C. LA PASSIVITÉ DES « DONNEURS D'ALERTE » INSTITUTIONNELS
Le professeur Marcel Goldberg, au cours de son audition, soulignait « le très grand retard de la Franc e » en matière de prévention. En fait, les donneurs d'alerte institutionnels de l'époque n'ont pas joué leur rôle.
1. L'absence d'un réseau d'alerte structuré
Avant la loi de sécurité sanitaire du 1 er juillet 1998, il n'y avait aucun organisme qui avait pour mission d'alerter les pouvoirs publics sur les risques qu'occasionnaient les produits toxiques, même s'il existait bien entendu des instances compétentes en matière de santé publique.
Au cours de son audition, le professeur Marcel Goldberg, citant le Conseil supérieur de prévention des risques professionnels et le Conseil d'hygiène publique de France, a indiqué que « l'un et l'autre ne se sont, à ma connaissance, jamais saisi de ce dossier sous le seul angle que, du moins, vous évoquez. Vous avez cité l'expertise collective de l'INSERM. Je figurais parmi les experts qui ont alors réalisé ce travail. Nous avons analysé, pour cette mission, une somme considérable de documents. Je puis vous assurer que nous n'y avons trouvé aucune étude française de ce type et de quelque origine qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'université, de la recherche publique ou de la recherche privée. Ce problème n'a donc réellement été pris en compte qu'avec la loi [de sécurité sanitaire] de 1998 qui, je le répète, a permis de remédier à l'absence de tout organisme chargé de traiter ces questions ».
La responsabilité des professions médicales a également été soulignée, au cours de son audition, par le professeur Dominique Belpomme, cancérologue à l'hôpital européen Georges Pompidou : « Les scientifiques sont également en cause. En 1996 par exemple, l'Académie de médecine estimait que l'amiante ne constituait pas un danger majeur : si elle recommandait d'en réduire l'utilisation, elle ne plaidait pas pour son interdiction. [...] Dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, la responsabilité du monde scientifique est indéniable et importante ».
La création de l'Institut de veille sanitaire (InVS) a changé la donne. L'InVS s'est doté d'un département santé et travail, dirigé par le docteur Ellen Imbernon, que la mission a entendue. Ce département s'est saisi de la question de l'amiante, qui est le premier dossier liant une activité professionnelle à une pathologie grave, le mésothéliome. De ce point de vue, comme l'a expliqué le directeur général de l'InVS, le docteur Gilles Brucker, le premier registre de surveillance d'une pathologie majoritairement liée au travail a été établi. Il s'agit du programme national de dépistage du mésothéliome , développé en 1998. Initialement mis en place au sein de 17 départements, il a été étendu à 22 départements. Aujourd'hui, il constitue la première base de données disponible permettant de mesurer l'incidence de cette maladie en France. Ce registre a permis de suivre et de quantifier le problème.