PREMIÈRE
PARTIE
UNE INDUSTRIE DU FOOTBALL EN QUÊTE DE
MATURITÉ
Au cours de ces dernières années, le football professionnel a connu un développement économique spectaculaire . Son chiffre d'affaires a explosé et on estime qu'il s'élève aujourd'hui à 15 milliards d'euros en Europe (98 milliards de francs). Les marchés impliqués, celui des joueurs, celui des produits liés plus ou moins directement au spectacle sportif ont enregistré une forte croissance ; de véritables entreprises sont nées .
Ces processus témoignent sans doute du formidable attrait du football. C'est du moins l'explication la plus confortable. Elle peut se soutenir, mais il serait naïf de s'en remettre entièrement à elle. Ce serait faire l'impasse sur des déterminants au moins aussi fondamentaux qui dessinent l'histoire récente d'un développement aux équilibres fragiles .
CHAPITRE I
LES RECETTES DU
FOOTBALL PROFESSIONNEL,
ÉTAT DES LIEUX
Les années 90 ont vu le chiffre d'affaires du « football européen » augmenter considérablement. Selon certaines estimations, le chiffre d'affaires des seuls clubs de l'élite en Europe s'élevait à 6,6 milliards d'euros en 2000-2001 et s'était hissé à 7,1 milliards en 2001-02 , dont 80 % pour les cinq plus grands championnats (Angleterre, Italie, Espagne, Allemagne, France).
Ce processus trouve sa principale explication dans le très fort accroissement des recettes issues de la commercialisation des droits de retransmission télévisuelle des compétitions. Ce phénomène essentiel doit être décrit en détail. Il ne s'est pas déroulé partout de la même manière et les différents espaces nationaux subsistent malgré la globalisation que connaît l'économie du football. L'importance prise par les droits TV dans les recettes du football professionnel conduit à s'interroger sur la pérennité d'une dynamique à la base d'un « boom économique » sans précédent mais dont l'avenir est incertain.
I. UNE FORTE AUGMENTATION DU CHIFFRE D'AFFAIRES DU FOOTBALL
AVERTISSEMENT DE MÉTHODE
Les données financières mentionnées proviennent de différentes sources directes ou, le plus souvent, quand il s'agit des situations observées à l'étranger, indirectes. Dans le cas de la France, les présentations régulières de la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) sont utilisées, ainsi que les informations financières disponibles auprès des autorités de tutelle du football national. Ces informations présentent des lacunes, en particulier du fait de leur degré élevé d'agrégation. En outre, la capacité des organismes mentionnés à vérifier complètement l'exactitude des données transmises est à mettre en doute. Mais, ces difficultés apparaissent secondaires par rapport à celles qui concernent les situations financières du football professionnel à l'étranger. Les obligations de publication de résultats y sont fréquemment inexistantes ou contournées. Souvent, il n'existe pas d'organisme de surveillance financière.
Il faut donc garder à l'esprit que l'analyse
économique et financière du football professionnel est loin de
disposer des indicateurs fiables qui lui seraient nécessaires. Cette
caractéristique est en soi significative d'un état de
développement économique manquant de normalisation. Elle conduit
souvent à formuler des hypothèses. Celles-ci ne sont pas pour
autant arbitraires. Elles résultent d'analyses qu'on veut rationnelles.
A. APERÇU GÉNÉRAL
Au cours de la fin des années 90, le chiffre d'affaires des championnats européens s'est considérablement accru . Par exemple, les taux de croissance annuels ont atteint 25 % en Angleterre et en Espagne et 17 % en Italie . Le chiffre d'affaires du championnat anglais a atteint 1,7 milliard d'euros, celui du championnat italien 1,1 milliard d'euros et celui du championnat allemand 1 milliard.
En France, les recettes de la L1 ont augmenté en moyenne de 17 % par an entre 1995 et 2000 , soit un peu plus qu'un doublement, pour un nombre de participants en baisse 1 ( * ) , le nombre des clubs admis en L1 en 2000-2001 étant passé à 17 contre 20 au départ. Les recettes d'exploitation pour 2000-2001 s'élevaient à près de 4 milliards de francs contre 1,8 milliard de francs en 1995-1996 .
Les recettes d'exploitation des clubs de la Ligue 1 (Evolution 1995-2000) ( en milliers de francs ) |
||||||||||||
PRODUITS |
Saison 2000-2001
|
% |
Saison 1999-2000
|
% |
Saison 1998-1999
|
% |
Saison 1997-1998
|
% |
Saison 1996-1997
|
% |
Saison 1995-1996
|
% |
Matches championnat à domicile |
518 115 |
13 |
522 616 |
13 |
430 518 |
17 |
322 209 |
15 |
333 281 |
17 |
298 364 |
16 |
Matches coupe d'Europe |
76 958 |
2 |
86 601 |
2 |
84 850 |
3 |
64 135 |
3 |
59 583 |
3 |
111 254 |
6 |
Autres matches |
39 839 |
1 |
32 173 |
1 |
41 394 |
2 |
33 987 |
2 |
28 176 |
1 |
23 128 |
1 |
Sponsors publicités |
736 938 |
18 |
635 400 |
16 |
522 033 |
20 |
433 847 |
20 |
504 631 |
26 |
399 562 |
22 |
Subventions Collectivités territoriales |
162 556 |
4 |
165 757 |
4 |
247 094 |
10 |
250 328 |
12 |
283 263 |
15 |
307 928 |
17 |
Subventions TV & LNF |
2 021 958 |
51 |
2 247 093 |
56 |
1 076 904 |
42 |
899 033 |
42 |
621 185 |
32 |
563 139 |
31 |
Autres produits |
434 639 |
11 |
293 293 |
2 |
176 321 |
7 |
113 326 |
5 |
89 409 |
5 |
111 247 |
6 |
TOTAL : |
3 991 002 |
100 |
3 982 933 |
100 |
2 579 114 |
100 |
2 116 865 |
100 |
1 919 528 |
100 |
1 814 622 |
100 |
Source : Ligue de Football professionnel (LFP) - Statistiques saison 2000-2001.
L'augmentation du chiffre d'affaires du football connaît toutefois un réel ralentissement dont témoignent, à titre d'exemple, les tableaux ci-dessous qui concerne, l'un, le chiffre d'affaires moyen (hors transferts) par club en Ligue 1 française, l'autre, le total des produits d'exploitation pour les saisons 2001-2002 et 2002-2003.
Chiffre d'affaires hors transferts club moyen de
Ligue 1
|
||
|
Chiffre d'affaires hors transferts |
Evolution ( %) |
1995-1996 |
13 |
|
1996-1997 |
14,6 |
5,8 |
1997-1998 |
17,9 |
22,5 |
1998-1999 |
21,8 |
21,8 |
1999-2000 |
33,7 |
54,4 |
2000-2001 |
35,7 |
6,1 |
2001-2002 |
35,7 |
- 0,2 |
Source : Ligue de Football professionnel (LFP) (aux arrondis près) |
Pour la saison 2001-2002 , les produits d'exploitation s'élèvent à 643,1 millions d'euros . La progression par rapport à la saison précédente ressort à 5,7 %. Cependant, il faut tenir compte de l'augmentation d'une unité du nombre des clubs participants, si bien que le niveau des ressources ainsi corrigé est stable.
Pour la saison 2002-2003 , le montant des produits progresse encore à 689 millions d'euros ( + 7,1 % ) mais avec deux clubs de plus . Corrigée de cette variation, l'évolution des recettes unitaires est ainsi marquée par une réduction.
Les recettes d'exploitation des clubs de Ligue 1
au
cours des deux dernières saisons
(en millions d'euros)
|
Saison 2001-2002 18 clubs |
% |
Saison 2002-2003 20 clubs |
% |
Matches championnat à domicile |
79 583 |
12 |
89 301 |
13 |
Matches coupe d'Europe |
13 079 |
2 |
8 221 |
1 |
Autres matches |
5 890 |
1 |
8 167 |
1 |
Sponsors publicités |
126 541 |
20 |
139 557 |
20 |
Subv. Collectivités territoriales |
21 090 |
3 |
24 812 |
4 |
Droits TV |
332 810 |
52 |
356 935 |
52 |
Autres produits |
65 096 |
10 |
62 056 |
9 |
TOTAL : |
643 090 |
100 |
689 048 |
100 |
Source : Ligue de Football professionnel (LFP) - Statistiques saison 2002-2003.
* 1 Le championnat de L1, qui regroupe l'élite du football national, compte actuellement vingt équipes. Mais, il est à nouveau question de réduire ce nombre.