J. LA PRISE EN COMPTE DE LA DIMENSION NON TARIFAIRE DE LA PROTECTION ET DE LA SYMÉTRIE DE L'ACCÈS AU MARCHÉ
L'utilisation de la méthodologie des effets frontière, visant à donner une vision indirecte des barrières aux échanges, modifie assez profondément les conclusions quant au degré de protection des économies et quant aux bénéfices à attendre des processus d'intégration régionale.
Le CEPII s'est ainsi intéressé aux flux commerciaux à l'intérieur et entre pays de la Triade (l'Union Européenne, le Japon et les États-Unis) pour évaluer l'effet global des frontières nationales sur leurs échanges et pour rechercher de possibles asymétries dans cette mesure (inverse) d'intégration.
Les résultats montrent que le processus d'intégration européenne, révélé par une diminution des effets frontière, ne cesse de progresser : à la fin des années 70, traverser une frontière à l'intérieur de l'UE réduisait le commerce d'un facteur 20 alors que, à la fin des années 90, ce facteur n'était plus que de 13. Parmi les autres combinaisons de pays de la Triade, seules les exportations américaines vers le Japon, à certaines périodes, ont un accès comparable à celui des flux intra-UE.
Concernant la réciprocité dans l'accès aux marchés, l'accès au marché américain par les producteurs européens est structurellement plus difficile que celui des exportations américaines vers l'UE, même si cette différence décroît dans le temps et disparaît en fin de période (CEPII [8]).
Depuis 1985, l'accès des produits japonais au marché européen reste assez constant alors que les exportations européennes vers le Japon deviennent beaucoup plus faciles.
L'accès réciproque entre les États-Unis et le Japon est clairement asymétrique avec un meilleur accès pour les exportations américaines vers le Japon. Ce résultat, qui peut sembler surprenant lorsqu'il est confronté aux positions officielles et aux différends commerciaux entre ces deux pays, n'est pourtant pas isolé dans la littérature.
Les résultats détaillés montrent que les industries du meuble, du plastique, de l'agroalimentaire et du bois affichent les plus forts « effets frontière » dans toutes les combinaisons de pays. Inversement, la chimie, les instruments de précision et l'équipement de transport, par exemple, sont des industries affichant toujours des « effets frontière » faibles.
On peut dans un second temps explorer les possibles explications des « effets frontière » estimés. La première explication évidente concerne la protection formelle, que ce soient les droits de douane ou des barrières non tarifaires recensées. Les frontières nationales peuvent ensuite coïncider avec d'importantes différences dans les goûts des consommateurs, induisant un biais domestique dans leur choix pouvant expliquer une partie de la chute des volumes échangés à la frontière. Le degré de différenciation des produits peut également expliquer les « effets frontière » estimés. Les implications en termes de politique commerciale dépendent de l'importance des différents types d'explication: tandis que les droits de douane et les Barrières Non Tarifaires peuvent être négociés dans le cadre multilatéral, les différences de goûts, de différenciation des produits sont irréductibles.
Au total, les barrières tarifaires, en dépit de leur niveau limité, comptent encore dans la détermination des flux commerciaux, même entre pays très peu protégés en moyenne comme ceux de la Triade. Les Barrières Non Tarifaires réduisent aussi significativement les échanges. Le biais domestique semble quant à lui être plus important dans les industries à forte demande finale : les préférences différentes des consommateurs restent donc un déterminant important des échanges commerciaux.