3. Un contexte de fébrilité pour l'ouverture des négociations
Outre les conditions posées à la Turquie par l'Union européenne pour l'ouverture des négociations, il existait une autre condition que se posaient à eux-mêmes les Européens : l'adoption d'un « cadre de négociation », qui doit servir à organiser le processus des négociations (voir en annexe les conclusions du Conseil européen du 17 décembre 2004 à ce sujet). La Commission européenne a ainsi proposé le 29 juin 2005 un cadre, qu'elle a qualifié de « rigoureux » , pour les négociations d'adhésion ; ce cadre fixe les principes directeurs, ainsi que les procédures à suivre dans les négociations. Les États membres de l'Union européenne ne sont tombés d'accord sur ce cadre de négociations que tard le lundi 3 octobre, après une ultime journée de discussions.
Depuis plusieurs semaines, les négociations au sein du Conseil entre les États membres étaient très intenses et difficiles ; elles ont d'ailleurs été douloureusement ressenties en Turquie, où l'impression devenait de plus en plus prégnante que l'Union en demandait toujours plus à la Turquie. Elles se sont cependant focalisées sur la position autrichienne qui souhaitait faire évoluer une phrase, pourtant reproduite à l'identique des conclusions du Conseil européen du 17 décembre 2004 : « l'objectif commun des négociations est l'adhésion » . Dès 2004, cette phrase était cependant complétée par : « ces négociations sont un processus ouvert dont l'issue ne peut pas être garantie à l'avance » . Soutenu par une opinion publique et des partis politiques largement opposés à la perspective d'une adhésion de la Turquie à l'Union européenne, le gouvernement autrichien a obtenu quelques retouches très mineures au cadre de négociation, mais a surtout réussi à ce que, parallèlement à l'ouverture des négociations avec la Turquie, l'Union européenne ouvre les négociations avec la Croatie. Les Turcs ont ainsi parfois eu l'impression d'être « pris en otage » dans des discussions qui les dépassaient.
En définitive, le cadre de négociation reprend largement les conclusions du Conseil européen du 17 décembre 2004 : « L'objectif commun des négociations est l'adhésion. Ces négociations sont un processus ouvert dont l'issue ne peut pas être garantie à l'avance. Tout en tenant compte de l'ensemble des critères de Copenhague, y compris la capacité d'absorption de l'Union, si la Turquie n'est pas en mesure d'assumer intégralement toutes les obligations liées à la qualité de membre, il convient de veiller à ce que la Turquie soit pleinement ancrée dans les structures européennes par le lien le plus fort possible ».
En plus d'insister sur le plein respect des critères de Copenhague par la Turquie et sur la capacité d'absorption de l'Union, le cadre de négociations prévoit que la Commission européenne, de sa propre initiative ou à la demande d'un tiers des États membres, peut recommander la suspension des négociations en cas de « violation sérieuse et persistante » des principes de liberté, de démocratie, de respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de l'État de droit. Le Conseil des ministres européens prendra une telle décision à la majorité qualifiée, et non à l'unanimité.
Au final, la réunion ministérielle d'ouverture des négociations avec la Turquie en vue de son adhésion à l'Union européenne a donc bien eu lieu le 3 octobre 2005, juste après la réunion du Conseil des ministres des affaires étrangères de l'Union qui a adopté le cadre des négociations.