3. L'accord franco-canadien de 1994
Après la sentence arbitrale prononcée en 1992, les négociations franco-canadiennes ont abouti à la conclusion d'un accord relatif au développement de la coopération régionale entre Saint-Pierre-et-Miquelon et les Provinces atlantiques canadiennes, signé le 2 décembre 1994 à Paris.
L'article 2 de cet accord de coopération prévoit que les questions relatives aux relations de pêche entre la France et le Canada font l'objet d'un procès-verbal conclu en application de l'accord de pêche du 27 mars 1972. Ce procès-verbal d'application, signé le 2 décembre 1994 et valable dix ans, définit les modalités de coopération en matière de conservation et de gestion des stocks situés dans la sous-division 3PS de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest (OPANO) 44 ( * ) ainsi que des procédures de contrôle concernant l'embarquement d'observateurs à bord des navires.
Aussi la diversification des activités de l'archipel, impérative pour sa survie économique, est un défi que l'esprit d'entreprise des Saint-Pierrais et des Miquelonnais devrait permettre de relever.
Le procès verbal d'application de l'accord instaure une gestion concertée de l'ensemble des stocks de la sous-division 3PS et une coopération scientifique pour la mettre en application. Il précise par ailleurs les conditions d'accès aux quotas de pêche attribués à la France dans les eaux du Canada, hors 3PS.
Aux termes du procès verbal du 2 décembre 1994, des totaux admissibles de capture (TAC) sont déterminés chaque année, par arrêté du ministre français, pour la morue, le sébaste, l'encornet, la plie grise, la plie canadienne et la pétoncle d'Islande.
L'arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche du 20 avril 2005 fixant pour l'année 2005 certains prélèvements totaux autorisés de captures dans la sous-division 3PS de l'OPANO, attribue à Saint-Pierre-et-Miquelon, pour la période du 1 er avril 2005 au 31 mars 2006 45 ( * ) , un quota :
- de 2.340 tonnes de morue ;
- de 288 tonnes de sébaste ;
- de 280 tonnes de pétoncle d'Islande ;
- de 73,45 tonnes de plie grise ;
- de 266 tonnes de crabe des neiges, espèce ne relevant pas des accords franco-canadiens mais soumise à des restrictions définies par le ministre français de l'agriculture et de la pêche en raison des limites de la ressource ;
- de thonidés : 4 tonnes de thon rouge, 200 tonnes de thon obèse, 200 tonnes de thon germon et 35 tonnes d'espadon 46 ( * ) .
Les oeufs de lompe, le bulot et le saumon ne sont pas soumis à quotas.
Vers le classement de la morue parmi les espèces protégées ? En dépit de l'interdiction de la pêche à la morue décidée par le Canada en 1992, la population ne parvient pas à se reconstituer. Aussi la morue pourrait-elle un jour être rangée parmi les espèces protégées, notamment au Canada. Deux causes sont évoquées pour expliquer cette impossibilité de reconstituer les stocks de poisson. Certains chercheurs mettent ainsi en avant un mécanisme « dépensatoire », selon lequel lorsqu' une population de poissons décroît et atteint un seuil très bas, elle n'a plus les moyens d'assurer son renouvellement . En effet, la trop faible concentration d'individus rend alors les rencontres moins fréquentes et la reproduction plus aléatoire. L'augmentation de la population de phoques du Groënland est une autre explication envisagée de ce phénomène. Selon M. Gérard Grignon, député de Saint-Pierre-et-Miquelon, si l'on comptait 2 millions de phoques en 1988, on en dénombrait plus de 7 millions en 1997. Chaque individu consommant 2 tonnes de poissons et crustacés par an, dont une tonne de morue, le prélèvement total opéré chaque année par les phoques sur le stock de morue s'élèverait à 7 millions de tonnes. Dès lors, pourrait se poser la question d'une maîtrise de la population de phoques du Groënland par des moyens scientifiques, afin de limiter leur emprise sur le stock de morue. |
Depuis 1997, la France dispose ainsi de 15,6 % des totaux admissibles de capture de morue et de 70 % des TAC de pétoncle dans les eaux canadiennes. L'accès aux quotas de pêche à la morue est réparti entre le secteur industriel (70 % pour l'usine Interpêche, exploités par un chalutier canadien affrété) et la pêche locale (30 % distribués sous forme de quotas par navire).
Dans les années 1980, la production annuelle de poisson s'élevait à plus de 8.000 tonnes à Saint-Pierre-et-Miquelon, dont près de 6.500 tonnes de morue. En 2004, la production annuelle s'est établie aux environs de 4.000 tonnes, dont près de 2.500 tonnes de morue, les débarquements de la pêche artisanale représentant 1.800 tonnes.
Le procès-verbal franco-canadien du 2 décembre 1994 arrivera à échéance en 2007 47 ( * ) . Cette échéance requiert par conséquent une mobilisation particulière de l'Etat aux côtés des autorités de l'archipel, afin d'assurer le maintien des emplois dans ce secteur à Saint-Pierre-et-Miquelon.
* 44 Cette organisation régionale a été créée par la convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l'Atlantique nord-ouest, conclue à Ottawa le 24 octobre 1978. La « zone de la convention » est divisée en sous-zones, numérotées de 1 à 6, puis en divisions, identifiées par une lettre, pouvant elles-mêmes être subdivisées en une partie nord et une partie sud. Les bancs de Terre-Neuve se trouvent dans la sous-zone 3, et l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon se situe dans la subdivision 3 PS (partie sud de la division 3 P). La subdivision 3 PS englobe le banc de Burgéo, le chenal de l'Hermitage, le banc de Saint-Pierre, le chenal du Flétan et une partie du banc A vert.
* 45 Depuis 1999, les quotas ne sont plus fixés pour l'année civile, mais concernent les périodes allant de mars à février.
* 46 Ce quota est défini par la commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA).
* 47 Conclu pour une durée minimale de dix ans, le procès-verbal est entré en vigueur le 14 avril 1995, date de la signature de l'arrangement administratif établissant les modalités de coopération en matière de conservation et de gestion des stocks de poisson situés dans la sous-division 3 PS de l'OPANO et qui se trouvent à la fois dans les espaces maritimes français et canadiens. Par ailleurs, la validité du procès-verbal a été prolongée, comme le prévoit son article 9, d'une période équivalente à celle au cours de laquelle le stock de morue du 3 PS a été soumis à un moratoire.