4. Le coût croissant du dispositif suscite des demandes de resserrement des conditions d'accès à l'ACAATA
Les dépenses du FCAATA sont principalement prises en charge par la branche AT-MP du régime général de la sécurité sociale, qui est intégralement financée par les employeurs.
Les représentants des organisations patronales ont jugé trop larges les conditions d'accès à l'ACAATA. M. Dominique de Calan, président du groupe de travail « amiante » du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), a ainsi déclaré, dans un propos liminaire où il exprimait la position de son organisation, mais aussi de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) et de l'Union patronale de l'artisanat (UPA), que « le bénéfice de la cessation anticipée d'activité devrait être réservé aux seules personnes réellement malades ou ayant été reconnues comme exposées » . Plus précisément, le MEDEF demande, depuis trois ans, que les conditions d'accès au FCAATA s'inspirent de celles visées par le décret n° 2001-1269 du 21 décembre 2001 applicable à certains ouvriers d'État relevant du ministère de la défense. Pour avoir accès à la cessation anticipée d'activité, ces personnels doivent remplir deux conditions cumulatives : avoir travaillé dans un établissement visé dans une liste et pendant des périodes définies par arrêté (condition identique à celle exigée pour le FCAATA) ; mais aussi avoir exercé une profession figurant sur une liste établie par arrêté. Cette modification permettrait de cibler le bénéfice de l'ACAATA sur les salariés ayant directement travaillé au contact de l'amiante, et non sur l'ensemble des salariés d'un établissement.
Le ministère du travail a jusqu'à présent toujours refusé d'accéder à cette demande, arguant qu'il serait extrêmement difficile de démontrer que tel salarié n'a pas exercé, au cours de sa carrière, une fonction l'ayant exposé à l'amiante. On peut ajouter que, dans les entreprises ayant massivement utilisé l'amiante, la dispersion des fibres sur les sites a conduit à l'exposition de salariés que leurs fonctions ne mettaient pas a priori directement au contact du matériau, des employés de bureau par exemple.
La Cour des comptes propose de resserrer de manière plus drastique encore les conditions d'accès au FCAATA, puisqu'elle recommande de réserver le bénéfice de l'ACCATA aux seules victimes de pathologies déclarées. Les économies ainsi réalisées permettraient de financer la majoration des offres d'indemnisation du FIVA précédemment évoquée, sans augmenter l'enveloppe globale allouée aux « fonds de l'amiante ». Pour justifier cette recommandation, la Cour note que 10 % seulement des bénéficiaires de l'ACAATA sont atteints d'une pathologie liée à l'amiante.
La mission n'est pas convaincue par cette proposition de la Cour. Elle observe que le chiffre avancé de 10 % ne tient pas compte des phénomènes de sous-déclaration et de sous-reconnaissance des maladies professionnelles, qui conduiraient certainement à le majorer, et note qu'il s'explique aussi, au moins pour partie, par les dérives constatées dans la politique d'inscription des établissements sur les listes, dérives qui, si elles doivent être corrigées, ne sauraient justifier une remise en cause des fondements mêmes du FCAATA. En outre, le long délai de latence de plusieurs maladies de l'amiante rend cette évaluation très provisoire.
Surtout, elle ignore la vocation originale du FCAATA et transformerait l'ACAATA en un simple complément de la réparation par le FIVA. La raison d'être du FCAATA est de prendre en compte le fait que les personnes intensément exposées à l'amiante sont susceptibles de développer une maladie grave et voient leur espérance de vie statistiquement réduite. Il est logique, dans ces conditions, qu'elles bénéficient d'une préretraite sur la base d'une attestation d'exposition et non d'un diagnostic médical. De surcroît, la proposition de la cour n'aurait pas grand sens pour les victimes des pathologies les plus graves : quel intérêt trouverait une personne atteinte d'un mésothéliome à partir en préretraite une fois le diagnostic établi, alors que l'espérance de vie moyenne des malades, à ce stade, n'est que de dix-huit mois ?
Il serait enfin politiquement difficile de supprimer l'ACAATA à ceux qui en sont actuellement bénéficiaires ou de limiter drastiquement les conditions d'accès à cette prestation. Comme l'a rappelé Mme Marianne Lévy-Rozenwald, « l'ACAATA a été la première reconnaissance donnée aux victimes de l'amiante et [...] il y a beaucoup de passion à ce sujet ». Les bénéficiaires savent qu'ils peuvent développer une maladie et il est donc délicat de leur expliquer qu'il convient de revenir sur des droits acquis pour des raisons d'économie budgétaire.
Au total, la mission n'est pas favorable à une remise en cause des principes d'attribution de l'ACAATA et souhaite un traitement équitable de l'ensemble des personnes exposées à l'amiante au cours de leur carrière, quel que soit le régime social auquel elles se rattachent. Elle demande également une application rigoureuse des critères d'inscription sur les listes afin d'éviter les dérives constatées par le passé.