II. L'ÉMERGENCE DES BIENS PUBLICS MONDIAUX

La mondialisation multiplie les problèmes et les intérêts communs à des ensembles de pays, voire à toutes les populations de la planète, qu'il s'agisse d'environnement, de santé, de stabilité financière, ou d'accès au savoir. Dans la période récente, le débat sur les problèmes globaux a été renouvelé par le recours au concept de « bien public », formulé par Paul Samuelson dans les années 1950 17 ( * ) . Initialement appliqué dans un cadre national, le concept de bien public a été élargi à l'échelle internationale, de sorte que l'on parle aujourd'hui couramment de « biens publics mondiaux ». Alors que la libéralisation des échanges a été inspirée par la perception des avantages retirés du fonctionnement libre des marchés, la promotion de la notion de bien public plaide pour un retour de l'action publique, à une échelle nouvelle.

A. UNE PROGRESSIVE PRISE DE CONSCIENCE

La liste des problèmes considérés comme globaux s'allonge à mesure que des problèmes traités jusque-là à l'intérieur des frontières nationales débordent ce cadre traditionnel de l'action politique.

Pour s'en tenir aux principaux problèmes globaux, on peut citer : le changement climatique, la dégradation de la couche d'ozone, la diminution des ressources naturelles, et notamment de la biodiversité, les grands trafics, les risques de contamination sanitaire et de diffusion des épidémies, l'instabilité financière, ou encore la prolifération nucléaire. Cette liste pourrait bien sûr être complétée. Ces problèmes, de nature très hétérogène, renvoient, pour certains, à des thématiques anciennes (sécurité, lutte contre les épidémies), tandis que d'autres sont liés à des questionnements plus récents, tel le changement climatique. Ils ont en commun de poser de manière récurrente des problèmes d'action collective.

L'émergence de nouveaux problèmes globaux dans les consciences collectives doit beaucoup au travail de réseaux d'experts , qui permettent de mieux apprécier l'étendue des risques. Un travail scientifique préalable a, par exemple, été nécessaire pour que la question de la dégradation de la couche d'ozone fasse irruption dans le débat public. Aujourd'hui, l'Administration Bush insiste sur les divergences entre scientifiques autour du phénomène du changement climatique pour justifier son refus de ratifier le protocole de Kyoto. Le discours de l'Administration américaine vise à entretenir le doute sur l'origine humaine du réchauffement climatique, et à minimiser la menace qu'il représente. L'établissement d'un consensus parmi les scientifiques, relayé par les médias et les ONG, apparaît ainsi comme un facteur contribuant fortement à l'émergence d'un problème global dans la conscience collective. Pour faciliter l'apparition d'un consensus sur la question du climat, le Programme des Nations-Unies pour l'Environnement (PNUE) et l'Organisation météorologique internationale ont institué, en 1988, un Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

L'organisation de grandes conférences internationales est le signe qu'un problème global figure désormais sur l'agenda des Gouvernements. Pour s'en tenir au secteur de l'environnement, le sommet de la Terre à Rio, en 1992, a, de ce point de vue, représenté un tournant. Cette conférence a voulu jeter les bases d'un nouveau compromis international entre les préférences des pays du Nord et celles des pays du Sud. La communauté internationale s'est attachée à définir les problèmes pour lesquels pouvait être établie une responsabilité commune, mais différenciée, selon les pays et les niveaux de développement. L'Agenda 21, adopté lors du sommet, a défini un programme d'action pour un développement durable, embrassant tous les aspects de la protection de l'environnement et du développement des pays du Sud.

Une fois les problèmes globaux identifiés, se pose la question de la mise en oeuvre d'une action collective pour les résoudre. C'est dans ce contexte qu'il a été fait recours à la théorie des biens publics. Cette théorie présente l'avantage de souligner l'existence d'intérêts communs à l'ensemble des acteurs étatiques, et de donner un fondement rationnel à l'intervention publique dans un univers de marchés libres et concurrentiels, dont la légitimité n'est pas remise en cause.

* 17 P. Samuelson, « The Pure Theory of Public expenditure », Review of Economics and Statistics, vol. 56, 1954.

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