B. LA RÉPONSE
L'atout français a été ici la capacité de mobilisation de l'Administration et des structures de recherche publiques comme le CEPII ou l'INRA. Dans un premier temps, des misions d'étude ont été organisées par la DREE et le CEPII afin de rencontrer les équipes de modélisation et les experts à l'étranger, dans le but de cerner le problème, dont la nature apparaissait moins évidente qu'aujourd'hui.
Le diagnostic s'est rapidement imposé : il fallait se mettre à niveau. Une convention d'étude signée entre la DREE et le CEPII, bientôt rejoints par la DP qui avait de son côté fait un diagnostic voisin, trace les contours d'une stratégie de développement d'un modèle français. Il ne s'agissait pas encore de participer aux structures internationales. Le CEPII monte une équipe, la DREE pose les bonnes questions aux modélisateurs et oriente les travaux dans la direction des futures négociations.
Rapidement, deux sujets émergent. Le premier concerne la mesure des barrières douanières : les préférences commerciales sont globalement absentes de la base développée autour du consortium international. Ceci fausse les résultats, les pays faisant face à une érosion de leurs préférences du fait de la libéralisation multilatérale ayant des gains surestimés par les modèles. Le deuxième sujet concerne le secteur agricole, qui va demander un effort spécifique, tant la complexité des instruments d'intervention publique est grande, en Europe mais aussi aux États-Unis.
Ces deux sujets vont demander la mise en place de nouveaux partenariats, la taille du CEPII ne permettant pas de couvrir ces champs à lui seul.
C. LES PARTENARIATS ET LA VISIBILITÉ INTERNATIONALE
Sur les questions agricoles, on l'a dit, l'expertise se trouve à l'INRA, ce qui trace le périmètre d'un partenariat naturel. S'agissant des barrières douanières, une collaboration est engagée avec le Centre du Commerce International à Genève (International Trade Center, ITC), agence commune de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et de la CNUCED. Ce partenariat visait à créer une nouvelle base de droits de douane prenant en compte les préférences commerciales.
Deux conventions permettent la mise en place de ces deux collaborations. L'INRA appuiera le développement du CEPII dans le développement d'une version spécifique du modèle d'équilibre général calculable (MEGC), centrée sur les questions agricoles : il s'agira de MIRAGE-Agri. L'ITC collecte les données de droits de douane appliqués au niveau ligne tarifaire, les met en forme au niveau le plus fin de la nomenclature internationale du commerce (Système Harmonisé, SH) et fournit cette base au CEPII qui calcule ensuite les niveaux de protection qui rentreront dans le modèle.
Constatant la convergence d'intérêt pour développer en France la réflexion quantifiée sur les politiques commerciales, le CEPII, l'INRA et le Ministère des Finances créent un Groupement d'Intérêt Scientifique en ce sens.
Il est important pour le CEPII de donner à ses travaux et à ses collaborations une dimension internationale et de rechercher une validation de ses choix méthodologiques au même niveau. On peut distinguer trois étapes constitutives de cette présence internationale.
Dans un premier temps, le Centre remporte un appel d'offre de la DG commerce de la Commission européenne, relatif à une convention cadre pour la fourniture d'analyses économiques relatives aux politiques commerciales. En cohérence avec les collaborations déjà nouées, le CEPII crée à cet effet un consortium international dont il prend la tête, regroupant l'INRA, l'ITC et le WIFO de Vienne. La durée de cet accord cadre, prenant fin mi-2005, est de trois ans. Un nouveau consortium prolonge cet accord cadre jusqu'à fin 2008, NECTAR (New European Consortium of Trade Analysis Resources), associant autour du CEPII, l'INRA, l'IFPRI, l'ITC, Kiel, Nottingham et un expert individuel, Simon Evenett. La coordination scientifique de cet ensemble est assurée par le Professeur Fontagné, Directeur du CEPII.
Dans un second temps, le CEPII rejoint le consortium d'équipes créant au niveau international les standards utilisés par l'ensemble des modélisateurs ; il s'agit du Global Trade Analysis Project piloté par l'Université de Purdue. Dès lors, le CEPII est impliqué dans la définition des évolutions des bases de données du projet international. Il y fera valoir en particulier la nécessité de prendre en compte les préférences commerciales dans les données de protection. Enfin, une collaboration plus légère est amorcée avec la Banque Inter-Américaine du Développement, qui donnera l'opportunité d'organiser plusieurs conférences à Washington sur les thèmes de l'intégration économique, qui seront autant d'occasion de présenter les travaux du CEPII et de nouer des contacts utiles.
Dans un troisième temps, l'INRA lance un réseau européen sur la modélisation des échanges agricoles, financé par la DG recherche de la Commission européenne, et y associe le CEPII. Ce programme d'études d'une durée de trois ans démarre mi-2005. Le CEPII est en charge de la modélisation en équilibre général et de la mesure des obstacles tarifaires aux échanges.
Au total, les travaux du CEPII ont progressivement été mieux connus au bénéfice de présentations dans plusieurs colloques internationaux, ainsi que dans diverses enceintes à Washington. Ceci a conduit l'équipe du centre a travailler étroitement avec les équipes de GTAP sur la définition d'une nouvelle approche des obstacles tarifaires au commerce, et avec l'équipe de la Banque mondiale sur la question de la mesure des préférences, de leur utilisation par les pays bénéficiaires, enfin de l'impact d'un cycle multilatéral susceptible d'éroder ces préférences dans le domaine agricole. Ces travaux se sont inscrits dans le cadre du Programme « commerce et pauvreté » de la Banque mondiale.
Cette visibilité croissante ne s'est pas faite sans difficulté. Un centre d'étude français travaillant sur les questions de protectionnisme est nécessairement considéré au départ avec une légère condescendance, dans la mesure où jusqu'à récemment la France était globalement absente du paysage scientifique dans ce domaine, et en raison même des attitudes protectionnistes supposées de la France. Cette première impression étant effacée par l'ampleur des travaux réalisés par le Centre et son indépendance de jugement, l'intérêt s'est alors quelquefois transformé en critique d'autant plus vive que les messages délivrés s'écartaient du prêt-à-penser. La généralisation de l'utilisation des méthodologies, bases de données et outils du CEPII a mis fin à ces légitimes questionnements, s'agissant d'un centre de petite taille nouveau venu dans le domaine.