EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 23 juin 2004, sous la présidence de M. Jean Arthuis, Président, la commission des finances a entendu une communication de M. François Marc, rapporteur spécial, sur le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

M. François Marc, rapporteur spécial , a tout d'abord signalé que le choix d'opérer un contrôle budgétaire du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), en application de l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), l'avait conduit à s'intéresser à une autorité administrative indépendante (AAI) aux moyens relativement modiques : les dotations du CSA s'élevaient à 32,7 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2004 ; le CSA employait 270 agents contractuels ou titulaires. Il a toutefois relevé que le CSA jouait un rôle essentiel, fortement débattu, pour la régulation de l'audiovisuel public. Il a remercié M. Claude Belot, rapporteur spécial des crédits de la communication audiovisuelle, qui lui avait permis de partager son expérience. Il a précisé, en effet, que le CSA, tout en relevant du champ des médias, était financé par le budget des services généraux du Premier ministre, dont il était le rapporteur spécial au sein de la commission des finances.

Il a rapidement rappelé l'histoire du CSA, relevant qu'avant 1982 un monopole public s'exerçait sur les chaînes de radio et de télévision, auquel la création de la Haute autorité de la communication audiovisuelle, ancêtre du Conseil supérieur de l'audiovisuel, avait mis fin, dans un contexte de reconnaissance des radios libres, puis d'essor des premières chaînes de télévision privée. Il s'est félicité de ce que le CSA, successeur de la Commission nationale de la communication nationale et des libertés, ait su s'affirmer comme un régulateur indépendant aux missions multiples et variées : délivrer les autorisations hertziennes ; conventionner les chaînes du câble et du satellite ; s'assurer du respect de leurs obligations par les chaînes ; autoriser l'exploitation des réseaux câblés ; nommer les dirigeants des sociétés de l'audiovisuel public. Il a souligné que ces missions incombaient aux neuf membres du CSA, nommés pour six ans, selon des règles inspirées de celles qui présidaient à la désignation des membres du Conseil constitutionnel : ces neuf membres étaient renouvelés par tiers tous les deux ans, dont trois étaient désignés par le Président de la République, trois par le président de l'Assemblée nationale et trois par le président du Sénat.

M. François Marc, rapporteur spécial, a estimé que le débat sur les missions, la composition et le statut du CSA, ne pouvait être ignoré de la commission, car il alimentait utilement la réflexion sur sa situation budgétaire. Il a observé que les actes de gestion du CSA, autorité administrative indépendante, n'étaient pas soumis au visa d'un contrôleur financier, et que le CSA jouissait en pratique de réelles marges de manoeuvre dans sa gestion courante. Il a exposé les bonnes pratiques entre le CSA et la direction du budget : en contrepartie d'un effort de transparence dans la gestion du CSA, la direction du budget avait régulièrement accepté des reports de crédits relativement élevés, qui ne faisaient pas l'objet de mesures de régulation en cours d'exécution budgétaire. Il a souligné qu'en 2003 ces reports avaient représenté un cinquième des dotations du CSA inscrites en loi de finances initiale pour 2002, du fait de retards pris dans la mise en oeuvre de la télévision numérique terrestre (TNT). Dans ces circonstances, il a jugé que les reports de crédits représentaient un mode de gestion particulièrement nécessaire.

M. François Marc, rapporteur spécial , a ensuite présenté les missions du CSA. Il a montré que celles-ci n'avaient cessé de se développer depuis quinze ans, tant à l'initiative du législateur, de plus en plus exigeant sur le contrôle des programmes, qu'en raison de l'essor du nombre de chaînes et de méthodes de contrôle « cousu main ». Il a ainsi observé que peu d'autorités étrangères comparables au CSA mesuraient, à la seconde près, les interventions des hommes politiques sur les chaînes hertziennes. Il a souligné que le CSA disposait de moyens globalement stables, malgré l'accroissement de ses missions : le budget du CSA en loi de finances initiale pour 2004 s'élevait à 32,7 millions d'euros, contre 31,1 millions d'euros en loi de finances initiale pour 1998, soit une progression de 5,1 % en six ans. Il a relevé que le CSA était donc tenu de procéder à des arbitrages en cas de surcroît d'activité. Prenant l'exemple de la TNT, il a indiqué que la phase d'instruction avait mobilisé un quart des services du CSA pendant neuf mois, et que le CSA avait alors dû procéder à une redéfinition de ses priorités, vraisemblablement au détriment d'un contrôle plus exhaustif des programmes.

M. François Marc, rapporteur spécial , a signalé qu'eu égard aux préoccupations habituellement mises en avant par la commission, il lui semblait nécessaire de poser, pour l'avenir, le principe d'une étude d'impact sur les moyens du CSA en cas d'extension de ses missions par le législateur.

Il a rappelé, par ailleurs, qu'il était essentiel que le CSA organisât sa gestion à partir d'une comptabilité analytique, définie sur la base des objectifs et des indicateurs de performance prévus par la LOLF. Il a observé qu'une autre autorité administrative indépendante, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, avait déjà mis en place une comptabilité analytique comme outil interne de pilotage de son activité.

Il a ajouté, à cet égard, qu'il pouvait apparaître surprenant que le CSA, malgré une charge d'activité croissante, mesurée par la hausse du nombre d'autorisations délivrées par le CSA (de 770 en moyenne annuelle entre 1998 et 2000 à 920 en moyenne annuelle en 2001 et 2002), n'ait pas jugé prioritaire la mise en place d'instruments qui auraient démontré sa capacité d'adaptation à l'exercice de nouvelles missions. Il a mentionné des obstacles d'ordre culturel pour l'expliquer : la logique de productivité était peu explicitée dans les modes d'organisation du CSA, alors même que d'importants gains de productivité avaient été obtenus pour faire face, notamment, à l'accroissement du nombre de chaînes.

M. François Marc, rapporteur spécial , a souligné qu'une comptabilité analytique améliorerait significativement l'information du Parlement dans ses choix budgétaires. Il a rappelé que le législateur avait défini les missions du CSA et qu'il conviendrait qu'il dispose d'une information sur les conditions dans lesquelles ces missions étaient exercées, ainsi que sur les résultats quantitatifs et qualitatifs atteints. Sur cette base, le législateur pourrait décider, le cas échéant, des missions qui devraient être renforcées et adapter, en conséquence, les moyens mis à la disposition du régulateur.

Il a montré que la LOLF devait également permettre de renforcer la liberté de gestion du président du CSA, en regroupant en une seule enveloppe des crédits aujourd'hui éclatés entre quatre chapitres budgétaires. Il a déploré que cette dispersion des moyens ne soit pas propice à résoudre les questions de personnel auxquelles était confronté le CSA.

Il a relevé que la vacance d'une dizaine de postes, sur 270 emplois budgétaires, constituait un problème récurrent pour le CSA. Il a souhaité que ces vacances soient progressivement comblées pour répondre aux besoins nouveaux en personnels liés à une activité croissante.

M. François Marc, rapporteur spécial , a ajouté que d'autres difficultés provenaient de la décision d'intégrer au CSA 46 personnels techniques de Télédiffusion de France (TDF), jusqu'alors mis à sa disposition. Il s'est félicité que la fin de cette mise à disposition renforce l'indépendance du CSA dans le domaine technique. Il a toutefois montré que des difficultés pratiques se posaient : la perte par les personnels concernés de certains avantages hors masse salariale - en matière de protection sociale mutualiste et d'épargne salariale - devait être prise en compte dans le calcul de la prime de départ versée par TDF. Il a observé qu'un changement de statut trop défavorable pourrait conduire les personnels mis à disposition par TDF à opter pour le maintien dans leur entreprise d'origine, comme la possibilité leur en était offerte. Le CSA devrait alors procéder à des embauches et à des opérations de formation, susceptibles de retarder le démarrage de la TNT.

En conclusion, il a mis en exergue que le recours à une comptabilité analytique rigoureuse devrait constituer un chantier prioritaire à court terme pour le CSA, dont il avait apprécié le souci d'une gestion transparente, ainsi que la bonne volonté et la coopération manifestée par le Président Dominique Baudis, ainsi que son état-major lors de ce contrôle budgétaire. Il lui avait ainsi été donné de participer à une séance plénière, y compris au huis clos, ce qui lui avait permis de prendre la mesure du volume et de la qualité du travail accompli. Il a noté que cela démontrait l'importance et la portée des opérations de contrôle, ainsi que l'étendue des pouvoirs qui étaient ceux des rapporteurs spéciaux, tels que les définissait l'article 57 de la LOLF.

Tout en se félicitant que le CSA ait su s'adapter à des enjeux nouveaux et à des missions élargies, il a souligné qu'il importait de définir les objectifs et des indicateurs de performance prévus par la LOLF, afin d'apporter l'information nécessaire au contrôle budgétaire du Parlement. Il a estimé qu'ainsi le CSA pourrait renforcer sa vocation de régulateur de la communication audiovisuelle, dans un contexte marqué par des exigences nouvelles de coopération européenne et internationale.

M. Jean Arthuis, président , a déclaré qu'il serait particulièrement attentif à l'impact budgétaire des nouvelles missions du CSA, afin que la qualité de ses diligences sur son corps de métier ne soit pas altérée. Après avoir félicité le rapporteur spécial pour la qualité de son travail, il s'est plu à relever que le contrôle du CSA illustrait pleinement la portée des missions de contrôle sur pièces et sur place que la commission pouvait engager en application des dispositions précitées de la LOLF.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Adrien Gouteyron s'est interrogé sur les raisons rencontrées par le CSA pour pourvoir à certains postes. Par ailleurs, il s'est demandé comment s'opérait le contrôle des programmes concernant la part de productions d'origine française. Enfin, il a souhaité savoir quels pouvaient être les chevauchements éventuels de compétences entre le CSA et l'Autorité de régulation des télécommunications (ART).

M. François Marc, rapporteur spécial , a répondu que la stabilité des moyens du CSA le conduisait à ne pas pourvoir à certains postes vacants, afin de pouvoir préserver le niveau de qualité de son recrutement. S'agissant de la répartition des compétences entre le CSA et l'ART, il a observé que la fusion éventuelle des deux autorités n'était pas souhaitée par le CSA, même si cette option avait été retenue dans d'autres pays européens : le champ de compétence de l'ART s'avérait, en effet, très technique, alors que la régulation du CSA présentait, elle, un caractère davantage qualitatif et plus politique. Enfin, il a observé avoir pu contrôler, sur place, que le CSA procédait à une « vérification scrupuleuse » des productions d'origine française, tout en reconnaissant que les frontières géopolitiques ne constituaient plus toujours des limites pour définir les zones de diffusion des programmes des chaînes étrangères du câble et du satellite.

M. Maurice Blin s'est interrogé sur la nécessité de renforcer les moyens du CSA pour maintenir la qualité de ses contrôles.

M. François Marc, rapporteur spécial , a souligné que l'absence d'objectifs et d'indicateurs de performance avait constitué pour lui une source permanente d'interrogations et que, dès lors, il avait dû s'en tenir aux appréciations de ses interlocuteurs du CSA quant au travail qualitatif effectué.

A titre l'illustration, il a relevé que l'instruction des dossiers de demande dans le cadre de la TNT avait mobilisé 60 collaborateurs du CSA pendant deux mois ; or, le CSA avait déclaré pouvoir continuer d'exercer l'ensemble de ses missions « dans de bonnes conditions ».

Il a également souligné qu'il lui avait toutefois été rapporté, lors des entretiens auxquels il avait procédé, les difficultés à définir précisément le volume des programmes destinés à la jeunesse. Il en concluait que l'accroissement des missions du CSA conduisait, à moyens constants, à opérer des arbitrages et ne rendait que plus impérieuse la définition d'indicateurs de performance.

M. Maurice Blin a souhaité savoir si les personnels du CSA disposaient des qualifications professionnelles exigées pour accomplir des missions spécialisées.

M. François Marc, rapporteur spécial , a observé que les tâches accomplies par les personnels mis à disposition par TDF requéraient une grande technicité, ce qui témoignait de la nécessité de leur proposer des conditions attractives d'intégration au CSA.

Suite à la séance plénière à laquelle il avait pu participer, il s'est félicité des grandes compétences techniques des conseillers du CSA, aptes à rapporter eux-mêmes l'ensemble des dossiers sans l'appui des services techniques. A cet égard, il a souligné qu'il avait ainsi pu constater que leurs opinions politiques ne transparaissaient nullement dans leur approche du dossier.

M. Jean Arthuis, président , s'est interrogé, d'une part, sur la cohérence des mesures prises par le CSA pour se doter d'un système informatique approprié et, d'autre part, sur les possibilités d'externalisation de certaines tâches de gestion.

M. François Marc, rapporteur spécial , a effectivement déploré que les dépenses informatiques constituent une variable d'ajustement budgétaire, bien que leur poids fût inférieur à 2 % de l'ensemble des crédits du CSA. Il a ajouté que le CSA n'employait que sept informaticiens.

S'agissant de l'externalisation de certaines tâches, il a évoqué les réticences culturelles des agents du CSA, conscients de la particularité de leur mission, à s'engager en ce sens. Il a toutefois ajouté que le CSA procédait assez largement à la sous-traitance de certaines de ses fonctions supports. Il a ainsi, en particulier, cité un partenariat avec l'Institut national de l'audiovisuel (INA) pour l'enregistrement des programmes, qui avait valeur d'exemple, car il s'était traduit par une coopération fructueuse entre deux institutions publiques. Il a signalé que, de fait, l'externalisation concernait principalement les contrôles purement techniques relevant de tâches mécaniques, alors qu'une telle évolution était plus difficilement envisageable quand les missions du CSA comportaient une part d'appréciation qualitative.

La commission a alors donné acte de sa communication, à l'unanimité, à M. François Marc, rapporteur spécial, et décidé que les conclusions de sa mission feraient l'objet d'une publication sous la forme d'un rapport d'information.

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