CHAPITRE II

L'EXCEPTION FRANÇAISE EN QUESTION

Même si ses contours doivent être dessinés avec des nuances, il existe incontestablement une « exception footballistique » française . Sur le plan des résultats, elle aboutit au meilleur, la victoire de l'équipe de France lors de la Coupe du Monde de 1998 et du championnat d'Europe 2000, mais aussi parfois au moins bon, l'effacement plus ou moins continu des clubs français dans les grandes compétitions européennes .

Sur le plan de son fonctionnement, si l'on peut se féliciter qu' une certaine sagesse caractérise, malgré de trop nombreux « écarts », le football français, il faut aussi reconnaître que notre football apparaît, même sourdement, en décalage avec les évolutions observées chez ses principaux « partenaires-concurrents » étrangers . En un raccourci, qui n'apparaît pas excessif, on peut dire que le football français s'efforce de se préserver de certains « excès » résultant du processus de globalisation, qui marque l'évolution contemporaine du football européen au prix d'ambitions européennes limitées.

Face à cette situation , un certain nombre d'acteurs du football national prônent un rapprochement de notre « modèle » avec les « modèles » étrangers . Il n'est pas illégitime de poser cette question, d'autant qu'un certain nombre d'atouts du football français sont aujourd'hui remis en cause.

Mais, pour votre rapporteur, ce serait une grave erreur de l'envisager sans prendre en considération les forces du modèle français et les faiblesses des footballs concurrents.

I. UN FOOTBALL FRANÇAIS UN PEU EN RETRAIT

Les classements déjà mentionnés des clubs de l'élite européenne du football, en fonction du niveau de chiffre d'affaires, sont sans surprise, avec une prépondérance des clubs anglais et italiens. La France ne place aucun club dans cette zone et le premier club français , quinzième en 1998-99 , est désormais dix-neuvième .

Ce constat semble témoigner d'une position de retrait du football de notre pays dans le processus actuel de développement du football professionnel en Europe. Dans le débat public qui s'est ouvert sur ce thème, plusieurs autres données sont avancées pour accréditer l'idée d'un retard français. Une précaution élémentaire de méthode doit être formulée à ce propos.

Les informations mentionnées concernent presque systématiquement des données moyennes. Or, les moyennes sont susceptibles d'induire une erreur lorsqu'elles sont maniées sans précaution. Cette observation statistique triviale est d'autant plus fondée que la réalité à décrire est caractérisée par une forte dispersion des situations individuelles, comme c'est le cas dans le football. On s'efforce dans la suite des développements de distinguer les données pertinentes de celles pour lesquelles la réalité « défie » la simplification que représente la considération de moyennes arithmétiques.

A. DES CONDITIONS ÉCONOMIQUES DISPARATES, LES CLUBS FRANÇAIS EN RETARD

Des clubs appartenant aux cinq « grands pays de football » participant à la Ligue des Champions, les clubs français sont quasi-systématiquement ceux qui subissent la plus forte contrainte financière. Cette situation les soumet à un handicap de compétitivité qui se traduit par des performances sportives, et économiques, en retrait.

1. Des chiffres d'affaires très inégaux

Les chiffres d'affaires moyens des clubs engagés en Ligue des champions sont nettement dispersés .

Source : Rapport de M. Jean-Pierre Denis sur certains aspects du sport professionnel en France. Novembre 2003.

Hors transferts, le chiffre d'affaires moyen des clubs engagés en Ligue des Champions en 2002 atteint 170 millions d'euros pour un club en provenance d' Angleterre , environ 140 millions d'euros pour son homologue italien . Il est de l'ordre de 120 millions d'euros pour l' Allemagne et l' Espagne . Il approche 60 millions d'euros pour un club français.

Chiffre d'affaires moyen hors transferts des clubs engagés
en Ligue des Champions 2002

( en millions d'euros )

Allemagne

120

Angleterre

170

Espagne

115

Italie

140

France

55

Source : Rapport de M. Jean-Pierre Denis sur certains aspects du sport professionnel en France. Novembre 2003.

Exprimé par rapport à la moyenne des concurrents européens, l'écart entre le chiffre d'affaires moyen des clubs français engagés en Ligue des Champions (en 2002) et celui de ses concurrents étrangers est de 2,35.

Les clubs français participant à la Ligue des Champions connaissent ainsi un retard important de moyens par rapport à la « concurrence » européenne.

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