III. LES RAPPORTS D'INFORMATION SUR LES PROJETS ET PROPOSITIONS DE LOI
A. LES PROPOSITIONS DE LOI RELATIVES À LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES AU SEIN DES COUPLES
Au cours de sa séance du mercredi 26 janvier 2005, la commission des Lois constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale du Sénat a décidé de saisir, à sa demande, la délégation des propositions de loi suivantes :
- proposition de loi n° 62 (2004-2005) de M. Roland Courteau et plusieurs de ses collègues tendant à lutter contre les violences à l'égard des femmes et notamment au sein des couples par un dispositif global de prévention, d'aide aux victimes et de répression ;
- proposition de loi n° 95 (2004-2005) de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues relative à la lutte contre les violences au sein des couples.
Sur le rapport de M. Jean-Guy Branger (n° 229, 2004-2005), la délégation a adopté à l'unanimité les recommandations suivantes :
La position de la délégation sur les principes énoncés par les propositions de loi :
1. La délégation approuve le principe d'une aggravation des sanctions des violences au sein du couple, en particulier par l'incrimination des formes les plus insidieuses de ces violences, celles qui se manifestent de façon répétée. De même approuve-t-elle cette sanction du caractère habituel des violences lorsqu'elles sont exercées par les anciens conjoints.
2. Elle est également favorable à l'élargissement des sanctions pénales à l'ensemble des formes de vie en couple, quel que soit le statut de celui-ci, mariage, concubinage ou pacte civil de solidarité (PACS).
3. Elle approuve l'introduction dans le code pénal de la reconnaissance du viol au sein du couple, dont le fondement n'est jusqu'à présent que jurisprudentiel.
4. La délégation est favorable au renforcement de l'aide apportée aux victimes de violences au sein du couple.
Les recommandations complémentaires de la délégation visant à d'autres modifications de la législation :
5. Relever de 15 à 18 ans l'âge légal du mariage des femmes, afin de contribuer à lutter contre les mariages forcés.
6. Prohiber la médiation pénale dans les affaires de violences au sein du couple, cette peine alternative souvent utilisée aujourd'hui par le juge donnant l'illusion d'une égalité entre les conjoints, alors qu'il existe bel et bien un agresseur et une victime.
7. Etendre le dispositif d'éloignement du conjoint violent du domicile conjugal, prévu au troisième alinéa de l'article 220-1 du code civil, aux concubins et aux partenaires d'un PACS.
8. Etendre aux « ex », ex-époux, ex-concubins et ex-partenaires d'un PACS :
- les circonstances aggravantes prévues par le 6° des articles 222-3 (tortures ou actes de barbarie), 222-8 (violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner), 222-10 (violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente), 222-12 (violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours) et 222-13 (violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail) du code pénal, la rupture de la vie de couple ne signifiant pas nécessairement la fin des violences pour les femmes, comme l'ont montré les résultats de l'enquête ENVEFF ;
- les dispositions prévues par les propositions de loi pour le 3° de l'article 138 du code de procédure pénale permettant au juge d'interdire à la personne sous contrôle judiciaire de se rendre au domicile du couple en cas de violences entre conjoints, concubins ou partenaires liés par un PACS.
D'autres recommandations de la délégation tendant à inciter les pouvoirs publics à entreprendre des actions destinées à susciter une prise de conscience de l'opinion publique et des différents intervenants et à améliorer l'efficacité de l'accueil et de la prise en charge des victimes :
9. Se doter rapidement des moyens statistiques sexués permettant de chiffrer les infractions liées aux violences au sein du couple, ce qui n'est pas possible actuellement.
10. Actualiser les résultats de l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF), qui date de 2000, afin de disposer d'un état des lieux le plus exhaustif et récent possible de manière à mieux mesurer les violences dont les femmes sont les victimes.
11. Réaliser des études sur l'influence de certains phénomènes sur la violence masculine à l'égard des femmes, tels que la pornographie, la prostitution ou la consommation d'alcool.
12. Conduire une étude sur le coût budgétaire et le coût social des violences au sein du couple, notamment leurs conséquences en matière d'arrêts de travail, d'assurance, de protection policière, de soins, de traitement judiciaire, de logement, de prise en charge des enfants, etc., ce coût étant aujourd'hui totalement inconnu.
13. Engager rapidement des négociations afin de faire de 2006 une année de lutte contre les violences au sein du couple dans l'ensemble des 25 États membres de l'Union européenne, voire dans les États membres du Conseil de l'Europe, conformément à la recommandation 1681 (2004) de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe du 8 octobre 2004.
14. Coordonner le réseau d'accueil et de prise en charge des victimes de violences au sein du couple, en y intégrant les collectivités territoriales, les communes en particulier.
15. Accroître, dans les plus brefs délais, la présence des permanences d'associations d'aide aux victimes au sein des commissariats.
16. Mieux sensibiliser les magistrats à la problématique des femmes victimes de violence de la part de leur conjoint, en leur dispensant une formation ciblée sur la prise en charge des victimes.
17. Privilégier la formation continue plutôt que la formation initiale pour les modules de formation organisés en direction des policiers, des gendarmes, des magistrats ou des personnels médicaux, l'accueil et la prise en charge de femmes victimes de violences au sein de leur couple nécessitant une grande maturité professionnelle et humaine.
18. Mettre en place, en relation avec les associations, des formations, notamment sous la forme de groupes de parole, destinées aux hommes violents afin que ceux-ci disposent des moyens leur permettant de mener une réflexion sur les causes de leur comportement.