C. LES DIFFÉRENCES DE RÉGLEMENTATION ENVIRONNEMENTALE NE SONT GÉNÉRALEMENT PAS UN FACTEUR DÉTERMINANT DES CHOIX D'IMPLANTATION DES ENTREPRISES
Les coûts de mise en oeuvre des normes environnementales apparaissent, le plus souvent, comme un déterminant assez secondaire des choix d'implantation des entreprises.
1. Les coûts de mise en oeuvre des normes environnementales semblent relativement modestes
Les
données chiffrées relatives aux coûts de mise en oeuvre des
normes environnementales sont peu nombreuses et, de surcroît,
relativement anciennes. Elles doivent donc être
interprétées avec prudence, et comme rendant compte d'un ordre de
grandeur, plutôt que d'évaluations précises.
Seuls les Etats-Unis ont publié, jusqu'au milieu des années 1990,
des données relatives au coût du respect des normes
environnementales, sur la base d'une enquête annuelle auprès des
entreprises. Les derniers chiffres publiés portent sur l'année
1993. Il est difficile de proposer, à partir de ces chiffres, une
extrapolation des coûts aujourd'hui subis par l'industrie
américaine, mais il peut être utile de les rappeler pour se faire
une idée des coûts supportés à l'époque par
les différentes branches de l'économie américaine.
Comme le montre le tableau suivant, les entreprises américaines
consacraient, en moyenne, 0,6 % environ de leur chiffre d'affaires aux
mesures antipollution. Cette proportion montait jusqu'à 1,5 ou 2 %
pour les industries les plus polluantes - pétrole et charbonnage,
produits chimiques, métallurgie, et papier et produits connexes.
Coût d'exploitation des équipements
antipollution
selon la branche de production aux Etats-Unis (1993)
Source : Census Bureau (1996)
Une étude de l'OCDE, réalisée en 1997 et portant sur le
secteur de la sidérurgie
34
(
*
)
, a abouti à un éventail plus large,
puisque le coût direct de la protection de l'environnement est
estimé « entre 1 et 5 % du prix de
revient »
35
(
*
)
.
Ces données éparses suggèrent que, pour la majorité
des entreprises, le coût du respect des normes antipollution est assez
faible. Toutefois, pour des entreprises fortement exposées à la
concurrence internationale et produisant des biens standardisés, un
surcoût de 1 à 5 % peut n'être pas négligeable.
Cependant, si l'on retient l'argument énoncé par
l'économiste Michael Porter, le surcoût réellement
supporté par l'entreprise n'est peut-être pas si
élevé qu'il y paraît à première vue : pour
cet auteur, la pression due à la réglementation, comme toute
autre pression concurrentielle, encourage des innovations qui permettent de
mettre au point de nouveaux procédés de fabrication, ou de
nouveaux produits présentant un intérêt commercial, qui
viennent minorer les surcoûts supportés par les entreprises.
Un autre indice, qui laisse penser que les coûts de lutte antipollution
sont peu significatifs pour les entreprises, résulte de la comparaison
entre les performances financières des entreprises les plus en pointe
sur les questions environnementales, et les autres. En 1997, Cohen et
Fenn
36
(
*
)
se sont
penchés sur la rentabilité des 500 entreprises de l'indice
Standard and Poors
en fonction de la qualité de leurs
performances environnementales. Ils comparent les résultats de deux
portefeuilles, un portefeuille « vert », qui ne comporte
que les entreprises les moins polluantes de chaque branche de production
(celles dont les résultats environnementaux sont meilleurs que la
médiane de la branche) et un portefeuille « brun »
rassemblant les entreprises plus polluantes. Pour s'assurer que les
résultats ne sont pas trop biaisés par le choix des mesures de
comportement environnemental et de résultats financiers, ils font au
total 54 comparaisons de portefeuilles fondées sur différentes
combinaisons de neuf indices de comportement environnemental, trois indices de
résultats financiers et trois périodes. Dans 80 % des cas,
le portefeuille « vert » donnait de meilleurs
résultats que le portefeuille « brun », mais les
différences n'étaient statistiquement significatives que dans
20 % des cas. Un comportement plus écologique ne se traduit donc
pas par une baisse automatique de rentabilité. Ce résultat peut
être interprété comme une confirmation de
« l'hypothèse de Porter ». Il est vraisemblable
aussi que les entreprises qui ont les meilleurs résultats
environnementaux soient aussi les plus avancées sur le plan
technologique, organisationnel, en matière de gestion des ressources
humaines..., et que la performance environnementale ne soit qu'un aspect de la
performance globale de l'entreprise.
* 34 OCDE, « Les conséquences des politiques de protection de l'environnement sur les coûts de compétitivité : la sidérurgie », DSTI/SI/SC (97) 46, 1997, Paris, France.
* 35 Il convient de noter que, dans l'étude de l'OCDE, les coûts de la lutte antipollution sont rapportés au prix de revient, tandis qu'ils sont rapportés au chiffre d'affaires dans les données américaines. Néanmoins, ces deux ratios sont étroitement liés puisqu'à long terme le prix du marché tend, du fait de la concurrence, à se rapprocher du prix de revient unitaire, majoré d'une marge correspondant au rendement du capital.
* 36 M. Cohen et S. Fenn « Environmental and Financial Performance : are they related ? », 1997, Department of Economics, Vanderbilt University, Nashville.