b) De la définition de normes à la création d'incitations
Traditionnellement, les traités internationaux
définissent des normes de comportement pour les États,
généralement énoncées sous la forme d'interdictions
de faire (interdiction de relever des droits de douane, interdiction de chasser
certaines espèces, etc.). L'efficacité de ces mesures
dépend de la volonté des États de respecter les
contraintes auxquelles ils ont souscrit. L'existence d'un mécanisme de
contrôle et de sanction est cruciale pour garantir l'effectivité
des accords. L'OMC dispose, avec l'organe de règlement des
différends (ORD), d'un instrument de contrôle et de sanction
efficace, mais ce cas de figure est assez exceptionnel en droit international.
Pour atteindre les objectifs de fourniture optimale des biens publics mondiaux
au moindre coût et sans mise en oeuvre d'un système de contraintes
et de sanctions, le recours à des instruments incitatifs peut parfois
être préférable. Ces instruments incitatifs peuvent prendre
la forme de taxes ou de création de marchés de droits.
Les biens publics se caractérisent par la présence
d'externalités
, c'est-à-dire que leur production a un
impact sur le bien-être d'agents qui n'y sont pas directement
impliqués et dont les avantages ou les coûts ne sont pas pris en
compte dans les calculs de l'agent qui les génère. Par exemple,
les émissions de gaz à effet de serre présentent un
coût pour la collectivité qui n'est pas reflété dans
le prix des énergies fossiles supporté par les consommateurs.
Cette « externalité négative » conduit
à une surconsommation d'énergie par rapport à ce qui
serait optimal du point de vue du bien-être collectif. Pour
« internaliser les externalités »,
c'est-à-dire amener les acteurs à intégrer dans leurs
calculs les coûts induits pour la collectivité de leurs
activités, l'instauration de taxes ou de redevances est l'instrument
économique le plus classique et le plus simple d'usage. La proposition
de James Tobin de créer une taxe sur les transactions internationales
s'inspire de ces réflexions ; cette taxe obligerait les agents sur
les marchés à internaliser les coûts supportés par
la collectivité du fait de la volatilité du cours des devises.
Pour rapprocher coût social et coût privé, Ronald Coase a
proposé une méthode différente de la taxation : il
s'agit de
la création de marchés de
droits
. Cela
suppose de créer d'abord des droits de propriété, puis de
définir leur répartition entre les différents acteurs
concernés. Pour l'application du protocole de Kyoto, des quotas de droit
d'émission de gaz à effet de serre ont été
négociés entre les parties, en vue d'être distribués
gratuitement selon des proportions définies par l'accord. Puis ces
droits devraient pouvoir être échangés sur un marché
international des droits d'émission. Ainsi, les pays désireux
d'émettre des gaz à effet de serre au-delà de leurs quotas
initiaux pourront le faire contre paiement. Le prix des droits
d'émission augmentant avec la demande représentera un signal
encourageant les États à modérer leurs émissions de
gaz à effet de serre.
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La mondialisation revêt donc, aux yeux de votre rapporteur, deux dimensions indissociables : l'accroissement des flux d'échange et de l'intégration économique, d'une part, et l'émergence dans le débat public d'enjeux globaux, commodément désignés par l'expression de « biens publics mondiaux », d'autre part. L'approche en termes de biens publics mondiaux présente l'avantage de fonder rationnellement l'action publique sur une analyse des défaillances de marché. Elle met en évidence le fait que la mondialisation, loin de rendre caduc le rôle du politique, appelle une action publique renouvelée. Des propositions en ce sens seront faites dans la troisième partie de ce rapport. Avant cela, il importe de présenter quelques éclairages sur une question souvent débattue, celle de l'impact de la mondialisation sur la qualité de l'environnement.