2. Les difficultés de la négociation collective
Lorsque
la production d'un bien public global dépend de la somme des actions de
chaque pays, l'enjeu est de coordonner le plus grand nombre d'États pour
maximiser la production de ce bien. Mais la coordination d'un grand nombre de
pays est difficile, comme l'ont rappelé récemment l'échec
du sommet de Cancun ou les ratés de la mise en oeuvre du protocole de
Kyoto.
Ces difficultés tiennent à certaines configurations
d'intérêts, du type « passager clandestin »,
déjà évoquées au sujet de la coordination des
acteurs privés. Laissé à lui-même, chaque pays peut
estimer qu'il a intérêt à ne pas contribuer à la
production du bien public : au mieux, il profitera des actions
éventuellement entreprises par les tiers ; au pire, il ne retirera
aucun bénéfice, mais ne supportera aucun coût au
bénéfice d'autrui.
Mener une action internationale coordonnée suppose également de
s'accorder sur les finalités à poursuivre, et, dans un univers
où les ressources sont limitées, de hiérarchiser les
priorités. Or,
la perception des enjeux et les
préférences collectives des nations sont loin d'être
homogènes
. Les négociations du Doha Round montrent un clivage
entre l'Union européenne, désireuse d'introduire des
éléments de régulation de la mondialisation dans le
domaine social et environnemental, et les pays en développement, qui
voient dans ces prétentions une possible menace sur leur croissance
économique.
Un accord peut être plus facilement obtenu entre sociétés
ayant des préférences divergentes si l'on admet le principe d'une
contribution différenciée de chacun des participants. Ainsi, les
pays qui ont les moyens les plus importants, ou qui sont les plus
déterminés à avancer sur un objectif, porteront une part
disproportionnée du fardeau commun.
Cette approche a été retenue dans le cadre de la
négociation sur le climat, qui assigne des objectifs très
différents aux États participants. Cette approche, pour
raisonnable qu'elle soit, n'en pose pas moins de redoutables problèmes
de répartition des efforts à fournir. L'administration Bush s'est
ainsi plainte de ce que le protocole de Kyoto imposait aux États-Unis
une charge trop lourde par rapport à celle de l'Europe et des pays
émergents pour justifier son refus de le ratifier.
3. Les instruments mobilisables
a) Une coopération plus ou moins institutionnalisée
L'instrument juridique auquel il est le plus souvent fait appel pour
organiser la production des biens publics mondiaux est la conclusion de
traités internationaux. Dans le seul domaine de l'environnement, on
compte quelques 200 conventions multilatérales. Une association
écologiste comme Greenpeace appelle de ses voeux l'élaboration
d'un « droit international de l'environnement » pour faire
contrepoids à la mondialisation économique et financière.
La multiplication des conventions n'est cependant pas, en soi, un gage de
progrès, dans la mesure où la question de l'effectivité
des traités est souvent posée. Comme on le verra, nombre
d'accords environnementaux ne sont pas ou sont mal appliqués.
La coopération entre États ne passe pas nécessairement par
la conclusion d'accords internationaux formalisés, comme le montrent par
exemple les initiatives prises par le G7/G8. En l'absence de formalisation
toutefois, les initiatives prises risquent de demeurer ponctuelles, et les
engagements difficiles à faire respecter dans la durée. Dans le
domaine monétaire, les décisions prises par le G7 dans les
années 1980 (accords du Plazza et du Louvre), visant à assurer
une plus grande stabilité du cours des devises, n'ont été
appliquées que très brièvement.
A l'inverse, une plus grande institutionnalisation peut être
recherchée par la création d'organisations internationales. Au
niveau politique, l'Organisation des Nations Unies, et plus
particulièrement le Conseil de Sécurité, sont
chargés de veiller au maintien de la paix. Dans le domaine
économique, le Fonds Monétaire International et l'Organisation
Mondiale du Commerce jouent un rôle éminent. L'Organisation
Mondiale de la Santé et l'Organisation Internationale du Travail sont
chargées de faire entendre des préoccupations sociales. La
création d'une organisation internationale peut être vue comme le
signe d'une volonté politique de la communauté internationale de
traiter un dossier. Une organisation internationale constitue un lieu de
concertation permanente qui facilite la conclusion d'accords. Elle est un lieu
où les États se surveillent en permanence, ce qui favorise le
respect des accords. Elle permet la formation d'une capacité d'expertise
reconnue et indépendante des États, et peut jouer un rôle
dans la sensibilisation de l'opinion publique à certaines
problématiques. La création d'une organisation internationale
n'est cependant pas décisive s'il n'y a pas une volonté politique
forte des États de lui donner les moyens juridiques et financiers
d'agir.