III. LA PERSPECTIVE DE L'ÉLARGISSEMENT DE LA ZONE EURO DOIT-ELLE CONDUIRE À UNE RÉVISION DE SES RÈGLES DE FONCTIONNEMENT ?
A. LES CRITIQUES PORTÉES AU POLICY-MIX DE LA ZONE EURO NE VONT-ELLES PAS ÊTRE RENFORCÉES PAR LA PARTICIPATION À L'EURO DE NOUVEAUX ÉTATS ?
Les critères de convergence contenus dans le traité signé à Maastricht ont fait l'objet de règles supplémentaires contenues dans le Pacte de stabilité et de croissance qui a été adopté par les États membres lors du Conseil européen des chefs d'État et de gouvernements réuni à Amsterdam les 15 et 16 juin 1997, moins d'un an avant que les États membres ne procède à la décision d'adopter de manière irréversible la monnaie unique. Destiné au maintien d'une convergence durable des économies des États membres de l'euro, le Pacte de stabilité a mis en place un renforcement de la surveillance et de la coordination des politiques budgétaires par le Conseil Ecofin.
Il a précisé les conditions d'application de la procédure des déficits excessifs prévue par l'article 104c du traité de Maastricht, qui vise à sanctionner les États dont le déficit public excède le seuil des 3 % par rapport au PIB, sauf si le déficit résulte de circonstances exceptionnelles, s'il est de nature temporaire ou s'il ne s'écarte pas trop de la valeur de référence. La décision du Conseil a précisé la notion de « circonstances exceptionnelles » - une récession résultant d'une baisse du PIB réel d'au moins 2 % pendant un an -, ainsi que le régime des sanctions qui peuvent consister dans un dépôt sans intérêt, éventuellement transformable en amende définitive si l'État membre n'a pas pris les mesures recommandées par le Conseil sur proposition de la Commission européenne.
Le Portugal a été le premier des États membres à dépasser en 2001 et 2002 le seuil de 3 % de déficit budgétaire et à être sanctionné selon cette procédure, suivi en 2002 et 2003 par l'Allemagne et la France, qui seront sans doute rejoints bientôt par l'Italie. La Grande-Bretagne, qui n'a pas adopté l'euro, n'est donc pas soumise aux sanctions du Pacte de stabilité, mais elle a également fait l'objet d'un avertissement pour 2003. La rigidité du Pacte a alors été mise en question en raison de son caractère arbitraire et de son inadaptation aux conditions du policy mix en phase de récession économique, puisqu'il conduit à prendre des décisions budgétaires pro-cycliques et non pas contra-cycliques.
Dans la zone euro, le déficit public est passé de 2,3 % du PIB en 2002 à 2,7 % en 2003, et dans l'UE à 15, le déficit est passé de 2,0 % en 2002 à 2,6 % en 2003. Au total, onze pays ont connu une détérioration de leur solde public exprimé en pourcentage du PIB. En 2003, les déficits publics les plus élevés par rapport au PIB ont été enregistrés en France (- 4,1 %), en Allemagne (- 3,9 %), au Royaume-Uni (- 3.2 %) et aux Pays-Bas (- 3,0 %). Trois États membres ont continué à enregistrer des excédents publics en 2003: la Finlande (+ 2,3 %), le Danemark (+ 1,5 %) et la Belgique (+ 0,2 %), tandis que la Suède (+ 0,7 %), l'Espagne (+ 0,3 %) et l'Irlande (+ 0,2 %) sont passés d'un déficit à un excédent.
Après la tendance à la baisse observée dans les années récentes, le ratio de la dette publique par rapport au PIB a augmenté dans la zone euro, de 69,2 % en 2002 à 70,4 % en 2003, ainsi que dans l'UE15, de 62,5 % à 64,0 %. Six États membres ont affiché un ratio supérieur à 60 % du PIB en 2003 , contre cinq en 2002. La dette publique de la France (63,0 %) a dépassé ce seuil alors que les autres États membres concernés ont été l'Italie (106,2 %), la Grèce (102,4 %), la Belgique (100,5 %), l'Autriche (65,0 %) et l'Allemagne (64,2 %).
Certains observateurs avertis ont déjà fait remarquer que le Pacte de stabilité et de croissance, s'il n'est pas parfaitement adapté aux anciens États membres, l'est encore moins pour les nouveaux États membres. En effet, ceux-ci sont confrontés à la nécessité de construire de nouvelles infrastructures de transports ou d'énergie et de mettre en place de nombreuses réformes qui, temporairement, ont pour conséquence une augmentation des dépenses budgétaires. D'ailleurs, leur participation à l'Union européenne entraîne naturellement une augmentation des dépenses publiques, ne serait-ce que du fait de leur contribution au budget communautaire ou de leur participation financière aux programmes qui font l'objet de subventions européennes.
Il faut rappeler en outre que, même pour les États fondateurs de l'euro, en raison du faible nombre de pays qui respectaient en 1997 les critères de convergence des finances publiques, la Commission européenne, comme l'Institut monétaire européen et le Conseil européen des chefs d'État et de gouvernements avaient, début 1998, interprété « en tendance » ces critères pour prendre en considération, comme le permet d'ailleurs le traité signé à Maastricht, l'évolution des déficits budgétaires et des dettes publiques, plutôt que leur niveau absolue ainsi que leur caractère éventuellement temporaire.