2. Toutes les catégories de travailleurs n'ont pas également accès à un régime de préretraite amiante
Le déplacement de la mission à Cherbourg, sur le site de la DCN, ancienne direction des constructions navales, désormais société de droit privé, lui a permis de mesurer les différences de traitement existant entre travailleurs relevant de régimes sociaux différents.
La direction de DCN a en effet indiqué que, parmi ses salariés :
- ceux relevant du régime général peuvent partir en préretraite grâce aux allocations du FCAATA ;
- les ouvriers d'État du ministère de la défense peuvent partir en préretraite sur la base du régime institué par le décret n° 2001-1269 du 21 décembre 2001 ;
- bien qu'un dispositif de cessation anticipée d'activité ait été institué à leur profit par l'article 96 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2003, les fonctionnaires et contractuels du ministère de la défense détachés auprès de DCN ne bénéficient pas encore d'un régime de préretraite, faute de parution des décrets d'application nécessaires ;
- les militaires du ministère de la défense ayant signé un contrat avec DCN, tout en conservant une attache avec le ministère, ne bénéficient d'aucun régime de préretraite et la création d'un dispositif s'adressant à cette catégorie de personnel n'est pas à l'ordre du jour.
L'exemple de l'entreprise DCN met en évidence les différences de traitement peu justifiées existant entre des personnes ayant travaillé sur les mêmes sites, mais relevant de statuts différents. La mission souhaite que la législation tende vers un traitement égalitaire de l'ensemble des personnels ayant été exposés à l'amiante. Elle note, qu'aujourd'hui, un fonctionnaire atteint d'une maladie de l'amiante n'a pas accès au FCAATA, puisque celui-ci ne s'adresse qu'aux salariés du régime général et du régime agricole, et qu'il n'existe pas de dispositif analogue au sein de la fonction publique, hormis bien sûr le régime applicable à certains agents du ministère de la défense qui vient d'être évoqué 66 ( * ) . Un groupe de travail pourrait utilement être mis en place, au sein de l'administration, pour évaluer les besoins, les dépenses prévisibles et les financements à mobiliser.
3. Des dérives ont été observées dans l'utilisation du FCAATA
Plusieurs indices convergents amènent à penser que le FCAATA a pu être détourné de sa vocation première pour devenir, dans certains cas, un simple instrument de gestion des effectifs.
La Cour des comptes cite dans son rapport une note de la direction des relations du travail, selon laquelle on ne peut ignorer la corrélation entre ces demandes [d'inscription sur les listes] et les plans sociaux en cours, en forte augmentation, et du réflexe quasi systématique désormais de la part des partenaires sociaux ou des élus, de solliciter l'inscription des entreprises en question sur les listes, en vue de gérer, au moins en partie ces plans sociaux. En effet, le dispositif de cessation anticipée d'activité est en passe de devenir un des rares dispositifs de « préretraite » aidés financièrement 67 ( * ) . Pour illustrer son propos, cette note mentionne un afflux récent de demandes d'établissements appartenant au groupe Alstom, qui fut menacé de déposer le bilan en 2004.
Mme Marianne Lévy-Rozenwald, présidente du conseil de surveillance du FCAATA, a admis, prudemment, qu'il y a « vraisemblablement des circonstances dans lesquelles l'ACAATA a été utilisée comme un élément de politique de restructuration » . Elle a déclaré penser « que l'extension de l'ACAATA aux personnels portuaires, aux dockers professionnels puis aux personnels de manutention, a été un moyen de résoudre la situation des dockers » .
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a reconnu que « le passé n'est pas exempt de dérives » , citant en exemple le cas de l'entreprise Moulinex. Il a jugé « inacceptable de résoudre des problèmes de mutation économique au travers de ce fonds » .
Il est vrai que l'utilisation abusive du FCAATA affaiblit sa légitimité aux yeux de ses bénéficiaires comme aux yeux de ses financeurs et détourne de leur objet des ressources qui pourraient être utilisées pour inclure dans le dispositif de cessation anticipée des personnels qui n'y figurent pas aujourd'hui.
* 66 Le groupe des député(e)s communistes et républicains de l'Assemblée nationale a déposé en juillet 2005 une proposition de loi, enregistrée sous le numéro 2489, tendant à ouvrir le droit à la cessation anticipée d'activité pour les fonctionnaires territoriaux victimes de l'amiante dans l'exercice de leurs fonctions.
* 67 Rapport précité, p. 29.