Stanichev, Premier ministre de la Bulgarie, et Jackson Ramirez, Président du Sénat mexicain. M. Mihai-Razvan Ungureanu, Ministre roumain des Affaires étrangères, a présenté la communication du Comité des Ministres à l'Assemblée parlementaire, et M. Terry Davis, Secrétaire général du Conseil de l'Europe, a prononcé son discours annuel sur l'état du Conseil de l'Europe.

M. Jan Eliasson, Président de l'Assemblée générale des Nations unies, a prononcé une allocution dans le cadre du débat sur la dimension parlementaire des Nations unies et Mme Rita Verdonk, Ministre néerlandaise de l'Intégration et de l'Immigration, s'est adressé à l'Assemblée lors d'une discussion sur la politique de retour pour les demandeurs d'asile déboutés aux Pays-Bas.

Parmi les autres points à l'ordre du jour figuraient notamment le concept de « nation » ; respect des obligations et engagements de la Géorgie vis-à-vis du Conseil de l'Europe. Un débat d'urgence s'est également tenu sur « la situation en Biélorussie la veille de l'élection présidentielle », débat auquel ont été invités à participer MM. Vladimir Konoplev, Président de la Chambre des Représentants de Biélorussie, et Alexander Milinkevich, principal représentant de l'opposition.

I. DEBATS DE LA PREMIÈRE PARTIE DE SESSION DU CONSEIL DE L'EUROPE - STRASBOURG - 23-27 JANVIER 2006

A. LUNDI 23 JANVIER 2006

1. Contestation des pouvoirs de la délégation azérie

La session a débuté par la contestation des pouvoirs de la délégation azérie. Les élections législatives qui se sont tenues le 25 novembre dernier ont fait l'objet d'une observation portant sur les conditions matérielles de leur déroulement susceptibles d'empêcher les électeurs de s'exprimer librement. Un rapport a été demandé à la Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres, qui a finalement validé les pouvoirs de la délégation, l'Azerbaïdjan s'étant engagé à ce qu'un certain nombre d'élections partielles soient organisées dans les circonscriptions jugées litigieuses.

2. Rapport d'activité du Bureau de l'Assemblée parlementaire et de la Commission permanente

M. Bernard Schreiner, député, président de la Délégation française , a ensuite présenté le rapport d'activité de l'Assemblée parlementaire pour l'année 2005. Cette démarche, inédite, a été appréciée et sera renouvelée.

MM. Bernard Schreiner, (Bas-Rhin - UMP), Georges Colombier (Isère - UMP), et François Rochebloine (Loire - UDF) se sont exprimés.

M. Bernard Schreiner, député :

« Le rapport d'activités se compose de trois parties. Les deux premières portent sur les décisions prises par le Bureau et par la Commission permanente du 7 octobre 2005 à aujourd'hui et la dernière, sur les activités du Président au cours de l'année 2005. C'est bien la première fois, je tiens à le souligner, qu'un tel document est produit. J'en félicite le Président.

« Comme vous pouvez le constater dans ce rapport, les membres du Bureau et de la Commission permanente ont été particulièrement actifs depuis la dernière partie de la session de 2005. Je ne commenterai donc pas tous les points figurant dans le rapport; seulement certains d'entre eux.

« Les membres de notre Assemblée parlementaire se sont rendus en Azerbaïdjan pour observer les élections législatives, en Arménie pour observer le référendum constitutionnel et au Kazakhstan pour observer l'élection présidentielle. Certains se trouvent actuellement en Israël pour observer les élections au Conseil législatif palestinien. A cet égard, je remercie toutes celles et tous ceux qui ont pu se rendre disponibles pour participer à ces moments très importants pour les pays concernés.

« S'agissant du dialogue de post-suivi avec la Slovaquie et la Lettonie, lors de sa réunion du 9 janvier 2006 à Paris, le Bureau a pris acte et déclassifié les memorendums approuvés par la commission de suivi. A l'égard de la Slovaquie, le Bureau a décidé de recommander à l'Assemblée de clore le dialogue de post-suivi et d'annexer le memorendum au rapport d'activité.

« A l'égard de la Lettonie, des réserves ont été exprimées au Bureau concernant la proposition de clore dès maintenant le dialogue de post-suivi. Je tiens à rappeler que la proposition initiale qui avait été faite au sein de la commission de suivi était de continuer le dialogue de post-suivi. Mais la commission de suivi s'est finalement ralliée à la proposition de clore ce dialogue en l'assortissant d'une liste de sujets spécifiques à suivre dans l'avenir. Le Bureau a donc décidé de ne pas transmettre la proposition de la commission de suivi à l'Assemblée à ce stade. Il a demandé au Président de se mettre en relation avec la délégation parlementaire de Lettonie en lui demandant d'informer le Bureau sur les différentes mesures prises. Le Bureau est convenu de réexaminer cette question à la lumière de ses réponses.

« Vous le savez, à la suite d'allégations publiées dans le Washington Post et par Human Rights Watch sur l'existence de centres secrets de détention de la CIA en Roumanie et en Pologne, M. Marty a été désigné par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme pour mener une enquête concernant «Les allégations de détentions secrètes dans les États membres du Conseil de l'Europe».

« En janvier 2006, le Bureau a recommandé à l'Assemblée de tenir un débat d'actualité sur ce thème, étant entendu qu'un rapport serait présenté lors d'une prochaine partie de session. A cet égard, j'invite les parlements nationaux à coopérer pleinement avec M. Marty à la préparation de son rapport, car, comme l'a indiqué le Président, «cette question touche au coeur même du mandat du Conseil de l'Europe dans le domaine des droits de l'homme». »

M. Georges Colombier, député :

« Mon intervention portera sur le référendum constitutionnel en Arménie du 27 novembre dernier .En juin 2005, la commission de suivi avait déjà exprimé son inquiétude quant à la préparation du référendum, puisque l'Arménie devait amender la Constitution. De ce point de vue, le fait que la majorité se soit exprimée favorablement ne peut que nous réjouir. En revanche, la façon dont ce résultat a été obtenu est regrettable, ce qui nous place dans une situation particulière. Le résultat est atteint mais la façon d'y parvenir n'était pas la bonne!

« Comme rapporteur, je proposerai à la commission de suivi d'adopter, après discussion, une déclaration. En effet, les constats effectués par la commission ad hoc de l'Assemblée parlementaire, qui a observé le déroulement du référendum dans un nombre malheureusement limité de bureaux de vote, et les nombreux témoignages rapportés par les médias et les ONG ne peuvent que ternir la crédibilité des résultats officiellement annoncés.

« La commission de suivi regrette également que le débat politique sur une réforme aussi majeure pour l'avenir du pays n'ait pas été à la hauteur de l'enjeu. La décision de l'opposition d'appeler au boycottage du référendum ou à voter contre, l'organisation tardive d'une véritable campagne d'information des citoyens et, plus généralement, l'absence de dialogue entre les forces politiques ont privé le pays d'un débat serein et constructif.

« L'attitude de l'opposition, qui a décidé de retirer la plupart de ses membres siégeant dans les commissions électorales, est tout aussi regrettable car elle s'est ainsi privée elle-même de la possibilité de contester devant les tribunaux les fraudes et les irrégularités qu'elle dénonçait. De même, le refus du procureur général d'enquêter sur des cas de fraudes précis pourtant publiquement dénoncés par le président du Parlement arménien ne peut que laisser planer un doute.

« Pour la commission de suivi, la façon dont l'Arménie mettra en oeuvre les nouvelles dispositions constitutionnelles représentera un test majeur quant à la volonté de sa classe politique de véritablement rapprocher le pays des valeurs européennes. Il ne s'agit pas seulement d'adopter enfin les réformes législatives bloquées jusqu'ici par une Constitution inadaptée, mais surtout de créer un climat politique à même de garantir que les élections législatives en 2007 et les élections présidentielles à venir se dérouleront selon les normes européennes. Cela nécessitera un renforcement de toutes les institutions démocratiques, un renforcement de l'indépendance de la justice, du fonctionnement libre et pluraliste des médias, de l'exercice effectif de la liberté de réunion.

« Auparavant, le médiateur était désigné par le Président de la République; c'est désormais du ressort du Parlement arménien. Je souhaite que cette désignation ait lieu rapidement afin que la vacance de poste soit la plus courte possible. La commission de Suivi attend maintenant des autorités arméniennes un calendrier précis pour l'adoption des réformes qui sont nécessaires afin que l'Arménie puisse honorer les obligations et engagements pris envers le Conseil de l'Europe.

« La commission de Suivi continuera à oeuvrer en faveur d'une bonne coopération entre le Conseil de l'Europe et l'Arménie dans tous les domaines où notre organisation peut apporter son soutien politique et son assistance technique. Mais elle redoublera de vigilance au cours de cette année pour s'assurer que les réformes à venir répondront pleinement aux normes et aux exigences du Conseil de l'Europe. »

M. François Rochebloine, député :

« Monsieur le président, mes chers collègues, l'on ne s'étonnera pas dans cette Assemblée, de l'attention toute particulière avec laquelle j'ai suivi le processus qui a conduit à l'adoption, par voie référendaire, de la réforme des institutions politiques arméniennes le 27 novembre dernier.

« Je le fais, tout d'abord, par fidélité à mon engagement aux côtés du peuple arménien qui a recouvré enfin, voici maintenant quinze ans, la pleine maîtrise de son destin et qui fait face avec courage aux défis liés à cette aventure. Je le fais aussi, et ce avec la même détermination, car, comme d'autres, je suis attaché à la stabilisation de la situation politique dans cette région du Caucase du Sud; et pour moi, l'une des conditions de la stabilisation et de la paix est la mise en place, dans chacun des pays de la région, d'institutions politiques démocratiques et, en particulier, conformes aux normes définies par le Conseil de l'Europe.

« A lire les nouvelles qui nous parviennent des trois pays de la zone, j'ai vraiment l'impression que l'Arménie n'est pas la plus mal placée par rapport à ces exigences, bien au contraire. En effet, plusieurs d'entre nous ont reçu des lettres de citoyens de l'Azerbaïdjan évoquant la violation du droit à l'expression de l'opposition, la répression politique et les procédures policières arbitraires qui sont monnaie courante dans ce pays. Nous apprenons par ailleurs que la destruction méthodique des khatchkars a repris dans le cimetière du Djougha, au sud du Nakhitchevan : on revoit les tombes profanées, les croix brisées, les débris évacués... Le mépris des droits de l'homme et l'insulte à la mémoire se conjuguent ainsi en un sombre tableau qui nous ramène fâcheusement à de tristes périodes de notre histoire contemporaine.

« Je ne peux que relever le contraste entre cette actualité et la réalité arménienne d'aujourd'hui. La prochaine entrée en vigueur de la réforme constitutionnelle va, comme le reconnaît notre rapporteur Tomas Jirsa, dans le sens des recommandations du Conseil de l'Europe : rééquilibrage des institutions nationales au profit du Parlement; développement de la démocratie locale, renforcement de l'indépendance du pouvoir judiciaire; ouverture du droit au recours individuel devant la Cour constitutionnelle; et enfin, renforcement de l'indépendance du défenseur des droits de l'homme.

« Un autre motif me pousse à rendre hommage à notre collègue Tomas Jirsa : dans son rapport, il a rappelé avec raison que la consolidation de l'esprit démocratique dans une jeune nation était de la responsabilité de l'ensemble des forces politiques, majorité comme opposition. Pour moi, qui suis l'ami du peuple arménien sans distinction d'opinion ou d'engagement, ce rappel était nécessaire.

« J'ai bien entendu les griefs qui ont pu être faits par les observateurs internationaux à tel ou tel aspect de l'organisation de la consultation électorale. Avec le rapporteur, je pense que les dispositions adéquates doivent être prises pour améliorer encore la pratique, voire les règles applicables. Mais je pense aussi qu'il serait injuste de ne pas mesurer le chemin parcouru depuis la proclamation de l'indépendance de l'Arménie il y a un peu moins de quinze ans, c'était le 21 septembre 1991. Au demeurant le rapport constate que les dispositions adoptées par référendum le 27 novembre dernier vont dans le sens souhaité par le Conseil de l'Europe. Je vois dans cette observation que je partage un grand motif d'espérance, et j'encourage les forces politiques arméniennes à poursuivre leurs efforts afin de contribuer au renforcement de la cohésion nationale et à la bonne image du pays dans l'opinion internationale.

« Je ne peux terminer cette brève intervention sans souhaiter que le problème d'alimentation en gaz russe de la Géorgie et de l'Arménie trouve rapidement une solution. »

3. La dimension parlementaire des Nations Unies

L'Assemblée a débattu d'un rapport sur la dimension parlementaire des Nations unies. Elle a appelé de ses voeux la réforme des institutions de l'ONU ; elle souhaite, en particulier, que les parlements nationaux participent aux organes de décision. Elle demande une meilleure information des parlementaires et propose une expérimentation temporaire : créer une commission parlementaire consultative auprès de l'Assemblée générale de l'ONU. M. Jan Eliasson, Ambassadeur de Suède et président de la soixantième session de l'Assemblée générale des Nations unies, est intervenu dans le débat pour souligner que l'institution travaillait à la réforme de ses structures, et a invité les parlementaires à assurer un lien entre l'Organisation et la société civile.

M. Jean-Marie Geveaux (UMP - Sarthe) s'est exprimé au cours du débat.

M. Jean-Marie Geveaux, député :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, fondée au sortir de la guerre, l'ONU, en promouvant le multilatéralisme, s'assignait une tâche prioritaire, à savoir prévenir les conflits en encourageant le dialogue entre les États et ouvrir une nouvelle ère dans les relations internationales.

« Plusieurs décennies plus tard, force est de reconnaître que cette organisation a connu de belles réussites mais aussi des échecs cuisants dont je vous rappelle le dernier : malgré une intense mobilisation, elle n'a pu empêcher la guerre en Irak.

« Plus grave est le climat de suspicion qui se développe autour du personnel et des activités de l'organisation. C'est pourquoi une réforme est nécessaire. Le Secrétaire général a présenté des pistes, en septembre dernier. Il importe de rééquilibrer la représentation géographique et politique au sein du Conseil de sécurité. Mais il importe aussi de lutter contre l'opacité de cette énorme structure et de renforcer ses dimensions démocratiques. C'est pourquoi la proposition du rapporteur de créer une assemblée parlementaire au sein des Nations Unies me paraît judicieuse.

« En premier lieu, avoir des délégués de la représentation nationale au sein d'une instance comme l'Assemblée générale est légitime au regard du droit d'information dont dispose tout parlementaire. Ainsi, c'est par le biais d'une audition du ministre que la commission des affaires étrangères a été informée des résultats du sommet de septembre, au cours duquel a été abordée la réforme de l'Organisation.

« Alors que la France est le cinquième contributeur aux différents budgets de l'Organisation - soit 6 % dans le budget ordinaire -- et que plus de cinq cents de ses soldats participent aux opérations de maintien de la paix, il semblerait justifié que les parlementaires français qui financent ces décisions par le biais du vote des crédits à l'action extérieure de l'État y soient associés. Il en est de même pour le vote de conventions ou traités. Pour entrer en vigueur, l'article 53 de la Constitution française prévoit explicitement que les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale doivent être ratifiés ou approuvés par le Parlement.

« En second lieu, une participation accrue des représentations nationales impliquerait davantage les gouvernements dans le respect de leurs engagements. Les parlements sont un formidable relais et pourraient contribuer à favoriser le suivi des recommandations, inciter à ratifier des conventions et surtout accroître l'intérêt des populations envers les travaux menés par cette institution. En outre, les parlementaires pourraient alerter l'organisation sur des sujets de préoccupation du grand public et faire entendre la voix des citoyens.

« Ce mécanisme d'assemblée parlementaire associée à une organisation internationale a déjà été mis en place et fonctionne au sein de l'OSCE et de l'OTAN. Il importe cependant, comme le rappelle à juste titre notre rapporteur, de bien encadrer cette participation. L'Assemblée parlementaire doit être composée de manière à refléter un équilibre géographique, politique et à respecter la parité. Elle doit être associée aux travaux de l'Assemblée générale de manière systématique et structurée. L'intérêt d'une telle structure réside dans la liberté de parole des parlementaires, dont ne bénéficient pas les diplomates. En effet, elle doit être une assemblée politique et non un énième comité d'experts. Elle doit avoir une fonction de consultation et de contrôle et ne pas se résumer à un forum de discussion.

« A défaut, il serait opportun que des parlementaires soient obligatoirement associés aux délégations nationales au sein de l'assemblée générale. La mise en place en son sein d'une assemblée parlementaire ne peut que consolider l'organisation des Nations Unies et lui insuffler une dimension démocratique qui lui manque et lui redonner toute sa légitimité. Enfin, elle peut servir de catalyseur pour une réforme dont elle a grand besoin pour faire face aux nouveaux défis. »

A l'issue de ce débat l'Assemblée a adopté une résolution (n° 1476).

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