5. Une clarification des responsabilités pour mieux gérer les crises


a) La nécessité d'une instance pilote à l'échelon national

La mission préconisera l'instauration d'une instance pilote à l'échelon national en vue de prévenir les crises et de coordonner l'ensemble des acteurs lorsqu'elles surviennent. Plusieurs formules sont envisageables.

(1) Le Conseil national de sécurité sanitaire : une formule proposée à l'origine par le Sénat

On rappellera que la loi du 1 er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme a institué un véritable système de sécurité sanitaire en France, à partir d'une proposition de loi de MM. Charles Descours et Claude Huriet, elle-même issue des travaux de la mission d'information sénatoriale sur ce sujet.

Le système initial de la proposition de loi reposait sur un Conseil national de sécurité sanitaire qui aurait eu pour mission de coordonner l'action des différents services ministériels dans la prévention et la gestion des crises sanitaires.

Lors de son audition, M. Claude Huriet a rappelé les termes de son rapport 57 ( * ) qui définissait ce Conseil national : « Les différentes autorités chargées de la veille et de la sécurité sanitaires doivent être coordonnées, non seulement pour gérer les crises, mais aussi et surtout pour empêcher leur survenue. C'est pourquoi les sénateurs signataires de la proposition de loi ont souhaité mettre en place une structure interministérielle placée sous la présidence du Premier ministre, et vice-présidée par le ministre chargé de la santé ».

Le Conseil national de sécurité sanitaire aurait dû réunir le ministre de la santé, les ministres intéressés ainsi que les directeurs généraux des autorités de veille et de sécurité sanitaires (Institut de veille sanitaire, Agence de sécurité sanitaire des produits de santé, Agence de sécurité sanitaire des aliments), ceux-ci étant investis de missions de police sanitaire, tout autre intervenant pertinent pouvant être invité à y participer.

La mission rappellera que l'Assemblée nationale a modifié l'intitulé et les fonctions de cette instance lors des débats parlementaires et donc que la structure interministérielle ambitieuse imaginée par les auteurs de la proposition de loi, en vue de prévenir et gérer les crises, n'a pas vu le jour. Comme l'a rappelé M. Claude Huriet, « cela a été le prix à payer pour que l'Assemblée nationale se rallie au texte du Sénat ».

Le Conseil national est ainsi devenu un comité national de sécurité sanitaire à la composition et aux attributions réduites, précisées par la loi du 9 mai 2001 58 ( * ) . Il est « chargé d'analyser les évènements susceptibles d'affecter la santé de la population, de confronter les informations disponibles et de s'assurer de la coordination des interventions des services de l'Etat et des établissements publics placés sous sa tutelle, notamment pour la gestion, le suivi et la communication des crises sanitaires. Ce comité s'assure également de la coordination de la politique scientifique de l'Institut de veille sanitaire, de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale ».

Ce comité national est donc devenu une instance d'analyse et le régulateur de la cohérence de la politique de sécurité sanitaire, sans réel pouvoir de coordination il s'assure de la coordination », mais il ne coordonne pas les divers établissements et agences).

Sous la présidence du ministre de la santé, il réunit les directeurs généraux de l'Institut de veille sanitaire, de l'AFSSAPS, de l'AFSSA et de l'AFSSE ainsi que les présidents de leurs conseils scientifiques « une fois par trimestre, à la demande de l'un d'entre eux ou immédiatement en cas de déclenchement d'une crise sanitaire ». Il associe à ses travaux les autres ministères intéressés et peut y associer toute autre personnalité ou organisme compétent.

M. Claude Huriet a précisé que « ce comité national est présidé par le ministre de la santé et rassemble les directeurs d'agence et les chefs de service, c'est-à-dire une instance similaire à celle qui réunit le directeur général de la santé tous les mercredis matins ».

Une telle instance, véritablement décisionnelle, puisque placée sous l'autorité du Premier Ministre, aurait sans doute permis de répondre plus efficacement au souci recherché par la mission d'une prévention et d'une gestion efficace des crises.

(2) Une alternative : un COGIC élargi

La distinction difficile du champ de compétences de la sécurité civile et de la sécurité sanitaire, ainsi que les insuffisances de la communication entre les administrations concernées ont contribué à la prise de conscience tardive des conséquences de la canicule par le COGIC. Les difficultés rencontrées par ce dernier cet été ne remettent pas en cause ses compétences en cas de crise, selon M. Nicolas Sarkozy, qui a rappelé le succès de son action de coordination des acteurs lors des inondations récentes dans les Bouches-du-Rhône et dans le Gard : « Au niveau national, pourquoi se priver des compétences du COGIC face aux crises sanitaires ? Plutôt que de créer une nouvelle et coûteuse structure qui serait un COGIC spécifique pour la santé, pourquoi ne pas élargir le champ d'intervention du COGIC ? Je souhaiterais clairement rappeler que le COGIC est à la disposition de tous les ministères ».

Depuis la canicule, le COGIC a renforcé ses liens et ses échanges d'informations avec l'Institut de veille sanitaire, le ministère de la santé et l'INSERM. A terme, dans le projet de M. Sarkozy, le COGIC élargi aurait « des relations institutionnalisées au quotidien avec les partenaires de la chaîne sanitaire ».

Il deviendrait en outre « le bras armé opérationnel » d'une instance spécifique de décision au plus haut niveau de l'Etat car « dans la crise, il faut un décideur identifié et incontestable » ; les réunions régulières des directeurs de cabinet des ministres à Matignon, pour le plan Vigipirate, peuvent être évoquées à cet égard. Épaulé par le COGIC, agissant dans le cadre des futurs plans « températures extrêmes », une telle instance permettrait de répondre efficacement à l'émergence de crises aux multiples origines. Elle aurait en outre l'avantage de rapprocher au quotidien les personnels en charge de la sécurité civile et de la sécurité sanitaire et environnementale.

Cette coordination sera également développée, dans le domaine de la prospective et de l'analyse des risques, au sein d'un Conseil national de la sécurité civile . M. Christian de Lavernée a annoncé à la mission sa mise en place prochaine, indiquant que ce conseil « aura pour but de recenser tous les risques possibles et imaginables, y compris ceux survenus à l'étranger. Dans ce conseil travailleront des experts, qui feront une synthèse sur le niveau de la France à la préparation aux risques ». Lors de son audition, M. William Dab a précisé qu'il participait « personnellement et activement » à la mise en place de ce Conseil, ajoutant qu'il permettrait « aux différentes administrations de renforcer leurs liens et de mieux travailler ensemble ». Ce Conseil permettrait ainsi d'avoir une vision globale des risques afin d'améliorer la planification et la gestion opérationnelle des crises.

Sur proposition de son rapporteur, la mission a exprimé sa préférence pour un Conseil national de sécurité sanitaire, distinct du COGIC, dans la mesure où ce dernier a une vocation propre de sécurité civile. En effet, le COGIC, confronté à une crise aux facettes multiples, pourrait ne pas placer les problèmes de santé publique en tête de ses priorités. Il semble donc judicieux de prévoir deux instances séparées, dont la coopération serait institutionnalisée.

Dans la mesure où les crises sont « systémiques » et dépassent les limites des compétences administratives, cette coordination doit être véritablement interministérielle et être exercée par le Premier ministre, afin d'avoir l'autorité nécessaire.

b) La réaffirmation de l'autorité du préfet en cas de crise

Le rôle du préfet en cas de crise sanitaire doit être réaffirmé. Comme c'est le cas en matière d'ordre public, il doit pouvoir pleinement commander, coordonner les interventions et mettre en oeuvre les moyens opérationnels pour faire face aux situations exceptionnelles : l'exemple de la tempête de décembre 1999, où les services de l'Etat ont réagi avec efficacité et rapidité, est éclairant à cet égard.

En sa qualité de représentant de l'ensemble des ministres, le préfet dispose de l'expérience et de la légitimité nécessaire. Aucune autre autorité administrative n'est en mesure, dans un département, lors d'une crise, d'actionner l'ensemble des services de secours et d'en assumer la responsabilité.

Bien que le préfet exerce son autorité sur les directions régionales et départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS et DRASS), la crise de la canicule de l'été 2003 a montré qu'il ne disposait plus d'une vision exhaustive de la situation sur le plan sanitaire. Depuis la création des Agences régionales de l'hospitalisation en 1996, il n'y a plus de relation ni de contact direct entre les préfets, les hôpitaux et les directeurs d'hôpitaux.

Il ne semble cependant pas réaliste, en l'état actuel des choses, de modifier le schéma d'ensemble retenu par l'ordonnance de 1996 : les compétences des ARH en matière d'organisation des établissements publics de santé, d'autorisation des investissements et de planification des restructurations, ne doivent pas être remises en cause. Il apparaît également impossible d'établir une tutelle du préfet sur les ARH dans la mesure où ces dernières, en associant l'Etat et la CNAM, disposent d'une autorité sur les hôpitaux publics et privés.

Pour autant, la situation n'est pas satisfaisante et la mission estime indispensable de donner au préfet les moyens opérationnels d'exercer ses prérogatives en cas de crise sanitaire. Il conviendrait de prévoir que les responsables des établissements appartenant au secteur public de la santé, comme ceux des structures accueillant des personnes âgées, aient l'obligation d'alerter le préfet et de lui adresser toute information significative en situation de crise.

c) Quel rôle pour le président de conseil général ?

Comme il a déjà été observé, la canicule a révélé, au plan tant national que local, les conséquences de l'éclatement des compétences administratives et institutionnelles s'agissant de la politique en faveur des personnes âgées. Face à cet émiettement des responsabilités et à cet enchevêtrement des compétences, le législateur a souhaité que le rôle du président du conseil général soit réaffirmé.

Le projet de loi relatif aux responsabilités locales, voté en première lecture par le Sénat le 15 novembre 2003, propose en effet de renforcer les pouvoirs du conseil général :

- par la désignation du département comme chef de file en matière d'action sociale, rôle qui complète utilement celui qui lui avait été dévolu en 1983 en matière d'aide sociale ;

- par le transfert au département des schémas départementaux d'organisation sociale et médicosociale ;

- par l'affirmation des pouvoirs du président du conseil général en matière de coordination de l'action gérontologique.

La mission notera, à cet égard, qu'il n'existe pas de définition législative ou réglementaire de la notion de coordination gérontologique. Il s'agit en l'espèce d'un dispositif s'inscrivant dans la réalité de la vie locale et destiné à offrir un ensemble coordonné de services centrés sur l'aide aux personnes âgées. Il est mis en oeuvre dans chaque bassin de population pour :

- informer le public sur l'ensemble des structures et services permettant de venir en aide aux personnes âgées ;

- évaluer, pour chaque personne âgée demandant une aide, à la fois l'état de santé, les facteurs de dépendance et l'environnement social dans lequel elle vit ;

- proposer les solutions et les mesures de soutien ou de prise en charge adaptées à sa situation ;

- aider à la mise en oeuvre d'un plan d'aide garantissant sa qualité de vie et favorisant autant que possible son maintien à domicile.

Si le président du conseil général pilote toute la politique gérontologique dans le département, il y a lieu de prévoir que les alertes sanitaires affectant en priorité les personnes âgées lui soient signalées, au même titre qu'au préfet, afin que l'Etat et le département puissent coordonner la réponse appropriée à apporter à ce type de crise. De même il serait souhaitable que les schémas gérontologiques des départements intègrent désormais un dispositif d'alerte et de gestion de crise en cas de survenue d'une catastrophe sanitaire affectant les personnes âgées.

* 57 Rapport n°413 (1996-1997), au nom de la commission des affaires sociales, sur la proposition de loi relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.

* 58 Loi n° 2001-398 du 9 mai 2001 créant une agence française de sécurité sanitaire environnementale.

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