B. PRENDRE EN COMPTE L'INCIDENCE MAJEURE DU DROIT COMMUNAUTAIRE

1. L'incidence implicite mais majeure du droit communautaire sur le droit français de la fonction publique

Si l'on s'en tient à la lettre des traités, la fonction publique ne fait pas partie du champ de compétence de l'Union européenne. En réalité, la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a cependant très largement investi cette matière.

Un article publié dans les Cahiers de la fonction publique en février 2005, reproduit en annexe n° 4, présente l'importance de l'impact du droit communautaire, du fait de l'interférence du droit de la fonction publique avec les domaines de compétence communautaires , comme en témoignent plusieurs arrêts de la CJCE cités dans l'article reproduit en annexe :

- le droit communautaire délimite le champ des emplois participant à l'exercice de la puissance publique par rapport aux autres emplois, lesquels doivent être ouverts aux ressortissants communautaires (CJCE 17 décembre 1980, Commission c/ Belgique ) ;

- le principe de libre circulation emporte l'obligation de prendre en compte les diplômes obtenus dans un autre Etat de l'Union et l'expérience professionnelle susceptible de compenser d'éventuels écarts (CJCE 7 mai 1991, Vlassopoulou ) ;

- la jurisprudence de la CJCE a interdit à plusieurs reprises les dérogations en faveur des femmes dans l'accès à la fonction publique et le départ à la retraite (CJCE 30 septembre 2004, Briheche ; CJCE 29 novembre 2001, Griesmar ) ;

- il faut prendre en compte les services accomplis dans un autre Etat de l'Union pour le classement dans un corps ou cadre d'emplois (CJCE 23 février 1994, Scholz ).

Le droit communautaire doit donc être pleinement pris en compte lors des modifications du statut de la fonction publique , qu'il s'agisse de l'ouverture des corps de la fonction publique aux ressortissants communautaires, d'une organisation de la fonction publique française en termes de corps et non d'emplois, des obligations de mobilité ou de la transformation d'emplois sous contrat à durée déterminée non en contrats à durée indéterminée (comme le principe en est déjà posé en droit français), mais en emplois d'agents titulaires de la fonction publique.

Votre rapporteur spécial considère l'influence du droit communautaire comme une chance pour moderniser le statut français de la fonction publique , ce qui suppose l'organisation de la DGAFP lui permette de s'adapter aux évolutions impliquées par le droit communautaire, tant en amont qu'en aval.

2. Développer la capacité d'expertise et de réaction française aux évolutions issues du droit communautaire

a) Renforcer la présence de la DGAFP auprès des institutions de l'Union européenne

Les constats sur l'impact du droit communautaire traduisent manifestement une volonté d'anticipation et d'expertise de la DGAFP .

En termes d'organisation, le bureau du statut général de la DGAFP est plus particulièrement concerné, en raison du caractère transversal des questions à traiter. Il joue parallèlement un rôle de diffusion de l'information et de coordination vis-à-vis des autres bureaux sectoriels dans cette matière. Une part substantielle et croissante de son activité apparaît désormais consacrée à ce sujet.

Selon les informations fournies par la DGAFP à votre rapporteur spécial en réponse à son questionnaire, « l'activité de la DGAFP en la matière peut être résumée ainsi :

« - Suivi des contentieux intéressant la fonction publique (y compris les litiges visant d'autres Etats membres que la France) portés au niveau de la CJCE, à partir des documents diffusés par le SGCI 16 ( * ) .

« - Rédaction de projets de notes à la Commission européenne ou de mémoires lors de la phase contentieuse sur les litiges concernant la France ou dans lesquels il a été décidé d'intervenir.

« - Analyse des risques issus des précontentieux et contentieux en cours, et plus généralement des effets de la jurisprudence communautaire.

« - Préparation et pilotage de projets de réforme et des textes juridiques correspondants (loi, décrets, circulaires...) (...).

« - Expertises diverses au profit de l'ensemble des administrations .

« - Entretien de contacts avec les services de la Commission européenne , pour éviter autant que possible l'engagement de procédures précontentieuses. Un groupe de travail sur la gestion des ressources humaines, réunissant des représentants de l'ensemble des Etats membres, donne également l'occasion d'échanges avec les autres Etats membres. La mission des affaires étrangères et internationales (MAEI) y participe également. Les moyens dont dispose la DGAFP ne permettent pas cependant de conduire une véritable action de lobbying et de sensibilisation vis-à-vis de la Commission européenne et des autres Etats membres ».

Votre rapporteur spécial se félicite de la pleine prise en compte de l'impact du droit communautaire sur la fonction publique française, y compris à titre d'expertise pour l'ensemble des administrations.

Il lui semble toutefois que la prise en compte des spécificités du droit français de la fonction publique exige une association systématique lors de l'élaboration des textes communautaires : cette fonction de veille pourrait utilement être exercée par la mission des affaires européennes et internationales (MAEI), ainsi chargée d'un rôle-clé dans la prise en compte des intérêts français en Europe , en étroite coopération avec le SGCI.

Proposition n° 13 : réorienter le rôle de la mission des affaires européennes et internationales dans la prise en compte des intérêts français en Europe, compte tenu de l'étroite imbrication entre le droit français de la fonction publique et le droit communautaire.

b) Renforcer la coopération européenne et internationale

La capacité d'expertise de la MAEI dépasse le cadre communautaire stricto sensu ; la DGAFP a également vocation à répondre à des demandes d'offres de prestations, non seulement des ministères, des collectivités territoriales, voire des entreprises publiques (dans ce cas, l'ensemble des services de la DGAFP peuvent être sollicités), mais aussi à l'international .

A cet égard, lors de son déplacement en Grèce, votre rapporteur spécial a pu observer la demande très forte d'échanges d'expériences de nos partenaires grecs sur les différents pans de la réforme administrative et budgétaire en France. Il convient de pouvoir répondre aux différentes demandes de coopération , notamment celles exprimées par les Etats dont l'organisation administrative est en partie inspirée de celle qui a été mise en place en France, ainsi que par les Etats devenus membres de l'Union européenne en 2004. De ce fait, la France pourrait s'appuyer davantage sur ses partenaires lors des négociations communautaires sur les sujets touchant au droit de la fonction publique.

Réorganisée et recentrée sur ses objectifs prioritaires, la MAEI a vocation à piloter ces demandes de coopération en tant que centre de ressources .

Proposition n° 14 : conforter la mission des affaires européennes et internationales de la DGAFP comme centre de ressources pour la coopération internationale dans le domaine de la fonction publique.

*

* *

L'évolution des missions de la DGAFP la conduit à redéfinir et clarifier ses relations tant avec la direction du budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie qu'avec les directions en charge de la gestion des ressources humaines dans les ministères. La définition de la politique de la fonction publique ainsi conduite est indissociable d'une pleine appréciation des incidences du droit communautaire.

Ce rôle nouveau s'exerce dans un cadre administratif renouvelé par la mise en oeuvre de la LOLF, pour laquelle la DGAFP occupe une position privilégiée pour piloter la réforme de l'Etat.

* 16 Secrétariat général de la coopération interministérielle.

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