11 - RECHERCHES AU PLAN INTERNATIONAL

Face au développement épidémique de l'obésité, à ses conséquences sur la santé et à son impact économique, certains pays ont mobilisé leurs forces de recherche selon des modalités et des calendriers variables. Le plan stratégique du National institute of health (NIH) des États-Unis représente la démarche la plus avancée et conséquente. Parallèlement, l' Institute of medecine of the national academies définit un plan pour la prévention de l'obésité de l'enfant qui inclut un volet recherche. En Europe, différentes initiatives ont été prises au niveau national, en particulier en Grande-Bretagne et en France, ou communautaire au travers de projets des 5 e et 6 e PCRDT 15 ( * ) . Ce chapitre ne vise pas à une description exhaustive de ces programmes mais cherche, au travers de l'analyse de certains d'entre eux, à dégager des lignes directrices pouvant nourrir la réflexion sur les mesures à développer en France.

Initiative américaine « Strategic plan for NIH obesity research »

Pour le NIH, la recherche sur l'obésité est devenue une priorité. La condition première est d'associer recherche fondamentale, clinique et populationnelle en ayant pour objectif le transfert des connaissances au profit d'interventions individuelles et collectives. Il s'agit de comprendre et répondre à un enjeu de santé publique d'une particulière complexité. Seule une approche interdisciplinaire peut permettre d'appréhender une situation résultant de l'intrication complexe de facteurs comportementaux, environnementaux, socioéconomiques et culturels révélant des facteurs de prédisposition biologiques, en particulier génétiques sous-jacents. La lutte contre le développement de l'obésité requiert donc un effort collectif national, qui implique non seulement le NIH mais également d'autres agences gouvernementales et d'autres acteurs (académiques, politiques, économiques et associatifs). Le plan d'action du NIH n'est donc qu'un élément, certes essentiel, d'un effort qui devrait être national.

Conception du plan stratégique

La démarche ayant aboutit à la conception de ce plan mérite attention. En Avril 2003, le directeur du NIH, Elias Zerhouni, décide de mettre en place la NIH Obesity research task force pour donner une impulsion à la recherche sur l'obésité au sein des différents instituts du NIH. La direction de ce groupe de travail est confiée au directeur du National institute of diabetes and digestive and kidney diseases (NIDDK), le Dr Allen Spiegel, et au directeur du National heart, lung and blood institute (NHLBI), le Dr Barbara Alving. L'idée directrice est de mobiliser l'ensemble des instituts du NIH dans une perspective interdisciplinaire. L'objectif est d'identifier les domaines de recherche et les enjeux émergents afin de définir une politique de recherche concertée et cohérente. Ce programme doit distinguer des objectifs à court, moyen et long termes en sciences fondamentales, en recherche clinique et en épidémiologie en même temps que des stratégies d'intervention de santé publique. La conception de ce programme va résulter d'un vaste audit interne et externe au NIH au travers d'une série de réunions, d'ateliers de travail et présentation aux représentants de la société civile (consommateurs, associations de patients), des sociétés savantes et des professionnels de santé. Le NIH recueille également l'avis du Clinical obesity research panel (CORP) réunissant les chercheurs et les cliniciens « leaders » du domaine. Le projet de programme fait l'objet de soumissions itératives à des experts extérieurs au NIH. Ce processus de construction du programme mériterait en lui-même une analyse détaillée tant il est riche d'informations sur les méthodes de collecte d'informations, d'analyse et de synthèse des points de vue académiques et sociétaux. Finalement avant d'être définitivement clos, le document a été soumis à l'avis public sur Internet. Ce plan est conçu comme un processus dynamique qui évoluera en fonction d'opportunités émergentes.

Mobilisation et coordination des forces de recherches

Le plan stratégique repose sur la mobilisation et la coordination d'un large ensemble de forces de recherche, dans une perspective transdisciplinaire permettant de développer des travaux pertinents sur les déterminants biologiques, comportementaux et environnementaux de l'obésité, sur ses bases moléculaires et cellulaires ainsi que sur ses fondements économiques. Il s'agit de favoriser la constitution de programmes et/ou d'équipes interdisciplinaires et de contribuer à la diffusion et au transfert des connaissances. Si le NIDDK et le NHLBI sont les chevilles ouvrières du programme, celui-ci sollicite nombre d'instituts : National cancer institute, National human genome research institute , National institute on aging, National institute of alcohol abuse and alcoholism, National institute of arthritis and musculoskeletal and skin disease, National institute of biomedical imaging and bioengineering, National institute of child and health development, National institute of dental and craniofacial research, National institute on drug abuse, National institute of environmental health sciences, National institute of mental health, National institute of neurological disorder and stroke, National institute of nursing research, National center complementary and alternative medicine, National center on minority and heath disparities, National center for research resource, Office of science policy, Office of dietary supplement, Office of disease prevention, Office of behavioural and social sciences research, Office on women health .

Objectifs et thématiques

Quatre thématiques sont retenues dans ce plan stratégique.

Prévention et traitement de l'obésité par la modification des styles de vie

La définition de stratégies préventives et thérapeutiques passe par l'identification des facteurs comportementaux et environnementaux contribuant au développement de l'obésité chez l'enfant et l'adulte, la conception et l'évaluation de stratégies d'intervention, l'étude des effets de modifications spécifiques de l'alimentation et de l'activité physique et du rôle de l'environnement provoquant la consommation excessive de calories et la sédentarité. Il importe également d'étudier comment les recommandations sont perçues et appliquées par les professionnels de santé et les individus. Le plan incite à l'étude des modèles conceptuels de changement des comportements et aux facteurs qui influencent les croyances, les perceptions, les attitudes, les motivations. Ces travaux doivent porter sur des populations différentes à des âges variables et s'intéresser aux facteurs génétiques déterminant les susceptibilités individuelles. Ceux-ci ne concernent pas seulement la dépense énergétique mais également les conduites alimentaires.

Des objectifs à court, moyen et long termes sont définis pour les différentes études (tableau 11.I).

Tableau 11.I : Thématiques des études à court, moyen et long termes

Objectifs à court terme

Étudier l'impact des messages nutritionnels et des messages sur l'activité physique ainsi que les stratégies actuelles de contrôle du poids dans différentes populations
Appréhender les connaissances et savoirs-faire des personnels de santé engagés dans la pratique clinique
Connaître les déterminants comportementaux et environnementaux de la malnutrition et de la sédentarité chez les enfants et les obstacles à l'activité physique et à l'alimentation équilibrée
Définir les connaissances et attitudes parentales vis-à-vis de l'activité physique et de l'alimentation
Déterminer les sous-populations (sexe, âge, ethnies...) en termes de comportements alimentaires et d'activité physique
Étudier l'influence de la précarité, de l'insécurité alimentaire et d'autres facteurs économiques

Objectifs à moyen terme

Analyser la contribution respective des différents facteurs socioéconomiques, familiaux, culturels impliqués dans le développement de l'obésité et les obstacles à la prévention
Situer l'impact de la publicité sur les préférences alimentaires, la sédentarité chez l'enfant et l'adulte
Étudier l'impact de l'environnement urbain sur les pratiques alimentaires et l'activité physique
Développer et tester des stratégies pour maintenir les enfants en bonne santé nutritionnelle au travers d'interventions individuelles, interpersonnelles et populationnelles dans différents contextes
Comparer différentes stratégies d'augmentation de l'activité physique (en fonction de l'intensité, de la durée, de la fréquence)
Étudier des approches alternatives (Internet, groupes, télémédecine)
Évaluer l'impact de modifications qualitatives des macro- et micronutriments sur le métabolisme énergétique, la prise alimentaire, la composition corporelle
Évaluer l'efficacité et la persistance d'effets de modifications discrètes des apports et des dépenses
Évaluer les déterminants, les caractéristiques évolutives des préférences alimentaires
Étudier les relations entre facteurs psychologiques et obésité
Étudier des stratégies de prévention des troubles du comportement alimentaire

Objectifs à long terme

Déterminer les interactions gènes-environnement dans des populations spécifiques en fonction de variants génétiques en tenant compte de différents facteurs comportementaux
Identifier des prédicteurs de la perte de poids en réponse à des interventions sur les styles de vie
Identifier des facteurs prédictifs d'adhésion aux actions préventives et aux traitements
Définir et analyser les résultats de stratégies préventives dans différentes populations, à des âges différents, fondées sur des approches variées (activité, nutrition, modifications environnementales)
Préciser si les bénéfices de ces campagnes sont proportionnels à la pression exercée
Déterminer les facteurs qui font obstacle à la mise en place des mesures préventives
Étudier l'impact potentiel des campagnes d'information et de prévention sur le développement des désordres alimentaires, la stigmatisation et la discrimination
Assurer le transfert des connaissances scientifiques vers les acteurs de terrain

Ce plan d'action s'est concrétisé par une série de soutiens à des études en cours sur : les effets de modifications de la composition en macronutriments sur la prise alimentaire et la composition corporelle ; les mécanismes moléculaires et comportementaux impliqués dans la reprise de poids après amaigrissement ; des interventions en milieu scolaire et en milieu professionnel ; une cohorte de 100 000 enfants suivis prospectivement pendant 21 ans ; les comportements alimentaires impulsifs et addictifs ; les relations entre obésité et cancer ; les effets de modifications de l'environnement (architecture, politique urbaine, système de transport...). Un soutien est également fourni aux études sur les facteurs économiques.

Prévention et traitement de l'obésité par les approches pharmacologiques, chirurgicales et autres

Le contrôle de la prise alimentaire est un processus complexe impliquant un système biopsychologique qui fait intervenir de multiples déterminants internes et externes. Un ensemble neuro-hormonal sert de support à la transmission d'informations sur la situation digestive, absorptive et post-absorptive, sur le niveau des réserves énergétiques et plus globalement sur la situation nutritionnelle. Des signaux métaboliques, hormonaux, nerveux à visée homéostatique sont ainsi adressés à partir des tissus périphériques à l'ensemble de l'organisme, en particulier au cerveau. Le système nerveux central est chargé d'intégrer les messages périphériques et de déclencher les réponses adaptatives adéquates qui ne se résument pas aux aspects métaboliques immédiats mais tiennent compte des apprentissages, des conditionnements et de la mémoire, des facteurs sensoriels et des émotions. Se surimposent en effet à ce système neuro-hormonal, des facteurs psychologiques et sociaux, sollicitant la mémoire, le plaisir et bien d'autres fonctions. De l'intégration de ces deux niveaux résulte l'adéquation des apports alimentaires aux besoins de l'individu. Le déclenchement et l'interruption du repas résultent de la balance entre des facteurs stimulateurs et inhibiteurs. Les déclencheurs de la prise alimentaire sont issus de l'extérieur (sensorialité) et de l'intérieur (état des réserves énergétiques). Les inhibiteurs sont digestifs et post-ingestifs déclenchant la suppression de la faim, puis le rassasiement avant que ne s'établisse la satiété. La contribution respective des multiples facteurs déclenchant la prise alimentaire est débattue. Elle est variable d'un individu à l'autre et selon les situations. L'élucidation des fondements biologiques de l'homéostasie énergétique par des études moléculaires et génétiques devrait permettre de définir et d'évaluer des traitements pharmacologiques et chirurgicaux. Cette approche concerne avant tout le traitement mais on peut envisager dans certaines circonstances bien identifiées de prise de poids (par exemple, la prise de poids sous neuroleptique ou après chirurgie cérébrale, ou à l'arrêt du tabac) des stratégies préventives pharmacologiques.

Les formes d'obésités génétiques chez l'animal ou chez l'homme sont des modèles permettant d'identifier le rôle de certaines molécules ou systèmes neuro-hormonaux de même qu'une série de modèles expérimentaux. On retrouve ici l'impérieuse nécessité de développer des modèles permettant d'analyser des interactions gènes-environnement. En arrière plan se profile l'hypothèse, qui reste à démonter, de stratégies préventives orientées en fonction du statut génétique.

Dans le domaine de la prévention, les objectifs à court et moyen termes sont d'identifier des gènes prédisposant aux effets de facteurs comportementaux et environnementaux dans différentes populations bien caractérisées. À plus long terme, l'objectif est d'analyser les facteurs conduisant aux reprises de poids après restriction alimentaire pour développer des stratégies préventives du rebond pondéral. Un autre objectif majeur est l'étude des facteurs biologiques, comportementaux et environnementaux qui conduisent à la prise de poids dans les périodes critiques pour le statut pondéral au cours de la vie : période foetale et néonatale, adolescence, grossesse, ménopause. Ici encore, des stratégies de prévention ciblée sont envisageables, fondées sur des actions comportementales et/ou pharmacologiques chez des sujets prédisposés identifiés à partir des études précédemment citées.

Dans cette perspective, le NIH soutient des programmes dans les domaines suivants : approche intégrative de l'homéostasie énergétique ; génétique et génomique des obésités ; facteurs intra-utérins et néonatals ; rôle des médicaments antipsychotiques.

Liens entre l'obésité et ses complications

La compréhension de la physiopathologie des diverses complications des obésités (en particulier le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires, la stéatose hépatique, les cancers, les atteintes ostéo-articulaires) passe, entre autres, par l'étude des molécules sécrétées par les adipocytes responsables de l'inflammation, de l'hypertension et de l'insulino-résistance et par celle des caractéristiques cellulaires et biologiques des différents dépôts adipocytaires. La prévention de ces complications devrait s'appuyer sur l'identification de biomarqueurs précoces, de signatures moléculaires permettant d'appréhender le risque ou le stade initial des complications dans différentes populations. À partir de là, des stratégies préventives ciblées de ces complications pourront être envisagées.

À court et moyen termes, les objectifs du programme de recherche dans ce domaine sont : de définir des méthodes de collection de données pour développer des études épidémiologiques permettant l'identification et l'évaluation des différentes complications dans diverses populations ; d'identifier de nouveaux biomarqueurs en utilisant des approches génomiques et protéomiques ; d'étudier les relations entre obésité, inflammation et développement des complications ; d'étudier la valeur prédictive de ces biomarqueurs. À plus long terme, l'objectif est de déterminer les variations de susceptibilité génétique pour optimiser les stratégies préventives et thérapeutiques, et de tester de nouvelles stratégies préventives.

Le plan stratégique du NIH soutient particulièrement les études appliquant les techniques de protéomique pour l'identification de biomarqueurs, les études sur l'hétérogénéité des tissus adipeux, les études transdisciplinaires sur le métabolisme énergétique et les cancers.

Autres thématiques

Le plan stratégique du NIH inclut une série d'autres mesures d'ordre différent. La question des disparités sociales est centrale. Aux États-Unis, les différences sociales en matière de santé sont particulièrement marquées, amplifiant ce qui est également observé en Europe. L'objectif est de différencier les actions et messages de santé publique. Le programme, dans toutes ces facettes, insiste sur les cibles prioritaires, c'est-à-dire les populations particulièrement affectées par l'obésité pour des raisons ethniques, socioéconomiques, les personnes âgées ou handicapées et celles extrêmement obèses. Le plan stratégique incite au développement de méthodologies nouvelles d'investigation des conduites alimentaires, de la dépense énergétique et de la composition corporelle de même qu'à la formation des investigateurs. La constitution d'équipes de recherche multi- et interdisciplinaires est fortement encouragée. Le plan stratégique préconise de développer une approche interdisciplinaire en liant l'étude des déterminants comportementaux/environnementaux (également culturels : « culturally sensitive manner ») et celles des facteurs biologiques/génétiques. Il est recommandé de réunir au sein de structures interdisciplinaires des investigateurs cliniques rompus au phénotypage des obésités et à l'exploration métabolique et endocrinienne, des spécialistes de psychobiologie, des experts en imagerie fonctionnelle et des chercheurs biologistes. De même, il importe de développer la recherche translationnelle du fondamental vers la clinique et des essais cliniques vers les interventions populationnelles. Enfin, la nécessité d'une recherche sur les modalités de transfert des connaissances et des informations aux professionnels de santé et au public est soulignée. Le NIH engage par ailleurs au partenariat avec d'autres agences gouvernementales, organisations professionnelles et privées pour aborder ces questions à forte implication dans la société.

L'objectif à court terme est d'identifier des obstacles méthodologiques limitant les progrès de la recherche (par exemple les outils d'évaluation du bilan d'énergie), de développer des efforts pour créer des structures véritablement interdisciplinaires, d'identifier des réseaux de recherche et de transfert. À moyen terme, il s'agit de développer des technologies de recueil d'information pour évaluer les comportements et l'exposition environnementale, tester l'utilité de nouveaux marqueurs pour évaluer l'impact de mesures préventives et thérapeutiques. L'objectif est également d'évaluer les pratiques médicales en matière de conseils nutritionnels et d'activité physique et d'identifier les obstacles à la transmission et à la mise en oeuvre des recommandations. Une attention particulière est portée à l'évaluation de l'impact des campagnes de santé publique et sur les possibilités de partenariats préventifs avec les acteurs politiques, économiques et sociaux. La question de la formation au conseil préventif comportemental est également abordée en même temps que celle de la délégation de compétence. La recherche porte aussi sur les modalités et l'impact de l'information du public, des décideurs, des organisations publiques.

Rapport de l'Institute of medecine of the national academies

En 2001, le « US Surgeon general » publie un « Call to action to prevent and decrease overweight and obesity ». À la demande du Congrès américain, les « Centers for disease control and prevention » (CDC) chargent l'Institute of medicine de développer un plan d'action de prévention de l'obésité. Cette action a mobilisé 19 comités multidisciplinaires. L'ensemble du rapport est accessible sur internet 16 ( * ) . Alors que les investissements sur cette recherche sont de 379 millions de $ au NIH, les Académies plaident pour un renforcement de cet engagement. Trois priorités thématiques sont retenues : évaluation des programmes de prévention, recherche sur les comportements et recherche sur les actions communautaires (économiques, environnementales). Un tableau des actions à mener en priorité est proposé mentionnant les acteurs (tableau 11.II).

Tableau 11.II : Actions à mener en priorité (d'après le rapport de l' Institute of medecine of the national academies)

Gouvernement fédéral

Mettre en place des groupes de travail et coordonner les actions préventives, développer des recommandations nutritionnelles, soutenir la recherche sur les aspects nutritionnels et comportementaux, développer des recommandations sur la communication et la publicité sur les aliments, renforcer la surveillance épidémiologique et de santé publique

Industrie et média

Développer une recherche sur des aliments plus sains et une innovation sur la présentation des aliments, améliorer la communication en nutrition, fournir des messages informatifs et argumentés

Politique des États

Développer et promouvoir l'activité physique, développer des actions incitatives et des partenariats pour améliorer la qualité des aliments

Professionnels de santé

Améliorer le dépistage et les conseils dans le domaine de l'obésité

Le rapport insiste sur l'évaluation du rapport coût/efficacité des études. La question de l'efficacité ne peut être séparée de celle de la rentabilité. Le CDC est actuellement en train de travailler sur le projet Move qui calcule le rapport coût/efficacité d'une intervention portant sur l'activité physique. Le rapport fait le bilan actuel des études en cours, des dépenses engagées aux États-Unis : Food stamp program 20 billions $ ; WIC 4,3 billions $ ; National school lunch program 6,9 billions $ ; School breakfast program 1,6 billions $ ; Child and adult care food program 1,9 billions $.

Initiative canadienne

Au Canada, une partie importante de la recherche nationale sur l'obésité est financée par l'Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète (INMD), l'un des 13 instituts qui forment les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). L'INMD a lancé en 2001, une initiative stratégique intitulée « Excellence, innovation et progrès dans l'étude de l'obésité et du poids corporel sain ». L'INMD cherche à attirer vers la recherche sur l'obésité les scientifiques travaillant dans des disciplines diverses. L'INMD soutient des projets sur les complications de l'obésité, sur les communautés autochtones et des actions de prévention et des programmes de promotion de la santé. Le « Canada en mouvement », programme de prévention financé par l'INMD et ses partenaires, incite les adultes canadiens à évaluer leur activité physique en utilisant des podomètres et à soumettre les données concernant leurs activités personnelles à un instrument de recherche accessible sur Internet.

Le programme soutient différents partenariats telles que la Fondation des maladies du coeur du Canada, l'Association canadienne du diabète, la Fondation canadienne du rein, Santé Canada et plusieurs autres instituts des IRSC, dont l'Institut du cancer, l'Institut de la santé des femmes et des hommes, l'Institut de l'appareil locomoteur et de l'arthrite, l'Institut de la santé circulatoire et respiratoire, l'Institut de la santé des autochtones et l'Institut du développement et de la santé des enfants et des adolescents. Au Canada, le thème de l'obésité est privilégié par les IRSC, principal organisme subventionnaire. En 1999-2000, 4,2 millions $ étaient accordés à des recherches sur l'obésité ; en 2004, les subventions ont triplé, passant à 15 millions $.

Communauté européenne

En janvier 2003, sous l'égide de la Communauté européenne, des experts se sont réunis au Rowett research institute à Aberdeen, pour analyser les conditions dans lesquelles la recherche européenne sur l'obésité pourrait progresser. Les recommandations initiales furent les suivantes : développer des études physiopathologiques intégrant la génétique à la fois chez l'homme et chez l'animal, mettre en place des études d'intervention sur la prise en charge et sur les effets de la nutrition précoce.

Il était suggéré que ces programmes soient conduits dans le cadre d'un Institut européen de recherche sur l'obésité, institut virtuel, ou d'un réseau d'excellence dans le cadre du 6 e PCRDT. L'objectif était d'harmoniser les méthodologies, de gérer les ressources communes, de coordonner la formation et d'augmenter la lisibilité de la recherche. À la suite de cette réunion initiale, différentes initiatives furent prises pour avancer dans la définition des thématiques et des projets sous l'impulsion de Wim Saris (Pays-Bas), Arne Astrup (Danemark), Jon Arch (Royaume-Uni), Bert Koletzko (Allemagne) et Dominique Langin (France). Considérant les enjeux de société, les experts insistent d'emblée sur une série de propositions à prendre en compte lorsque l'on considère les choix politiques de santé publique et de recherche (tableau 11.III).

Tableau 11.III : Propositions du groupe d'experts de la Communauté européenne

L'obésité doit être considérée comme une maladie en soi
Le système de soins ne répond pas aux besoins
De nouvelles modalités d'approches multidisciplinaires sont nécessaires
Les stratégies de prévention primaire doivent être particulièrement orientées vers les enfants et les adolescents alors que la prévention secondaire doit s'adresser à des groupes à haut risque
L'industrie agro-alimentaire peut améliorer la qualité et la fonctionnalité des aliments, améliorer sa communication vers les enfants, agir sur la taille des portions
Les inégalités sociales imposent des actions spécifiques
Les besoins de la population peuvent être contradictoires avec ceux de l'industrie et du commerce
La recherche européenne doit considérer et tirer profit de la diversité régionale et culturelle

Les questions qui se posent au système de soins et que doit éclairer la recherche sont les origines de l'épidémie d'obésité, la définition de stratégies préventives réalistes et thérapeutiques efficaces ainsi qu'une approche intégrative. Il apparaît à cet égard essentiel de mieux définir l'histoire naturelle de la maladie, les variations inter-individuelles de susceptibilité et les origines des échecs thérapeutiques. Les progrès dépendent d'une meilleure compréhension des mécanismes moléculaires et cellulaires qui sous tendent le développement et la chronicisation de la maladie en fonction de déterminants comportementaux, psychologiques et environnementaux. Une attention particulière est portée aux déterminants périnatals. L'ambition est de diminuer la prévalence de l'obésité chez l'adulte et de réduire la progression actuelle de la prévalence chez l'enfant. Ceci implique une meilleure compréhension des déterminants précoces de la maladie.

Pour répondre à ces enjeux, les experts préconisent le développement de réseaux d'excellence de recherche et de formation pouvant intégrer des études animales et humaines, conduire des études aussi bien au niveau moléculaire que clinique et populationnel, dans le cadre d'équipes multidisciplinaires s'appuyant sur des centres cliniques et de recherche incluant des spécialistes des comportements, de l'économie et des sciences sociales. De telles structures doivent favoriser la mise en place de méthodologies communes, de procédures standardisées et permettre de conduire des essais d'envergure et de qualité dans des infrastructures adaptées. Les équipes de recherche doivent avoir accès aux ressources biologiques (banques d'ADN et de tissus).

Les enjeux immédiats sont déclinés en trois rubriques :

• génétique et biotechnologie : caractérisation des réseaux géniques (expression génique et protéomique), biomarqueurs, interactions gènes-environnement-physiologie, facteurs de susceptibilité génétique à l'obésité et à ses complications, cibles pharmacologiques, études génétiques ;

• modification des modes de vie : essais multicentriques randomisés sur les stratégies de perte de poids incluant l'étude des facteurs prédictifs (biologiques, génétiques, comportementaux), définition de critères d'évaluation et de validation ;

• nutrition précoce : dans ce domaine, les questions clés sont les effets de la nutrition précoce périnatale sur le risque d'obésité en situant les périodes critiques et en analysant les mécanismes de programmation ; les effets respectifs de l'environnement et de la génétique dans le développement de l'obésité de l'enfant ; l'impact sur l'obésité de l'information nutritionnelle, des habitudes alimentaires, des facteurs sensoriels, de l'activité physique ; les déterminants du rebond d'adiposité chez l'enfant ; le développement des complications de l'obésité chez l'enfant ; l'épidémiologie de l'obésité en Europe et ses différences régionales.

Les technologies à développer pour mener à bien ces projets scientifiques sont : la génomique, la protéomique, la bioinformatique, l'imagerie moléculaire et l'ensemble des approches génétiques. Il s'agit par ailleurs de disposer de ressources cliniques importantes ce qui suppose la constitution de centres de recherche clinique performants, compétitifs et une mutualisation des banques de données. Un problème technique à résoudre est celui de la miniaturisation des prélèvements tissulaires en particulier adipeux et musculaires. Enfin, le phénotypage alimentaire et nutritionnel (bilan d'énergie, composition corporelle) reste une difficulté pour les études d'envergure. Les collaborations sont certainement essentielles avec les spécialistes du comportement alimentaire, les sociologues et économistes. L'expertise en sciences humaines et sociales est un élément essentiel de l'approche interdisciplinaire dans le domaine de l'obésité.

L'hétérogénéité ethnique, culturelle et sociale de la population européenne est considérée comme un atout considérable pour la recherche sur l'obésité en Europe. Cette hétérogénéité se traduit par des différences importantes en termes de pratiques alimentaires et plus généralement de styles de vie qui ajoutent leurs effets aux variables génétiques.

Pour mener à bien cette politique européenne de recherche sur l'obésité, il est donc proposé de constituer un institut virtuel. Cet institut interviendrait comme centre coordonnateur de la recherche, constituerait et administrerait une biobanque, définirait des critères de qualité, serait une source d'informations sur la recherche européenne sur l'obésité et un interlocuteur pour les décideurs politiques, favoriserait le débat entre les associations, les consommateurs et l'industrie. Il procéderait à la standardisation des procédures d'investigation, veillerait à la qualité des essais, à l'optimisation des ressources, à la gestion des banques de données et à la création de plateformes de recherche interdisciplinaires. Il est essentiel d'assurer la formation et la mobilité des investigateurs. Une telle approche a d'ailleurs été développée dans le cadre du projet Nugenob .

Programmes Européens

À titre d'exemple, nous citerons quelques projets européens réalisés ou en cours de constitution.

Consortium Nugenob

Ce projet a pour objectif d'étudier les interactions entre alimentation lipidique et prédisposition génétique à l'obésité. Dans huit centres européens, 750 sujets obèses et 115 sujets témoins ont participé à cette étude et suivi le programme d'intervention diététique de 10 semaines (réduction de 600 kcal/24 h des apports, 25 ou 45 % de lipides). Il s'agit d'identifier et de caractériser de nouveaux gènes candidats de l'obésité sensibles aux effets des nutriments, d'évaluer l'impact d'un apport aigu de lipides sur l'expression génique dans le tissu adipeux et d'étudier cette expression en réponse à un régime hypocalorique prolongé plus ou moins riche en lipides. Ces réponses sont analysées en fonction de variants génétiques. L'objectif est également d'identifier des prédicteurs des variations pondérales sous régime plus ou moins riche en graisse. Les responsables scientifiques de cette étude ont constitué un consortium qui fonctionne comme pourrait le faire un institut virtuel au niveau européen.

Projet Diogenes

Le projet Diet, obesity and genes ( Diogenes ) est actuellement en cours d'étude dans le cadre du 6 e PCRDT (priority 5, food quality and safety) . L'objet de ce consortium est l'étude des effets de la composition en macronutriments sur la prise de poids et plus particulièrement l'influence de l'index glycémique et du contenu protéique. Cet essai inclut une analyse détaillée des facteurs génétiques dont l'expression génique et la peptidomique. Ces études seront complétées par des analyses comportementales et psychologiques. Le projet comprend une recherche en technologie alimentaire. Diogenes cherche à définir comment des facteurs comportementaux et des facteurs génétiques contribuent à la perte et/ou la reprise de poids. Cet essai a lieu dans 8 pays et mobilise un nombre considérable de participants : Maastricht university (NL), The Royal veterinary and agricultural university (DK), Medical research council, Human nutrition research (UK), National medical transport institute (Bulgaria), University of Crete (GR), German institute of human nutrition (All), University of Navarra (Esp), Nestec S.A. (CH), Charles university (Czech R), Inserm (F), Danone (F), IntraGen (F), BioVisioN AG (All), Copenhagen hospital corporation, Bispebjerg hospital (DK), Budapest university of technology and economics (H), National institute of public health and the environment (NL), Centro per lo Studio e la Prevenzione Oncologica (It), University of Helsinki (Finlande), Epidemiology unit (UK), Rowett research institute, Bucksburn (UK), University of Leeds (UK), University of Surrey (UK), Hochschule für angewandte wissenschaften Hamburg (All), Stichting technologisch topinstituut voedselwetenschappen (NL), NIZO Food Research (NL), The Norwegian food research institute (Norvège), Unilever Nederland BV (NL), NetUnion (CH), CortecNet (F).

Etude transnationale : PorGrow project

Le projet Policy options for responding to the growing challenge from obesity ( PorGrow ) est une étude transnationale conçue pour comparer les politiques de santé en matière de prévention de l'obésité. Le PorGrow project cherche à collecter et faire la synthèse des points de vue de différents acteurs académiques, politiques, économiques sur les stratégies préventives. La méthodologie est innovante : elle permet de définir comment les processus de décision opèrent dans le domaine de la prévention de l'obésité. Cette étude est coordonnée par le Dr Erik Millstone, SPRI- Science and technology policy research , University of Sussex , Brighton, Royaume-Uni. Il implique la France (Institut de recherche pour le développement), Chypre ( Research and education foundation of child health ), la Finlande ( The UKK institute for health promotion ), la Grèce ( University of Crete ), la Hongrie ( Semmelweis medical school ), l'Italie ( Institute of international sociology ), la Pologne ( Instytut zywnosci I zywienia ) et l'Espagne ( University of Alicante ).

Programmes chez l'enfant

L'alimentation des premiers mois de la vie et même, dès le stade foetal, l'impact de celle de la future mère sur la nutrition prénatale, enclenchent un processus de programmation métabolique qui marque l'être humain pour l'existence. Les recherches dans ce domaine constituent un champ très important de médecine préventive. Réunis dans le cluster Infant nutrition , trois projets européens étudient ces relations « programmées » sur le plan des pathologies de la croissance foetale, de l'obésité infantile et du diabète insulino-dépendant. Différents programmes européens se consacrent à cette question. Il faut citer en particulier le Childhood obesity: early programing by infant nutrition . Financé par la Commission européenne, ce programme de 2 millions d'euros a débuté en 2002 et durera 3,5 ans. Il s'agit d'analyser les effets de l'alimentation précoce (allaitement, qualité des laits, contenu en lipides et protéines) sur l'état nutritionnel. Autrement dit, dans quelle mesure peut-on comparer les laits maternel et industriel ? Ce projet européen va suivre deux groupes de bébés nourris avec des préparations de teneur protéinique différente, tandis que des enfants allaités par leur mère formeront un groupe de contrôle. Ils seront suivis durant deux ans pour cerner les relations entre le type d'alimentation, la croissance et le risque d'obésité.

Programme du Medical research council (MRC)

En Grande-Bretagne, le Medical research council (MRC) a lancé, en 2003, un important programme (4M£) de recherche sur l'obésité, le diabète et l'ostéoporose. L'objectif est de développer une recherche intégrative explorant les déterminants génétiques et environnementaux avant la naissance et tout au long de la vie. Le programme de recherche est conduit par la MRC epidemiology unit à Cambridge et le MRC epidemiology ressource centre à Southampton.

En conclusion , si les différentes initiatives internationales pour développer la recherche sur l'obésité ont suivi des processus de construction et de mise en oeuvre variables, elles partagent des options fortes et des orientations qui traduisent une double préoccupation commune : la nécessité de développer une recherche interdisciplinaire et le transfert des données de la recherche vers les actions de terrain. Seuls les États-Unis ont défini une stratégie globale avec des objectifs et un calendrier précis. La particularité du plan stratégique du NIH est de mobiliser l'ensemble de ses instituts de manière concertée. Ailleurs, les initiatives, parfois fortes, restent dispersées. L'impulsion donnée à la recherche sur l'obésité est récente, y compris aux États-Unis, et remonte à 2001-2003. Il n'est donc pas possible de faire une évaluation des résultats de cette politique de recherche, autrement que sur la base des appels d'offres et soutiens effectifs. À cet égard, le plan stratégique du NIH est le seul à avoir eu une traduction effective significative.

Une distinction est faite entre recherche multi- et interdisciplinaire. La première est une forme de juxtaposition d'intérêts thématiques spécifiques dans un domaine, la seconde cherche à renforcer les liens entre disciplines, à inspirer et enrichir les recherches respectives de la confrontation des analyses, des méthodes et des approches. Il est frappant de constater combien les responsables de la recherche institutionnelle au NIH portent une attention insistante aux sciences humaines et sociales, au sens large du terme ainsi qu'aux événements précoces. Au risque de forcer le trait, on pourrait dire que la grande différence entre l'état de développement de la recherche sur l'obésité aux États-Unis par rapport à la France, voire à l'Europe, tient à quatre éléments :

• le premier est la force de la conviction d'investir dans cette thématique avec une traduction en termes de masse d'investissement : pour les Etats-Unis, l'obésité n'est pas un domaine secondaire voire ésotérique, c'est une priorité majeure (l'Europe a longtemps été en retrait mais la situation change rapidement et la France au travers de récents appels d'offre commence à investir dans ce domaine) ;

• le second est la volonté de voir se développer une recherche interdisciplinaire incluant les sciences humaines et sociales (économie, environnement, sciences du comportement, communication et santé publique), tout en misant fortement sur les sciences dures ; dans aucun de ces programmes n'est cependant discutée la difficile question de l'évaluation interdisciplinaire, de ses modalités et de ses critères ;

• l'engagement dans des partenariats incluant les associations et l'industrie agro-alimentaire. Un autre point distinctif est la place qu'occupe la recherche sur la prévention dans ces plans stratégiques.

BIBLIOGRAPHIE

NIH. The Strategic Plan for NIH Obesity Research. http://www.obesityresearch.nih.gov/About/strategic-plan.htm.
Weight-control Information Network 1 WIN Way Bethesda, MD 20892-3665 Email: win@info.niddk.nih.gov

Increasing the Impact of European Obesity Research. http://obesity.rowett.ac.uk/obesity/

Obesity Research in Canada. http://www.cihr-irsc.gc.ca/e/20406.html

NUGENOB PROJECT. http://www.nugenob.com/

PORGROW PROJECT. Policy options for responding to the growing challenge of obesity. http://www.sussex.ac.uk/spru/1-4-7-1-8.html

INSTITUTE OF MEDECINE OF THE NATIONAL ACADEMIES. Preventing childhood obesity. Health in balance. The National academies press, Washington, DC

* 15 Programmes-cadre pour la recherche et le développement technologique en Europe

* 16 http://www.iom.edu/report.asp?id=22596

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