2. Les facteurs classiques de l'avantage comparatif dominent les considérations relatives aux normes environnementales
Comme on
l'a vu dans la première partie de ce rapport, l'explication classique de
l'avantage comparatif met l'accent sur deux facteurs de production : le
capital et le travail. Toutes choses égales par ailleurs, les pays dans
lesquels le ratio capital/main-d'oeuvre dépasse la moyenne mondiale ont
un avantage comparatif pour les industries capitalistiques, et inversement.
Les pays développés disposant de plus de capitaux que les pays en
développement jouissent d'un avantage comparatif pour les
activités capitalistiques, tandis que les pays en développement
sont avantagés pour les industries de main-d'oeuvre. Or, si l'on reprend
les données américaines relatives aux industries qui supportent
les coût de lutte antipollution les plus élevés (qui sont
aussi vraisemblablement les industries intrinsèquement les plus
polluantes) on observe qu'elles comprennent des industries comme celles des
métaux non-ferreux, de la chimie, du raffinage du pétrole, ou du
papier, qui font partie des secteurs les plus capitalistiques de
l'économie
37
(
*
)
.
Selon la théorie classique du commerce international,
ces secteurs
très capitalistiques auront donc tendance à se concentrer dans
les pays développés où le capital est abondant. Les
disparités de normes environnementales jouent certes en défaveur
des pays développés, mais il est douteux qu'un écart de
quelques points de pourcentage en termes de coût suffise à
renverser
l'avantage comparatif au profit des pays en
développement.
Cette intuition est confirmée par une étude de Tobey
38
(
*
)
: examinant si les
écarts de normes environnementales ont une influence notable sur la
structure du commerce international, il arrive à la conclusion que cette
structure reste déterminée par les facteurs classiques de
l'avantage comparatif (capital, main-d'oeuvre, et dotation en ressources
naturelles).
Ces raisonnements expliquent que des pays comme l'Allemagne ou les Etats-Unis
aient conservé un avantage comparatif dans le secteur chimique, par
exemple, secteur polluant et très réglementé, alors qu'ils
l'ont depuis longtemps perdu pour l'industrie textile, secteur moins polluant,
mais intensif en facteur travail.
L'idée selon laquelle les normes environnementales sont un
élément relativement secondaire dans les choix de localisation
des entreprises est confirmée par des enquêtes effectuées
auprès des chefs d'entreprises. Les principaux déterminants
cités pour les choix de localisation sont : le coût du
travail ; la fiscalité ; la qualité des
infrastructures ; la présence de ressources naturelles ; la
taille du marché intérieur du pays d'accueil, etc
39
(
*
)
. Les normes environnementales
ne sont que rarement citées.
Du point de vue des Etats, et des mesures qu'ils sont susceptibles de mettre en
oeuvre pour attirer des investissements étrangers, le recul des normes
environnementales n'est certainement pas l'instrument le plus pratique et le
plus efficace à mobiliser. Des mesures classiques de subventions ou
d'allégements d'impôts sont de nature à envoyer un signal
beaucoup plus lisible aux investisseurs étrangers, tout en suscitant
moins de réticences chez les consommateurs résidant dans les pays
développés.
Les firmes multinationales sont en effet soumises à des pressions
informelles croissantes de la part des consommateurs et des ONG.
* 37 D'après Repetto (étude citée), le raffinage du pétrole, la fabrication de produits chimiques, la pâte et le papier, et le travail des métaux font partie des activités qui comptent le moins de salariés par millions de dollars de chiffres d'affaires.
* 38 J. Tobey, « The impact of domestic environmental policies on patterns of world trade : an empirical test », Kyklos, vol. 43, 1991.
* 39 Voir OCDE, « Environmental issues in policy-based competition for investment : a literature review », 2002, Paris, France.